La gouvernance mondiale du changement climatique sert-elle l'Afrique?

30 Novembre 2015
analyse

Introduction

La COP21 va rassembler à Paris des nations pour négocier un nouvel accord mondial visant à réduire les émissions de carbone en vue de maintenir les températures mondiales à des seuils suffisamment sécuritaires pour éviter des changements climatiques dangereux et irréversibles.

L'Afrique contribue seulement pour une infime fraction de gaz à effet de serre dans l’ensemble, mais avec moins de ressources pour s’adapter à la hausse des températures, elle risque de perdre le plus. Le changement climatique se présente comme une menace sur la sécurité alimentaire et hydrique de l'Afrique, limitant l'accès à l’énergie et entravant le développement social et la croissance économique du continent.

A l’approche de la COP21, les négociateurs, les scientifiques, les décideurs et le public africains se réuniront à la CCDA-V organisée par le programme « Climat pour le développement en Afrique (ClimDev-Afrique) » afin de débattre de la structure et du contenu de l'accord. L’on fonde de grands espoirs sur la COP21 pour obtenir un compromis qui soit profitable pour l'Afrique. Cet exposé met en évidence les principales questions vis-à-vis du continent tout en examinant ce qui constitue les enjeux de la Conférence de Paris.

Des objectifs ambitieux

« Deux degrés ne suffit pas - nous devrions penser à 1,5 ° C. Si nous ne visons pas 1,5 ° C, nous aurons de gros, gros problèmes », a averti Christiana Figueres, Secrétaire exécutive de la CCNUCC. La plupart des grandes sommités du monde répètent à qui veut l’entendre que la hausse de la température mondiale doit être limitée à 1,5 ° C pour se passer des effets désastreux du changement climatique.

Pourtant, les discours récents fixent à 2 ° C le seuil qui aurait des implications majeures pour l'Afrique. Les températures ambiantes sont beaucoup plus élevées que partout ailleurs sur le globe (23 ° C) et les impacts d’une augmentation même marginale de la température seraient amplifiés en Afrique. Par conséquent, l'objectif de 1,5 ° C semble trop élevé pour l'Afrique et d'autres pays tropicaux.

Des impacts majeurs

La hausse des températures rend l'Afrique de plus en plus vulnérable aux événements climatiques extrêmes tels que les tempêtes, les vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations. Des événements climatiques erratiques endommagent les systèmes agricoles, conduisant à l'insécurité alimentaire et celle de l'eau.

Le changement climatique met également en péril le développement de l'Afrique. Au cours de la dernière décennie, de nombreux pays africains ont connu une croissance rapide, mais une grande partie de l'infrastructure du continent - tels que les routes, les télécommunications et les systèmes énergétiques - demeurent fragiles. Des inondations plus fréquentes et plus intenses et d'autres événements climatiques extrêmes détruisent des infrastructures dans des zones urbaines et rurales et entravent le développement de l'Afrique.

De nouvelles flambées de température pourraient aggraver davantage les difficultés à l’endroit des populations et de l'environnement de l'Afrique, et se traduire par des conséquences désastreuses sur la croissance économique. Le Groupe des négociateurs africains en appellent à des objectifs d'émissions ambitieux à Paris et sera à la recherche d'un engagement mondial fort pour confiner l’augmentation moyenne des températures en dessous de 1,5 ° C.

Place aux engagements volontaires

Les tentatives précédentes pour assurer le respect global des objectifs juridiquement contraignants en vue de réduire les émissions, conformément au Protocole de Kyoto, ont connu des résultats mitigés. Certains pays, dont un grand nombre des économies polluantes les plus influentes, s’opposent aux aspects clés du traité. L'approche de Paris cherche à tirer profit des objectifs volontaires de réduction des émissions à travers ce que l’on appelle les Contributions prévues déterminées au niveau national (INDC). Mais est-ce que le caractère volontaire de ces engagements climatiques n’est guère vicié? À l'approche de la COP21, l'Afrique se demande si ce type de contributions sera en mesure de maîtriser le réchauffement climatique.

Principes fondamentaux

Les COP précédentes ont fait appel aux pays développés en tant que pays les plus importants en termes d’émission de carbone, pour payer en contrepartie des dommages climatiques. L’Afrique cherchera le nouvel accord climatique en s'appuyant sur la Responsabilité Commune Mais Différenciée (RCMD) et le Principe du Pollueur-Payeur (PPP). Ceux-ci mettent la pression sur les pays développés en tant qu’économies les plus polluantes pour réduire leurs émissions, et payer la facture pendant que les pays en développement se débattent pour faire face à l'impact desdites émissions.

