Sénégal: Les APE menacent la sécurite alimentaire - L'Ong ActionAid appelle à leur rejet

19 Décembre 2008

Dakar — L'ONG ActionAid, dans le cadre de sa campagne contre la faim, a lancé son rapport "Touche pas à mon poisson" sur la situation de la pêche au Sénégal. Un rapport fondé sur un travail de terrain et qui montre avec des témoignages à l'appui comment les ressources halieutiques se raréfient au Sénégal en raison d'une surpêche. Et dans ce contexte, selon l'ONG, la signature des accords de partenariat économique aggraverait la raréfaction des ressources halieutiques au Sénégal et menacerait sérieusement la sécurité alimentaire du pays.

Les ressources halieutiques sont assurément surexploitées au Sénégal. Même si le directeur adjoint des pêches maritimes reconnait que les pêcheurs nationaux sont en partie responsables du pillage des côtes sénégalaises, ActionAid a insisté dans son rapport sur les chalutiers européens qui opèrent au Sénégal dans le cadre des accords de partenariat de pêche. Aujourd'hui l'alerte que cette ONG sonne vise à faire pression sur les politiques pour qu'ils rejettent les APE dont la nouvelle date butoir est fixée à juin 2009.

ActionAid rapporte dans son document que la sécurité alimentaire des familles et des communautés est menacée. Elle note entre autre" la perte d'emploi qui accentue la vulnérabilité des femmes", les entreprises de pêches qui fonctionnent à mi-temps à cause de la raréfaction des espèces nobles (crevettes, langoustes, mérous, daurades, capitaines). La production moyenne des espèces exportées a baissé de 32% au cours des 15 dernières années. En outre, ActionAid fait remarquer que de 69 entreprises en 1999, il ne reste plus que 57 en 2008. Quant aux conserveries elles sont passées de 7 en 1980 à une seule en 2008. Autant d'argument sur lesquels cette organisation se fonde pour rejeter les APE.

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Les premiers accords de pêche entre l'Union Européenne et l'Afrique de l'Ouest remontent aux années 1979. En vertu de ces accords, les bateaux européens ont accès aux eaux de la sous région en échange des compensations financières. Mais aujourd'hui, un pays comme le Sénégal fait face à une baisse considérable de ses ressources halieutiques. Raison pour laquelle d'ailleurs, le gouvernement a refusé de renouveler ces accords en 2006 en vue de réduire la pression et donner une priorité d'accès aux pêcheurs artisans et aux entreprises nationales.

Car les navires européens pillent simplement les ressources halieutiques profitant de la faiblesse des dispositions en vigueur et de l'insuffisance des services de surveillance des côtes. Ils vont même dans les zones interdites à la pêche industrielle " Depuis la côte on peut souvent voir de grand bateau durant la nuit à l'œil nu. Ces bateaux pêchent dans les eaux normales réservées aux pirogues" révèle Léoplod Djile Sarr, directeur du quai de pêche de Djifer ( Fatick). Par ailleurs, les européens essaient également de se faire immatriculer au Sénégal en accumulant des licences de pêche alors que "les capitaux et la direction de leurs sociétés sont essentiellement européens"

Les APE tels que proposés aujourd'hui supposent que les petites entreprises sénégalaises vont opérer sur le marché au même titre que l'entreprise européenne qui a un potentiel énorme. C'est ce que dénonce ActionAid qui trouve qu'il y a une incohérence dans les accords de pêche et les APE. Avec la signature des accords complets, le secteur de la pêche libéralisé, "laisserait toute la latitude aux entreprises européennes de s'installer et de travailler dans le secteur de la pêche"

"Le gouvernement sénégalais ne pourrait plus adopter de mesures limitant l'accès des bateaux sénégalais à la pêche ou mettre des mesures discriminatoires onéreuses pour les opérateurs étrangers, comme d'imposer la présence d'un inspecteur sur les bateaux ou de décharger une partie de la prise", relève le rapport.

Une fois les APE signés, les européens ne créeraient-ils plus de sociétés d'économie mixte avec les nationaux pour exercer au Sénégal. Mais également, les quotas de pêche devraient être ouverts aux investisseurs européens établis au Sénégal. Cela a pour conséquence une concurrence entre les opérateurs locaux et étrangers pour l'accès à la ressource de poisson alors qu' ils n'ont pas les mêmes armes.

" ActionAid estime qu'il y a un risque évident de voir l'arrivée des nouveaux bateaux européens dans les eaux sénégalaises sans obligation de débarquement de la marchandise au Sénégal dans le cadre des APE et les mesures de libéralisations qui seront attendues. "Les APE compromettraient ainsi la sécurité alimentaire des centaines de milliers de femmes qui vivent de la pêche pour couvrir les dépenses alimentaires, d'éducation et de santé de leur famille" déduit l'ONG

A cet effet, l'ONG souhaite qu'il y ait une articulation entre les APE et les accords de partenariat de pêche (APP). L'UE va négocier avec chaque pays de la sous région concernant les accords de pêche alors que les APE devraient se négocier par région. D'ailleurs, l'ONG regrette le fait que l'UE ait signé des accords intérimaires avec le Ghana et la Côte d'Ivoire. Cette attitude ne convient pas à l'idée d'intégration de l'économie de la sous région selon ActionAid. Elle invite l'Union européenne à régler le problème d'incohérence dans les APE et les accords de partenariat de pêche sur l'intégration régionale.

Actionaid est une ONG internationale basée à Johannesburg en Afrique du Sud. Elle travaille dans le domaine de l'humanitaire dans une quarantaine de pays à travers le monde et mène des actions visant à lutter contre la pauvreté mais aussi à sensibiliser les gouvernants sur certaines situations qui ne sont pas de nature à garantir le bien être des populations.

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