Afrique: Plus de 10 millions de personnes ont tourné le dos à l'excision depuis 2008

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Fillette du centre des déplacés en Somalie
16 Décembre 2015

Le mouvement contre l'excision et le mariage précoce a réalisé des avancées significatives au cours des dernières années. Le rapport annuel 2014 du programme conjoint UNFPA-UNICEF sur la question révèle que depuis 2008, plus de 13 mille communautés (dont plus de 800 en 2014) de 15 pays représentant plus de 10 millions de personnes se sont engagées publiquement à mettre fin aux Mutilations Génitales Féminines/l'excision (MGF/E). Le Burkina Faso est l'un des pays qui s'est le plus distingué avec un système de dénonciation très performant.

En Afrique, la pratique de l'excision perd de plus en plus de vitesse. Le Rapport annuel 2014 du Programme conjoint UNFPA-UNICEF sur les mutilations génitales féminines/l'Excision » informe que depuis 2008, plus de 13 mille communautés (dont plus de 800 en 2014) de 15 pays représentant plus de 10 millions de personnes se sont engagées publiquement à mettre fin aux Mutilations Génitales Féminines/l'excision (MGF/E). Une prouesse que ce document qui a pour titre « Accélérer le changement », met à l'actif du mouvement de l'abandon des MGF.

La représentante résidente de l'UNFPA/Sénégal, Mme Andrea Wojnar Diagne souligne que « de plus en plus de communautés abandonnent la pratique de l'excision et des mariages d'enfants, considérées comme des normes sociales ».

Parlant au nom du tandem UNFPA-UNICEF, Mme Diagne prend l'exemple du Sénégal où, 5935 communautés ont fait en 2014 des déclarations publiques d'abandon de l'excision, des mariages précoces et forcés.

Ce qui permet de souligner que le Sénégal est sur la bonne voie. A cet effet, elle convoque les conclusions du Rapport 2014, qui révèlent que la proportion de femmes âgées de 15 à 49 ans déclarant avoir être excisées est passée de 28% en 2005 à 26% en 2011 et de 25% en 2014, avec toutefois des disparités régionales.

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A ce sujet, la représentante résidente d'UNICEF Sénégal, Mme Laylee Moshiri a exposé des statistiques qui attribuent 64% à la région de Kolda. Un score qui passe de 76,1% à 23,1% à la région de Kolda, 30% pour la zone sud, en plu de Tambacounda et Ziguinchor.

Le Sénégal fait ainsi un bond de 2% en 2014, une évolution qui, d'après Mme Diagne, peut sembler lente, mais cache pourtant des progrès encore plus importants. A cet effet, elle brandit l'étude appuyée par le programme conjoint sur les MGF et réalisée l'année dernière qui, à son avis, montre que la proportion de mères ayant au moins une fille excisée est passée de 20% en 2005 à 6% en 2011. « Cela signifie que les filles subissent de moins en moins la pratique de l'excision comparée à leurs mères. Les mères renoncent petit à petit à exciser leurs filles ».

Des poches de résistance malgré l'existence de la législation

La bonne performance du mouvement contre l'excision au Sénégal n'est pas à l'abri de menaces. Les poches de résistances persistent au niveau de certains groupes ethniques. La région Nord, notamment Podor, est pointée du doigt. Un constat jugé surprenant par la spécialiste en protection de l'enfant à l'UNICEF, Mme Mariétou Dia du fait de l'existence depuis 1999. A ce sujet, la Directrice de la famille, Mme Coumba Thiam Ngom du Ministère de la Famille et de l'Enfance, confie que « depuis 1999, il n'y a eu que huit cas de poursuites judiciaires ».

Ce constat fait au Sénégal est encore plus alarmant dans d'autres pays africains où la pratique persiste dans certaines communautés réticentes. C'est à l'image du pays des Pharaons où l'Enquête Démographique et de santé (EDS) de 2014, révèle que 80% des filles d'un village du Gouvernorat d'Assiout, une région conservatrice de Haute-Egypte, âgées de 13 à 17 ans, ont été excisées.

