Sénégal: Un Louma Agricole* qui donne le sourire aux producteurs locaux

16 Juillet 2014

Réputé être un des pays grand consommateur de produits importés d'Europe, des États-Unis ou d'Asie, le Sénégal semble vouloir inverser la tendance. Depuis quelques années, à travers les Loumas Agricoles ou marché hebdomadaire des produits issus de l'agriculture sénégalaise, la promotion du consommer local bat son plein. Cet événement permet aux populations de la capitale de revisiter les richesses du terroir sénégalais mais également donne aux producteurs locaux, très étranglés par la problématique de la commercialisation, l'opportunité d'écouler leurs récoltes.

Oumy Diarra, est très heureuse malgré le soleil ardent qui tape en cette matinée de premier samedi du mois de ramadan 2014. Bien installée dans une robe taille basse de couleur jaune assortie d'une couture bleue soigneusement imprimée, cette directrice exécutive de la Coopérative agroalimentaire de la Casamance/Kolda cache difficilement sa joie. Un visage radieux qui renseigne sur la satisfaction des centaines de femmes regroupées dans cette coopérative établie dans la verte région de la Casamance. Trouvée dans son stand au Louma Agricole ou marché hebdomadaire des produits locaux, la bonne dame s'affairait devant une table garnie de pots de miel, des bouteilles de jus locaux, des sachets de café moulu, des sachets de poudre de « bouye » ou « pain de singe », des barquettes d'anacarde… Des produits dont la matière première est exclusivement issue des champs de la région sud puis transformés par des femmes établies dans les départements de Kolda, Ziguinchor et Sédhiou.

« Le Louma Agricole est une excellente initiative du moment qu'elle nous permet d'écouler une bonne partie de notre production en un temps record. Cet événement est également un moyen de nouer des partenariats avec des organisations qui sont dans la revente des produits locaux transformés », renchérit Oumy Diarra. L'occasion est ainsi offerte à des milliers de femmes, de surmonter la lancinante problématique de la commercialisation.

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Ce témoignage renseigne du sentiment d'ensemble qui anime la plupart des exposants rencontrés au Louma Agricole de Dakar dont l'objectif est de promouvoir les produits agricoles et d'offrir aux exploitants des fermes la possibilité d'écouler directement leurs productions à des prix suffisamment rémunérateurs, mais aussi de permettre aux dakarois de s'approvisionner à moindre coût.

Comme en témoigne Mme Yandé Diouf du Gie Nidamour. Etabli à Dakar, ce groupement constitué de cinq femmes qui emploient sept vendeurs, est spécialisé dans la transformation des jus locaux, pâte d'arachide, huile de soump ou balamitès eagyptiaca de son nom scientifique, huile de palme…Selon Yandé Diouf, le Gie participe au Louma depuis sa première édition car il tire profit de cet événement.

Même son de cloche pour Mme Seynabou Fall, gestionnaire principal de la société Keur Farba. Sueur au front, la jeune dame très avare en chiffre se réjouit de l'opportunité que leur donne le Louma Agricole pour atteindre des chiffres d'affaires jamais égalés. « En deux jours d'exposition, on parvient à écouler ce que nous vendions en un mois », souligne-t-elle. Une situation bénéfique qui donne de l'oxygène à la société familiale qu'elle dirige et qui s'active dans l'agrobusiness. Keur Farba dispose de trois fermes de 130 hectares spécialisées dans la culture sous serre de fruits et légumes, la volaille, les jus frais…

Hélène Sambou embouche la même trompète. Responsable à la coopérative agroalimentaire de la Casamance/Kolda, la jeune dame qui confie être à sa deuxième participation estime que son organisation n'hésite pas à y prendre part car elle a pu écouler toute sa prévision. Visage éclairé et très débordée par les clients ayant pris d'assaut son stand, Hélène Sambou se réjouit de la forte affluence. Une situation qui l'amène à prier les organisateurs à penser à organiser cet événement à des intervalles de temps réduits. Une requête qui fait l'unanimité au sein du Louma Agricole qui est une grande surface à ciel ouvert érigée au quartier Liberté 5 de Dakar.

Les exposants appellent ainsi l'Agence Nationale d'Insertion du Développement Agricole (ANIDA) à y plancher sérieusement pour régler définitivement le problème de la commercialisation auquel ils sont confrontés.

