La mise en place d'un Index Africain de Citations devant rendre accessible et visible la production de savoir en Afrique prend forme. Le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), a posé les jalons d'une telle initiative dans le cadre d'un Forum des parties prenantes sur l'Index Africain de Citations qu'il a tenu les 23 et 24 février à Dakar, au Sénégal.
L'Afrique va se doter d'un index de citations pour mieux vulgariser les résultats de recherche produits à partir du continent. Le Commission de l'Union africaine a magnifié son soutien à cette initiative. Elle l'a fait à l'ouverture du Forum des parties prenantes sur l'Index Africain de Citations que le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria) a tenu à Dakar, au Sénégal, les 23 au 24 février 2017.
Le Secrétaire exécutif du Codesria, M. Ebrima Sall, fait savoir qu'à travers cette rencontre, l'institution de recherche qu'il manage a invité des institutions africaines de recherche et principalement l'observatoire sur la science et la technologie de l'Union africaine, la Commission des Nations Unies pour l'Afrique et des universitaires pour discuter de la création d'un index africain.
Un outil, qui à l'en croire, permet de recenser des publications qui existent au niveau du continent notamment les revus scientifiques, les répertorier et les rendre plus visibles. « C'est une manière de classifier les informations scientifiques, les articles publiés, les sujets de travail ; de permettre aux moteurs de recherche de les trouver le plus rapidement possible. Elle permet de rendre la recherche africaine beaucoup plus visible ».
M. Sall se désole du fait qu'actuellement, les rapports qui font le point sur l'état des lieux de la recherche scientifique dans le monde, révèlent qu'il est produit très peu de savoir à partir du continent africain.
« Les Etats Unis, et les pays européens, les Chinois, l'Inde produisent beaucoup plus. Dans le continent africain, c'est en Afrique du Sud qu'on trouve la production intellectuelle la plus importante », fait constater le Secrétaire exécutif du Codesria. Avant d'ajouter : « Les indexes qui font cette classification ont une grande valeur mais elles ne tiennent pas compte de la diversité de la production africaine. Elles ne sont pas faites pour tenir en compte réellement de la production qui vient de l'Afrique ».
A son avis, avoir un bon index africain de citation permet d'abord aux Africains de savoir ce que les chercheurs du continent ont produit dans le temps et ce qui se fait à chaque fois en Afrique. « Ça permet de mieux connecter le savoir produit au niveau du continent au reste du monde. C'est un outil qui va rendre la recherche accessible auprès des Africains mais aussi des décideurs du continent ».
Un index pour décoloniser la recherche scientifique
Cet Index africain de citation devrait également régler un des principaux défis du Codesria. Le Dr Mariéma Touré Thiam, chef de la section des sciences humaines et social au niveau de l'Unesco classe cet indice dans le cadre d'une des missions de Codesria, qui est de décoloniser la recherche parce que « contrôler la connaissance c'est aussi contrôler la vision que les personnes ont d'une société ».
Pour pouvoir bâtir des sociétés pacifiques, poursuit Mme Thiam, « il faut aider les personnes à se connaitre, à travailler ensemble. Pour cela, il faut avoir des connaissances idoines pour les comprendre ainsi que leurs enjeux ».
Pour elle, il est important que la recherche produite soit reconnue et disséminée. « Ce qui répond à des rapports de force ».
C'est ainsi qu'elle remet au goût du jour le rapport mondial de l'Unesco sur les sciences sociales qui portait sur les divisions dans le savoir, publié en 2010. Un document qui, à en croire Mme Thiam, montrait que la production de connaissance obéit à la même géographie que les rapports de domination dans le monde.
Dans les pays du sud, non seulement la production scientifique est peu mais elle n'est pas reconnue. Ce qui fait que la vision que les autres sociétés portent sur l'Afrique était une vision colonisée car étant construite de l'extérieur. « Ce sont les autres qui venaient dire ce que font les Africains ».
De ce fait, elle estime que cette mission du Codesria de dire que des Africains vont avoir la possibilité de produire des énoncés sur leur propre situation et sur celle du monde, est importante.
Ce responsable de l'Unesco considère que « l'une des batailles ultimes de la décolonisation de la recherche c'est celle de l'indexation parce qu'il ne suffit pas uniquement de produire des connaissances mais faire en sorte qu'elles soient disséminées puis reconnues ».
Pour montrer l'importance d'avoir un index de citation, Mme Thiam brandit le dernier classement de l'université de Pennsylvanie qui porte le Codesria au premier rang des sept mille Think-Tank ou laboratoires producteurs de savoir en Afrique.
« Si cet index africain de la citation existe et est lié avec les épistémologies du Sud, notamment les philosophies de connaissance et de production de connaissance en Afrique et dans le reste du tiers monde. Un autre pas important sera posé parce que ça donnera la possibilité d'exposer plus le monde à la production de connaissances qui se passe en Afrique et dans le monde ».
Face à ce nouveau défi de se doter d'un index régional à partir duquel la production de la recherche et l'intelligence africaine pourraient être évaluées,les Etats africains sont dans l'obligation d'investir davantage dans ce secteur s'ils veulent donner à la connaissance africaine ses lettres de noblesse.