Le rapport conjoint UNFPA-UNICEF y ajoute que « la plupart des filles égyptiennes étant excisées avant l'âge de 12 ans, les débats peuvent aviver des blessures affectives douloureuses ». Devant cet état de faire, ces acteurs jugent important de tenir ces conversations avant que les filles ne deviennent mères à leur tour et aient à décider si leurs filles seront excisées ou pas.

Au Kenya, l'intervention de la justice renseigne sur la présence des poches de résistance qui existent dans ce pays. Le rapport confie que dans le pays d'Uhuru Kenyatta, en fin 2014, plus de 50 cas de MGF/E ont été traduits en justice et ont fait l'objet d'une couverture médiatique. Dans cette même dynamique, des exciseuses traditionnelles et des parents ont été condamnés par les tribunaux et certains purgent aujourd'hui des peines de prison. Un couple est actuellement poursuivi pour le meurtre d'une fille de 13 ans dont il avait la charge.

Avant d'ajouter que trois chefs de clans ont également été accusés d'avoir facilité l'opération en l'autorisant à avoir lieu à leur domicile sans en alerter les autorités.

Dans ce pays, poursuit le rapport, les communautés Massaï et Meru s'accrochent toujours aux rites de passage marquant à célébrant la transition de l'enfance à l'âge adulte.

Les défis à surmonter

Malgré les quelques cas de résistance, le mouvement contre l'excision sous le leadership du « Programme conjoint UNFPA-UNICEF sur les MGF/E : accélérer le changement » qui est la principale initiative mondiale prônant l'abandon de ces pratiques, ne compte pas infléchir. Un cadre de lutte plus qu'utile du moment que d'après les estimations, dans les pays les plus touchés, 15 millions de filles risquent d'être victimes de ces pratiques d'ici 2020. Le rapport défend : « si le programme conjoint atteint ses objectifs, environ 4 millions d'entre elles seront épargnées au cours des cinq prochaines années ».

La phase II du programme conjoint ambitionne de réunir les conditions pour susciter un élan irrépressible visant l'abandon total de ces pratiques. Pour faire face à toute velléité qui pouraient entraver cet objectif, il est invité à bâtir une confiance avec les communautés avant même l'engagement pour l'abandon de la pratique. Sur ce point, Mme Mariétou Dia de l'UNICEF juge nécessaire de rectifier certaines faiblesses liées au suivi d'après déclaration d'abandon.

La nature ayant horreur du vide, la question de la reconversion des exciseuses après l'abandon de la pratique se pose. Une problématique que TOSTAN Sénégal, par la voix de son chargé de communication, M. Malick Guèye, propose de solutionner à travers une approche reposant sur l'éducation aux droits humains dans la langue des populations cibles. Une démarche qui repose sur des piliers comme l'alphabétisation, la diffusion organisée des connaissances apprises et la déclaration d'abandon de l'excision.

Un postulat jugé pertinent du moment qu'avec l'instauration de plus en plus du cadre juridique au niveau du continent le phénomène se pratique de plus en plus clandestinement. Les acteurs du mouvement se disent ainsi inquiétés par l'ampleur des « mamans exciseuses » qui agissent sur la fille à la naissance mais également l'ampleur de « l'excision médicalisée » dans certains pays.

Devant ces cas de figure, Mme Dia pense qu'il serait nécessaire d'encourager la dénonciation qui permet selon les résultats, de faire du Burkina Faso le premier pays à éradiquer l'excision en Afrique. Dans cette même veine, il est jugé utile de sensibiliser le corps médical mais également de continuer, comme le souligne le rapport, de mettre les jeunes au devant de la lutte mais également en s'appuyant sur les technologies de l'information et de la communication, pour le volet sensibilisation.

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