Ile Maurice: L'opacité du DPP

éditorial

Port Louis — "Justice must not only be done, but must be seen to be done." Il ne suffit pas de rendre la justice, il faut la voir rendue.

Cette maxime bien connue est en règle générale respectée dans notre système sauf en ce qui concerne les décisions du Directeur des poursuites publiques (DPP). Personne ne peut lui demander des éclaircissements sur ses décisions.

Le DPP vient d'ordonner l'arrêt des procédures contre le PPS Balkisson Hookoom, sur qui pesaient, depuis mars 2001, des charges de recel. Demain, au Parlement, le député Sunil Dowarkasing demandera au Premier ministre de confirmer si l'élu travailliste a bénéficié d'un non-lieu. Peu importe la réponse du Premier ministre, on ne saura jamais les raisons qui ont amené le DPP à faire rayer l'affaire.

Dans ce monde où les principes de transparence et de l'accès à l'information prennent le dessus sur la gestion opaque des affaires publiques, les pouvoirs du DPP semblent démodés. Il va de soi que cela n'a rien à voir avec l'impartialité et l'intégrité du titulaire de ce poste. Mais il ne suffit pas qu'il se contente de rendre la justice de manière équitable. Il doit également avoir l'obligation d'expliquer ses actes.

L'ancien régime avait mis sur pied un comité pour revoir les attributions du DPP à la suite de la libération du leader du Hizbullah, Cehl Meeah, en novembre 2003. Le magistrat chargé de l'enquête préliminaire avait conclu qu'il y avait un "prima facie case" et que l'accusé devait être déféré aux assises. Mais le DPP, Abdurrafeek Hamuth, avait prononcé le non-lieu déclarant avoir agi en son "âme et conscience".

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Certains légistes ont estimé qu'il devait donner davantage d'explications sur les raisons derrière sa décision dans cette affaire. Commentant la formule "âme et conscience" Anil Gayan avait fait ressortir qu'on exige d'un jury, et non pas d'un DPP, qu'il laisse parler son intime conviction. Dans l'opposition, le Parti travailliste s'était prononcé en faveur d'une réforme du bureau du DPP et avait prôné une responsabilité collégiale.

La volonté de redéfinir le poste de DPP transcende les clivages partisans. En novembre 2003, Pravind Jugnauth, alors vice-Premier ministre, affirmait déjà qu'il "y a une quasi-unanimité dans le pays pour revoir les dispositions constitutionnelles relatives aux pouvoirs du DPP" . L'ancien gouvernement voulait s'inspirer des modèles indien, canadien et australien. Dans ces deux derniers pays, la législation place le titulaire du poste de DPP sous le contrôle immédiat de l'"Attorney General". En Inde, le gouverneur de chaque Etat nomme un "Advocate General" qui cumule les fonctions d'"Attorney General" et de DPP. Il doit rendre des comptes au gouverneur. C'est cette notion d'"accountability" du poste du DPP qui n'existe pas dans nos lois.

Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi dans les démocraties de référence il y a une grande interaction entre le DPP et le gouvernement. L'une d'entre elles tient au fait que le DPP ne peut pas décider de questions vitales pour le pays sans tenir compte de renseignements que l'Etat peut avoir à sa disposition en matière de sécurité, par exemple. En outre, le gouvernement, lui, a des comptes à rendre aux citoyens. Il ne peut pas assumer des décisions prises par un commis de l'Etat sans même pouvoir se renseigner sur les tenants et les aboutissants des affaires qu'il traite.

L'article 72 de la Constitution garantit des pouvoirs étendus au DPP : "The Director of Public Prosecutions shall not be subject to the direction or control of any other person or authority." (Le Directeur de DPP ne sera soumis à la direction ou au controle d'aucune autre personne ou autorité) Visiblement, à l'époque des pères de la Constitution , la bonne gouvernance n'avait pas encore été inventée.

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