Afrique de l'Ouest: Aires marines protégées – De la régénération des ressources à la lutte contre la pauvreté

26 Novembre 2013

Conçues au départ pour préserver les stocks halieutiques menacés par une raréfaction, les Aires marines protégées (Amp) qui couvrent 2 millions d'hectares en Afrique de l'Ouest, jouent aujourd'hui un rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Les résultats obtenus à ce jour, sont à l'actif d'une gestion collégiale mettant les communautés au centre des décisions.

Le Réseau régional d'Aires marines protégées en Afrique de l'Ouest ( Rampao ) qui regroupe la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée, le Sierra-Léone et le Cap-Vert a tenu sa 5ème Assemblée générale les 22 et 23 novembre 2013 à Dakar. L'occasion était donnée aux acteurs de faire un bilan du réseau qui compte actuellement vingt-six Amp membres réparties dans cinq des sept pays du Partenariat régional pour la conservation de la zone côtière et maritime en Afrique de l'Ouest (Prcm). Le réseau couvre environ 2.721.859 hectares, soit plus de 93% de la superficie totale des Amp existantes dans l'écorégion.

La rencontre de Dakar a permis de mesurer l'impact des Amp sur le vécu des populations. Mme Sylvie Goyet, directrice générale de la Fondation Internationale du Banc d'Arguin (Fiba), une fondation de droits suisse qui travaille sur tout le littoral Ouest-africain, a relevé que les Amp ont une valeur importante au sein d'un pays de par leur contribution au bien-être et à la survie des populations. Pour Mme Goyet, les Amp peuvent avoir des valeurs nationales avec le renforcement des stocks halieutiques à l'image de leur impact sur les pêcheries en Mauritanie.

Sylvie Goyet estime que les pêcheries ouest-africaines sont productives, parce que les Amp jouent un rôle de nurserie, de protection des stocks. «Sans ces aires marines protégées, je suis persuadée que les stocks halieutiques ne seraient pas ce qu'ils sont, d'où leur valeur économique». Ce qui fait dire au Colonel Ousmane Kane, président du Rampao, que conformément aux recommandations de la Convention sur la diversité biologique, les aires marines protégées permettent de régénérer des espèces qui se font de plus en plus rares.

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Les Amp, un levier de lutte contre la pauvreté

En Afrique de l'Ouest, les premières Amp sont créées en 1976 avec le Parc national du Banc d'Arguin en Mauritanie et le Parc national du Delta du Saloum au Sénégal. Aujourd'hui, dans la sous-région plus de deux millions d'hectares sont couverts par les Amp dont la majorité est représentée par le Parc national du Banc d'Arguin en Mauritanie.

Dans un contexte général de raréfaction des ressources, l'amélioration des conditions de vie des populations est bien souvent au cœur des objectifs de création d'une Amp. Fernando Biag, directeur des parcs de mangroves de Rio Cacheu qui se trouve au Nord de la Guinée-Bissau rappelle que son pays a démarré ce processus de conservation et de création des Amp à la fin des années 80. De leur création à nos jours, souligne-t-il, le bilan est satisfaisant avec un impact positif sur les populations qui se sont appropriées la démarche de protéger les ressources.

Actuellement, 15% de la superficie de la Guinée-Bissau est classée aires marines protégées. D'ici deux ans, ce pays compte atteindre 25% du territoire. Fernando Biag estime que ce choix répond à une vision qui veut que la meilleure façon de protéger les ressources et la biodiversité en générale, est de créer des Amp.

Sékou Nkrumah, ingénieur des Eaux et Forêts et conservateur de l'Amp des Iles de Loos en Guinée Conakry,située dans l'archipel, en face de Conakry, a fait savoir que son pays compte 53 sites de conservation dont sept Aires marines protégés. A son avis, en Guinée, les Amp touchent environs deux millions de personnes et la communauté est impliquée dans leur gestion, notamment dans la prise de décision.

