Afrique: Le 'Mr Afrique' de la Libye se prononce sur l'UA, le NEPAD et le "Droit de Regard".

26 Juillet 2002
interview

Durban — Le président sud-africain, Thabo Mbeki, était l'hôte officiel et le président du sommet inaugural de l'Union Africaine (UA) tenu à Durban au début de ce mois. Mais le leader qui a été sous les projecteurs dans la ville portuaire sud-africaine de l'océan indien était sans nul doute le dirigeant libyen, Muammar al-Gaddafi.

Mbeki a mené une rude bataille pour s'assurer qu'il imprimait son autorité à travers toute l'UA, malgré la compétition féroce de Gaddafi, qui s'est attribué avec joie le mérite d'avoir été le fer de lance de la création de la nouvelle organisation continentale. Le chef de d'état libyen, connu sous le nom du 'Guide de la révolution' ou du 'Leader Frère', ne se prive pas de faire sa propre publicité et de s'assurer que, partout où il va en Afrique, sa voix est entendue et sa présence remarquée.

'Le Guide' est même arrivé à glisser un discours impromptu, imprévu et passionné -le tout dans un anglais " cassé " - lors de l'inauguration de l'Union Africaine. Son discours a été le seul à avoir galvanisé les milliers de personnes rassemblés dans un grand stade à Durban.

Certains l'appellent un dissident alors que d'autres le trouvent embêtant. Ses supporters le décrivent comme étant un visionnaire.

Lors du sommet de Durban, Ofeibea Quist-Arcton de allAfrica.com a interpellé Ali Triki, le ministre des Affaires Africaines de Gaddafi, dans un couloir et il lui a accordé une interview de quelques minutes en même temps qu'à Barnaby Phillips de la BBC, entre des appels téléphoniques et un flux de félicitations.

Mr Triki, que pensez-vous du sommet et particulièrement du 'droit de regard', qui est un nouveau élément de l'Union Africaine ?

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Je pense que le sommet s'est passé de manière très calme, voire agréable, avec un esprit et une détermination pour aller de l'avant et de consolider notre Union. Je peux dire que nous sommes très contents des résultats du sommet. Je pense que nous avons beaucoup réalisé.

Beaucoup de gens disent comme d'habitude, que Muammar al-Gaddafi a ravi la vedette au président hôte.

C'est du n'importe quoi, n'importe quoi. Nous avons vraiment encouragé et insisté pour que le sommet se tienne en Afrique du Sud, qui est le dernier pays à avoir été libéré du racisme et du colonialisme par les sud-africains et l'Afrique.

Al-Gaddafi a-t-il été fâché par le fait que le sommet inaugural de l'Union Africaine ne se soit pas tenu en Libye ?

Nous n'avons jamais fait une telle demande. Nous avons apporté notre soutien à l'Afrique du Sud. En effet, nous avons encouragé tous les autres pays à être présents ici. Nous sommes très fiers que la première conférence de l'UA se tienne en Afrique du Sud.

Beaucoup de personnes disent que la Libye veut dominer l'UA ; que pensez-vous de tout cela ?

C'est du n'importe quoi. La Libye est au service de l'Union Africain, et ne veut pas la dominer. C'est la Libye qui l'a initiée. Et elle va continuer en collaboration avec les autres pays africains à reconstruire, à construire cette Union, et ceci avec nos frères africains du continent. Nous ne demandons rien aux autres. Nous refusons la domination des forces étrangères, nous n'avons jamais demandé cela. Et nous sommes ici au service du continent.

Voyez-vous Muammar al-Gaddafi comme étant le cerveau derrière l'UA ou diriez vous que c'est l'inspiration de Kwame Nkrumah, le premier président ghanéen - qui préconisait le panafricanisme - l'unité africaine il y'a de cela cinquante ans.

Il a été le leader fondateur qui l'a demandé, il y'a de cela des années. Mais récemment c'est le leader de la Révolution Libyenne qui a initié cette Union.

Ce nouveau mécanisme de 'droit de regard' est un nouveau départ pour l'UA, qu'en pense Muammar al-Gaddafi ? Parce que, naturellement cela veut dire que lui - la Libye - pourrait être sévèrement critiquée, ou je suppose il pourrait être tout à fait loué.

Je pense que nous sommes très fiers d'être ceux qui ont crée l'Union, ceux qui sont derrière la création de l'Union, parce que nous sommes ceux qui l'ont initié. Et c'est la chose la plus importante. Pour nous, l'Union est la plus importante, elle est plus importante que n'importe quel chef d'état ou président ou quoique ce soit. Et vous pouvez remarquer que tous les présidents, y compris le président El-Bashir du Soudan, au nom du continent, a félicité le 'leader' pour ce qu'il a fait pour le continent et pour la création de l'Union. Alors nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli.

Pensez-vous que la Libye a une tradition démocratique qui lui permettrait d'être examiné minutieusement, par exemple, par 'le droit de regard' ? Cela vous plairait-il si les autres dirigeants africains critiquaient la manière dont le gouvernement fonctionne en Libye ?

Tout d'abord, je pense que personne ne peut nous donner de leçon en matière de démocratie. Nous avions une civilisation avant l'Occident. Nous avions une civilisation démocratique, les Musulmans, dans notre religion et les Africains. Nous avions une civilisation, nos traditions et notre système démocratique, ensuite les occidentaux sont arrivés plus tard, très tard et d'une certaine manière après nous. Donc, je ne pense pas que nous ayons besoin de leçons (rires). Le système de gouvernement européen est arrivé plus tard. Le nôtre est vieux de plus 1400 ans.

