Afrique de l'Ouest: Emploi en milieu rural – Pourquoi les jeunes partent

25 Février 2015

Les jeunes continuent de quitter le milieu rural pour regagner les centres urbains en Afrique de l'Ouest. Pour comprendre le pourquoi du développement de ce phénomène, des études ont été menées au Sénégal, au Burkina Faso et au Mali. Une analyse comparative des résultats montre des disparités énormes malgré la similitude des zones sondées.

L'exode rural est plus que vivant dans les pays d'Afrique de l'Ouest. A défaut d'emplois rémunérateurs, les jeunes fuient les champs pour migrer vers les zones urbaines. Un phénomène que le projet de recherche sur l'"Emploi des Jeunes et Migrations en Afrique de l'Ouest" (EJMAO), a essayé de comprendre. C'est ainsi que l'Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR) du Sénégal, le Centre d'Etudes, de Documentation et de Recherche économiques et sociales (CEDRES) du Burkina et MISELI, l'Association de recherche et de formation en anthropologie des dynamiques locales du Mali ont réalisé une étude sur la problématique de l'emploi.

Des investigations menées dans le Delta et l'Office du Niger, le Bassin arachidier, la zone de Miniakala, Bamako et Dakar permettent de comprendre les raisons qui poussent les jeunes au départ. Il a été relevé que les handicaps auxquels les jeunes sont confrontés dans la quête permanente d'emploi sont entre autres liés à l'accès aux ressources, au capital financier ou foncier.

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Les jeunes privés d'accès et de contrôle de toutes ressources

Les enquêtes quantitatives ont montré que 88,7% des jeunes en zone rurale ne détiennent aucune ressource, ni terre encore moins du bétail. Cette situation est valable dans toutes les zones. Sur 1029 jeunes (Hommes/Femmes), 852 ne possèdent aucune ressource, soit 62,2% pour les hommes contre 37,8% pour les femmes. 44 jeunes possèdent des terres dont 95,7% pour les hommes contre 4,3% pour les femmes. Sur 66 jeunes, révèlent les enquêtes, 84,6% d'hommes contre 15,4% de femmes possèdent du bétail. Et seuls 26 sont propriétaires à la fois de terre et de bétail soit 92,9% pour les hommes contre 7,1% pour les femmes.

En zone urbaine, poursuivent-ils, 51,4% des jeunes ruraux interrogés ne disposent d'aucune ressource (terre, bétail) dans la localité d'origine. Et cette situation est plus alarmante chez les femmes, soit respectivement 76,1% contre 34,8%. Avant de s'indigner du fait que seuls 4,8% de ces jeunes disposent de terre soit 4% de femmes contre 5,4% d'hommes ; et 25,8% de bétail soit 19,4% pour les femmes contre 30,1% pour les hommes. Toutefois, avancent-ils, 26,4% des hommes sont propriétaires à la fois de terre et de bétail. Ces statistiques montrent que les femmes et les jeunes n'ont encore qu'un accès limité à la terre et aux moyens de production. Ce qui constitue une variable influençant les décisions de mobilité et de migration.

Les enquêteurs pensent que les jeunes sont souvent victimes de la structure sociale inégalitaire, fortement gérontocrate et parfois patriarcale, les empêchant d'accéder aux moyens de production comme le montrent les enquêtes dans le Delta11 : « les femmes et les jeunes ne sont pas assez représentés dans les unions des producteurs ». En effet, peu de femmes sont membres des organisations de producteurs. D'après eux, elles adhèrent, dans leur majorité, par le biais de groupements féminins et accèdent difficilement aux postes de responsabilité.

Les femmes se trouvent ainsi écartées, les représentations se faisant par ménage, les chefs de ménage, en majorité des hommes prennent en conséquence les principales décisions, profitant ainsi de positions de pouvoir quant à l'accès et au contrôle des moyens de production. Pourtant, les femmes continuent d'occuper une position centrale dans les dimensions sociale et communautaire.

Les jeunes en ville plus informés que ceux du monde rural

Sur cette même lancée, les chercheurs estiment que la question de l'information doit être traitée de manière différente. Selon eux, les guichets d'informations mis en place ne répondent qu'aux attentes des jeunes des milieux urbains. Les jeunes ruraux sont souvent dans des dispositifs informels qui ne sont pas pris en charge par les Etats.

L'étude montre également que de par le passé, les exploitations agricoles familiales fonctionnaient avec la participation des membres de la famille. Mais aujourd'hui, les jeunes sont de plus en plus autonomes avec des aspirations différentes, un souci de rémunération pour chaque travail effectué. Ceci montre que la rétribution des jeunes est un problème réel. Si elle n'est pas prise en charge, les exploitations familiales ne pourraient plus fonctionner à cause d'un désintéressement des jeunes. Un état de fait qui montre l'exigence de traiter la question des aides familiaux.

Devant cet état de fait, beaucoup de spécialistes ayant pris part à la séance de restitution des rapports, tenue le jeudi 12 février 2015 à Dakar ont posé la problématique de l'exode rurale. Le Dr Ibrahima Athie, Directeur de la recherche à l'IPAR a rappelé que l'urbanisation est un phénomène inéluctable. Selon lui, « les sociétés s'urbanisent et il va être difficile d'empêcher aux jeunes d'aller en ville. Ils ont des besoins particuliers qui ne sont pas uniquement économiques ». Une situation qui, d'après lui, nécessite de favoriser les liens entre le monde urbain et le monde rural. « Il faut faire en sorte que les services que le monde urbain rend au monde rural soient profitables et vice versa. Si la relation ville-campagne est équilibrée et que cette mobilité est bien gérée, les jeunes iront en milieu urbain mais pas pour y rester mais pour satisfaire un certain nombre de besoins et retourner en milieu rural ».

Le directeur de la recherche de l'IPAR considère que la meilleure démarche consistera à mener des investissements en milieu rural. « Ce qui va limiter les flux de départ définitif ».

Zone irriguée plus rentable que zone pluviale

Après une analyse approfondie des caractéristiques de l'emploi des jeunes, les résultats de l'étude renseignent que les zones dotées de systèmes irrigués sont plus productives que les zones pluviales. Selon l'étude, la zone irriguée est beaucoup plus productive parce que les conditions sont beaucoup plus intéressantes. « Les investissements qui sont faits pour maitriser l'eau permettent aux jeunes de s'en sortir ». Pour le cas des zones pluviales, le Dr Ibrahima Athie précise que « les jeunes ont beaucoup plus de difficultés car travaillant seulement trois mois dans l'année. Il y a un sous-emploi qui oblige les jeunes à partir ».

Malgré ces contraintes, l'option prise par les gouvernements pour faire de l'agriculture un vivier pour l'emploi des jeunes est jugée bonne. Les résultats de ces études montrent que malgré la crise, l'agriculture est la principale pourvoyeuse d'emploi.

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