Un Louma tous les mois à Dakar et dans les régions

Interpellé sur la question, le directeur général de l'ANIDA, El Hadj Malick Sarr annonce d'abord qu'une deuxième édition se tiendra à Dakar, le dernier week-end du mois de ramadan. Se voulant plus rassurant, M. Sarr annonce que le Louma sera organisé tous les mois au niveau des autres communes d'arrondissements de la grande agglomération de la capitale mais également il sera décentralisé au niveau des grands centres urbains pour permettre au maximum de consommateurs d'en bénéficier. « Cette année le Louma sera organisé à Thiès, à Kaolack et à Saint-Louis ».

Cette demande de plus en plus large et renouvelée allant dans le sens de généraliser les Loumas Agricoles au niveau territorial amène les responsables de l'ANIDA à se réjouir d'un bilan positif. Son directeur général, El Hadj Malick Sarr confie que dans les Loumas tous les exposants de fruits et légumes s'engagent à accepter un test de qualité de leurs productions. « On prélève fait un échantillonnage, et Cérès Locustox qui est un laboratoire agrémenté procède à l'analyse des résidus de pesticide contenus dans les produits vendus dans les loumas. Ce n'est quand le taux de pesticide résiduel est conforme aux normes sanitaires qu'on vous autorise à venir exposer et vendre. C'est un avantage que les consommateurs ne trouvent pas sur les marchés traditionnels », se réjouit M. Sarr.

Initiés par l'ANIDA, les Loumas Agricoles illustrent une option de l'agence qui est l'approche filière ou chaine de valeur en matière agricole. « Nous ne nous intéressons pas uniquement qu'à la production agricole parce que la finalité d'une production c'est d'être vendu et faire gagner de l'argent au producteur. Donc les conditions de commercialisation de la production sont un aspect important».

L'événement offre au consommateur une palette de production mis à disposition en un seul lieu. A cela s'ajoute l'aspect prix. Dans les Loumas Agricoles, puisse que les intermédiaires sont réduits entre le producteur et le consommateur, les prix sont plus compétitifs.

« Le Sénégal peut nourrir le Sénégal »

L'ANIDA a à son actif 34 fermes agricoles modernes dont 10 sont en cours de réalisation. Ceci a permis de créer 4000 emplois dont 1924 directs. Ces réalisations devront évoluer rapidement grâce au budget consolidé d'investissement et à l'appui des bailleurs de fonds comme la BAD, les coopérations espagnole, italienne et brésilienne pour près de 170 fermes.

La cartographie de la participation et des produits généralement exposés renseigne sur la richesse et la diversité des ressources agricoles du Sénégal. Le riz proposé vient du nord, les fruits et légumes proviennent habituellement de la zone des Niayes (périphérie de Dakar). Mais avec la valorisation des ressources sous-terraines, l'intervention de l'ANIDA a aidé à l'édification des fermes dans le Cayor, le Baol, le Saloum et même à Tambacounda. « Les terroirs ruraux du Sénégal sont présents et ça montre que du point de vue de la perspective il y a une possibilité pour que le Sénégal non seulement puisse s'auto-suffire en fruits et légumes mais puisse se positionner pour une exportation», souligne M. Sarr.

La fidélité des exposants dont la plupart participent depuis le début au Louma Agricole montre l'intérêt financier du Louma pour les producteurs. Un état de fait magnifié par le fait que depuis l'année dernière, la location des stands est prise en charge par les exposants eux-mêmes.

Un engouement qui, d'après le directeur général de l'Agence initiatrice des Loumas Agricoles, permet de constater qu'«à partir du Sénégal, on peut produire tout ce dont le Sénégalais a besoin pour bien manger. Le Sénégal nourrit le Sénégal. Ce qui correspond aux fondements de la politique agricole définie par les pouvoirs publics pour ce qui concerne la modernisation de l'agriculture ».

Dans une démarche innovante, l'ANIDA tente d'intégrer, à travers les enquêtes menées, les propositions d'améliorations formulées par les consommateurs qui fréquentent les Loumas Agricoles. La nouveauté attendue devrait être à terme que les producteurs-exposants eux-mêmes mettent en place une organisation professionnelle chargée de prendre en charge l'organisation des Loumas. « ANIDA dans sa démarche voulait montrer la faisabilité mais c'est aux professionnels de prendre en charge de tels outils relatifs à la mise en marché des productions agricoles », note M. Sarr.

*Louma Agricole = marché des produits agricoles

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