Afrique: Mamadou Lamine Traoré, ministre de l'éducation nationale du Mali : " Les africains ne doivent pas accepter toutes les innovations pédagogiques "

29 Mars 2006
interview

Mamadou Lamine Traoré est le ministre de l'éducation nationale du Mali depuis 4 ans et il prend part aux travaux de la Biennale de L'ADEA à Libreville.

 

Il s'insurge contre la politique de contractualisation et certaines mesures administratives qu'il juge pas toujours opportunes pour l'Afrique??

Monsieur le ministre, la septième biennale a démarré depuis 48 heures et quelles sont vos premières impressions quant au déroulement des travaux ?

Elles sont bonnes , l'ADEA est un lieu de rencontre un véritable forum d'échanges entre les uns et les autres , entre d'une part les ministres africains de l'éducation et tous les partenaires de l'école africaine , ça c'est une excellente chose.

Bien avant l'ouverture officielle de la biennale, il s'est tenu ici à Libreville, le forum des ministres, pouvez vous revenir sur les grands moments de cette rencontre ?

Le forum des ministres a approuvé le rapport d'activités de la présidente par intérim et il a ensuite procédé à l'élection du bureau parce qu'il y a des pays qui sortent et d'autres qui rentrent. Cette rencontre également s'est très bien passée.

Tout à l'heure, lors des travaux du panel sur le redoublement en Afrique, on vous a entendu vous inscrire en porte à faux contre la politique de contractualisation des enseignants en Afrique, pour quelles raisons ? 

%

Vous savez ce qui s'est passé mais les ajustements structurels, on ne le dit pas suffisamment ont détruit l'école africaine. Moi je le dis aux partenaires pour qu'ils fassent leur mea culpa.

D'abord en mettant hors de circuit les enseignants chevronnés et en les remplaçants par des contractuels justement, c'est-à-dire souvent,  la plupart  du temps par des gens qui n'étaient pas des enseignants. Aujourd'hui on est dans cette situation et ils partent de cette situation actuelle pour faire des études en oubliant les raisons de cette situation, c'est ce que je les rappelle souvent. Il est temps que  nous les africains nous n'acceptions pas toutes les innovations pédagogiques qu'ils veulent nous proposer. Nous avons des pédagogues, en tous cas au chez nous au Mali, nous avons une expertise pédagogique et ils le savent. Et je ne vois pas ce que ces gens là savent de l'école malienne plus que moi,  qui ait enseigné toute ma vie.

Ils font des études qui me semblent bidouillés qui ne replacent pas les choses dans leur contexte et qui après  arrivent à des conclusions qui me semblent dangereuses pour notre système.

Le redoublement est un phénomène négatif si on parle comme eux par exemple, le redoublement est un indicateur qui prouvent que le système est coûteux, qu'il y a trop de redoublements mais c'est un phénomène qu'on ne peut pas résoudre simplement par des mesures administratives en disant t qu'il faut faire passer tout le monde. Il faut améliorer les conditions d'études des gens, le ratio maîtres- élèves.

Si vous avez une classe de 160 élèves tenue par un seul maître, on n'a pas besoin d'études pour ça, tout pédagogue saura que les 160 ne seront pas bien formé parce que le maître ne pourra pas. Mais si on arrive à réduire cette classe en deux 80, puis 60 et après 50, là évidemment le redoublement va baisser. Je crois que c'est là des mesures pédagogiques pour régler un malaise, un mauvais indicateur.

La mesure administrative dira qu'il faut faire passer les 150 élèves parce que le redoublement ne règle pas le problème. La mesure pédagogique, c'est recruter des enseignants, construire des salles de classes, et améliorer les enseignements pour que tous les enfants  soient bien formés. Voilà mon problème avec eux.

Paradoxalement eux pensent que la contractualisation au Mali est un exemple de réussite ?

Non ils ont fait une étude que j'ai commandé et la CONFEMEN  avant de la  publier m'a soumis une préface que j'ai corrigé ils n'ont jamais voulu la publier en me disant qu'ils ne peuvent pas le faire et je leur ai dit que dans ce cas le gouvernement du Mali ne reconnaissait pas leurs études. Et c'est clair pour eux tous, je ne ferai pas d'actes criminels contre l'école malienne, je préférerai partir.

Pour revenir à une question beaucoup plus terre à terre, quel est le principal problème de l'éducation en Afrique ?

Le problème principal ce n'est pas seulement l'enseignement primaire, nous un problèmes de moyens, tous disent qu'on est engagé pour la décennie jusqu'en 2015, et dans la déclaration de Dakar que je vous prie de relire, il est dit que en 2015, il ne sera pas accepté qu'un pays n'ait pas pu atteindre les objectifs de la déclaration, par exemple l'enseignement primaire universel, fautes de moyens que cela sera intolérables. Les pays africains manquent de moyens, nous avons pleins d'enfants qu'il faut scolariser. Le manque de moyens se reflète sur le manque d'enseignants et le manque de salle de classes.

Alors on veut nous contourner de ses problèmes, mais réglons d'abord les fondamentaux. Une école c'est quoi ? c'est une salle de classe, un maître et des livres. La qualité de l'enseignement ne peut pas venir des mesures administratives. Il est temps que les pays africains sachent dire non.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.