Nous avions notre propre système.

Je pense que ce dont nous avons besoin de la part de l'Occident c'est qu'il nous aide à lutter contre les maladies telles que le Sida, la malaria, etc. Nous n'avons pas besoin de leçon.

Que pensez-vous du fait que de la souveraineté nationale qui, comme le dit le président nigérian, Olusegun Obasanjo, ne sera plus un domaine tabou et que l'UA pourra intervenir dans les affaires internes d'un pays dans le cas d'un conflit, d'un génocide, etc.

Nous n'accepterons aucune intervention. Je pense que la raison pour cela, eh bien, c'est que la Libye a demandé la mise sur pied d'un organe à l'intérieur de l'Union pour superviser les élections. Donc nous ne voulons pas d'interventions étrangères. En effet, l'un des dirigeants - je pense que (c'est le président de l'Ouganda) Museveni - a affirmé que l'on devrait avoir une soi-disant doctrine Monroe, une doctrine africaine qui devrait ne pas permettre aux étrangers d'intervenir dans nos affaires internes. Ceci est une proposition du président Museveni de l'Ouganda.

Un sommet extraordinaire de l'UA se tiendra dans six mois, pour discuter de certains amendements sur la loi fondatrice de l'UA proposée par la Libye. Ce sommet se tiendra t-il à Syrtes, en Libye ?

Ils ont décidé d'un sommet et c'est possible que cela se fasse dans n'importe quel pays du continent, peut-être au siége de l'Union (à Addis-abeba) ou ailleurs.

Vous attendez-vous à ce que cela se tienne à Syrtes ?

Non, nous ne le proposons pas. Mais si les Africains le souhaitent, nous serions heureux de les accueillir.

Et pour l'emplacement du siège de la nouvelle Union Africaine ? Il y a des rumeurs que la Libye a très envie d'accueillir le siège.

Nous n'avons jamais pensé à cela. Nous avons plutôt apporté notre soutien à l'Afrique du Sud (pour qu'elle accueille le sommet inaugural de l'UA). Beaucoup de pays africains l'avaient demandé et nous avions répondu non, que nous soutenions l'Afrique du Sud. L'Afrique du Sud a beaucoup fait pour le continent et nous sommes fiers que ce soit le dernier pays africain à avoir été libéré du régime raciste et que l'Union commence ici.

Pouvez-vous nous donner votre opinion sur le NEPAD - le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique - et ses relations avec le G8 (le groupe des pays industrialisés) ?

Il n'y a pas de NEPAD pour le G8. Le NEPAD est un programme de l'UA. Le G8 n'a pas initié le NEPAD.C'est nous les africains qui l'avons initié. C'est à Syrtes que nous avons demandé aux présidents Mbeki et Boutéflika (d'Algérie) d'en discuter avec les pays riches, pour ce qui concerne la dette extérieure. Cela n'en fait pas une création du G8. Nous n'accepterons pas que le G8 nous impose quoi que ce soit. Et c'est la décision du Sommet. Nous n'accepterons pas de conditions. Le NEPAD est la création de l'OUA et maintenant c'est une création de l'UA.

Pensez-vous que la Libye a été laissée en dehors du processus du NEPAD ?

Non, non. Nous n'avons pas été laissés en dehors du processus. Et rien n'est encore arrivé. Rien ne s'est produit du coté de l'Europe. J'espère que dorénavant nous dépendrons de nous-mêmes.

Quel rôle la Libye espère t-elle jouer au sein du NEPAD ?

La Libye veut bien faire quelque chose. Nous pensons que nous devons commencer par nous-mêmes, en tant qu'africains, et ensuite demander aux autres de se joindre à nous. Mais tous les dirigeants africains, sans exception, refusent des conditions de la part de quiconque voudrait les aider. Nous recherchons des partenaires pour construire notre continent, et si la Communauté Européenne, les Etats-Unis ou le Japon ou quiconque venait à nous, alors cette aide serait la bienvenue -mais elle serait sans aucune condition.

Que pensez-vous de l'élargissement de la commission d'exécution du NEPAD ? Il y aura une place de plus par région. L'Afrique du Nord a déjà trois places, maintenant elle en aura quatre. La Libye a-t-elle posé sa candidature, espérez -vous que vous deviendriez le quatrième membre ?

Eh bien nous avons participé, nous avons été invités (aux conférences du NEPAD) et s'ils nous choisissent, nous en serons très heureux.

Alors mettez-vous de la pression ?

Non, je ne mets pas la pression.

La Libye met -elle de la pression pour obtenir cette place ?

Nous en faisons plus qu'aucun autre pays sur le continent. Et si les Africains veulent de nous, nous sommes prêts.

Et ces bruits que des armes, des chèvres et quelques-unes de vos voitures ont été saisies à la frontière, et qu'ils ont été saisies pour des raisons de sécurité ?

C'est du n'importe quoi.

Alors dites-nous ce qui s'est réellement passé ?

Vous cherchez des ennuis.

Non, non. Je voudrais juste savoir ce qui s'est passé.

Il ne s'est rien passé. C'était une équipe libyenne qui était venue en avance pour préparer la visite

Nous avons entendu le ministre sud-africain de la défense, Mosiuoa Lekota, dire à la radio nationale que certaines de vos voitures et armes ont été saisies pour des raisons de sécurité.

C'est du n'importe quoi, du n'importe quoi. Vous êtes en train de dire des bêtises.

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