Les activités qui gravitent autour de l'Amp de l'Ile de Loos participent à la lutte contre la pauvreté. «Elles appuient souvent la communauté avec le développement d'activités génératrices de revenus que la population exerce soit dans le maraichage, dans le fumage de poisson, la teinture, l'artisanat avec la confection d'objet à commercialiser… »

Des écogardes pour booster le tourisme à Abéné

Le Sénégal compte cinq Aires marines protégées qui couvrent plus de 190.000 hectares. L'une des plus en vue est celle d'Abéné. Située dans la zone nord de la Casamance, notamment sur la frontière avec la Gambie, l'Amp s'étale sur 119 kilomètres avec sa zone d'emprise qui couvre cinq villages dont Nianfang, Kabadio, Diana, Cafoutine et Abéné.

Cette Amp se caractérise par le nombre d'emplois offert aux jeunes des localités environnantes. Le Capitaine Paul Moïse Diédhiou, conservateur de l'Air marine protégée d'Abéné souligne que la Casamance est frappée par un fort taux de chômage des jeunes dans une région tenaillée par une crise politique. Selon lui, c'est à partir de ce constat que la direction des aires marines communautaires, malgré des moyens limités, a décidé d'initier une cinquantaine de jeunes volontaires dans un corps dénommé écogarde.

A travers des initiatives locales, il est envisagé la construction de cases au niveau des plage des cinq villages. Ces infrastructures seront gérées par les écogardes devant conduire les touristes à l'aide de pirogues de location . M. Diédhiou avance que les écogardes seront initiés sur l'historique et la symbolique des sites sacrés de la zone pour leur permettre d'avoir suffisamment d'arguments afin de vendre ces «produits» aux touristes.

Dans un souci de rationalisation, une caisse où chaque écogarde mettra une partie de sa prestation sera créée et les recettes seront réparties à la fin du mois. Ce qui va permettre à ces volontaires d'avoir un revenu mensuel. Dans cette même localité, M. Diédhiou fait savoir qu'il y a des jeunes réunis autour du groupement Téranga qui nettoient tous les samedis la plage pour la rendre propre et accueillant afin d' attirer plus de touristes.

Dans une démarche innovante, il est envisagé d'équiper les cases d'écogarde en matériel informatique alimenté par un système solaire. Ceci donnera la possibilité aux touristes qui viennent camper dans cette zone, de communiquer avec leurs familles établies en Europe ou ailleurs. Dans cette même veine, les responsables de l'Amp d'Abéné comptent également équiper la zone en vélo tout terrain pour les visites au niveau des sites sacrés via les circuits pédestres qui y seront créés.

En dehors du volet touristique, les femmes de Nianfang qui récoltent les huitres et celles d'Abéné qui sont spécialisées dans le ramassage des coquillages sont en train d'être regroupées en Gie. Une démarche qui leur permettra de mieux formaliser leurs activités afin d'y tirer plus de profits. «Ces femmes ont besoin de matériels modernes si l'on sait qu'au niveau de cette zone il n'existe pas de chambre froide ». Ce qui explique l'«agression » de   la forêt pour pouvoir fumer le poisson avant qu'il ne se détériore. D'où la nécessité de mettre en place des moyens de conservation des produits halieutiques.

Si elle touche directement cinq villages, l'Amp d'Abéné est aussi indirectement bénéfique à d'autres localités environnantes qui vont jusqu'à Kata, où les populations demandent un élargissement de l'Amp. «C'est une population dynamique qui s'implique dans les activités de reboisement. Ce sont des gens qui sont conscients de l'importance des ressources naturelles. La volonté est là, mais ce sont les moyens qui font défaut», lance M. Diédhiou.

D'où la volonté du Rampao qui est un cadre de concertation pour renforcer la protection des espèces marines et côtières, de mobiliser des moyens dans ce contexte de rareté des ressources. Au terme de ces assises de Dakar, il est donc jugé judicieux d'identifier les valeurs des Aires marines protégées et de les mesurer afin de pouvoir faire comprendre aux décideurs et partenaires techniques et financiers de l'importance des Amp. Selon Sylvie Goyet de la Fiba, «c'est en ce moment que les décideurs, les politiques vont permettre avec les outils législatifs, avec les outils réglementaires, d'apporter une protection à ces sites ».

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