Mais ces principes demeurent fortement contestés. Plusieurs interprétations légitimées par l'intérêt national ont donné lieu à des tensions entre les pays développés et ceux en développement. L’Afrique prêtera une attention particulière sur la façon dont le nouveau cadre prendra en compte ces principes vitaux et de ce fait, le financement climatique reste une question épineuse à l’approche de la conférence de Paris.

Un soutien financier solide

L'Afrique a besoin de plus en plus de financement d'adaptation aux impacts du changement climatique tels que des investissements dans le stockage de l'eau et dans des cultures résistantes au climat, ou dans des constructions améliorées aptes à résister à des événements météorologiques extrêmes. D'importantes opportunités existent aussi dans le secteur énergétique africain à travers une abondance de ressources énergétiques renouvelables, notamment solaires, géothermiques et éoliennes. Avec les Moyens de mise en œuvre (MoI) - y compris les ressources financières, le développement et le transfert de technologies et le renforcement des capacités - l'Afrique peut se passer de la phase de développement polluante des pays fortement industrialisés pour aller de l’avant vers un avenir faible en carbone.

Cependant, au fur et à mesure que les coûts de l'atténuation et de l'adaptation se renforcent, le déficit en matière de financement s'aggrave. Les derniers chiffres du PNUE suggèrent que les coûts d'adaptation au changement climatique de l'Afrique devraient passer à 50 milliards de dollars EU par an d'ici 2050, même si le réchauffement climatique est maintenue en dessous de 2 ° C.

L'accès aux et la répartition des fonds restent également complexes et de longue haleine, et il n’est pas souvent facile d'avoir une idée du financement disponible et à quel endroit. Voilà ce qui a toujours constitué un obstacle majeur pour l'Afrique.

Divers fonds climatiques ont été mis en place pour aider les pays en développement à réduire leurs propres émissions de gaz à effet de serre et s’organiser par rapport aux changements climatiques futurs. Des initiatives telles que le Fonds vert pour le climat (GCF) ont connu des progrès, mais l'écart de financement reste énorme. L'Afrique veut un engagement à pourvoir le GCF et à faire figurer les autres fonds en bonne place de l'ordre du jour lors de la COP21.

L'Afrique résolue à occuper le devant de la scène

La réaction climatique mondiale à ce jour a été largement dominée par le Nord et les COP précédentes ont eu tendance à négliger les intérêts des pays en développement. En outre, le rôle de l'Afrique dans l'élaboration du contenu des accords passés a été limité du fait des approches divergentes des différents pays qui n'ont pas facilité une position africaine commune sur de nombreuses questions.

Par contre, la création d'un nouvel accord mondial à Paris coïncide avec l'amélioration de l'influence et de la confiance de l'Afrique dans l'arène des négociations internationales. Les économies nationales sont de plus en plus prospères, les flux d'investissement se sont accrus et la plupart des gouvernements africains disposent désormais de cadres politiques et juridiques pour guider leurs propres réponses climatiques sur le plan national traçant la voie à la rationalisation de la participation africaine dans le processus. À l'approche de la COP21, il est impératif que les négociateurs, la communauté scientifique, les décideurs et le public africain se réunissent et occupent le devant de la scène dans ces négociations.

La science et la politique du climat

Les connaissances scientifiques des changements climatiques améliorent notre compréhension du système climatique; des prévisions plus précises de la variabilité du climat peuvent aider à développer des solutions d'adaptation aux changements de température.

Dans toute l'Afrique, la climatologie peut être déployée pour stimuler la production agricole et concourir à la gestion des ressources en eau. Cependant, l'on assiste à une faible production de l'information climatique, et à un accès limité à ces informations. Les chercheurs, les décideurs et les praticiens ne tiennent pas compte des informations climatiques scientifiques dans la prise de décision.

Il est crucial que les gouvernements africains et les organisations concernées travaillent la main dans la main pour l'amélioration de l'accès à la science et aux données climatiques ainsi que le renforcement de la capacité des populations africaines - depuis les décideurs jusqu'aux cultivateurs - à l'appliquer aussi bien sur le plans de la politique que celui de la pratique. Une information de qualité et la capacité à l'exploiter, ce sont là des ingrédients essentiels pour l'élaboration d'une réponse efficace au changement climatique.

Le socle de l'élaboration des politiques au niveau national, régional et mondial réside dans une grande connaissance climatique. Celle-ci doit être au centre de la prise de décision à travers l'Afrique; Elle doit également guider le nouvel accord international sur le climat qui sera finalisé à la COP21 à Paris car cela va façonner l'avenir de la politique et de l'action climatiques.

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