Maroc-Afrique - Renégocier les droits de douane pour stimuler les échanges ?

6 Mars 2017
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African Development Bank (Abidjan)

Les relations entre le Maroc et le reste du continent s'intensifient. Le Royaume, qui a d'ailleurs tout juste retrouvé le giron de l'Union africaine et qui vient d'annoncer son intention de rallier la CEDEAO, poursuit une véritable offensive commerciale, économique et diplomatique au sud du Sahara. Surtout, il entend s'imposer comme un hub économique incontournable sur le continent.

Intitulée Analyse de la politique commerciale du Maroc - Impact de la politique tarifaire du Maroc sur sa position de hub à destination du reste de l'Afrique, une nouvelle publication de la Banque africaine de développement offre une analyse ciblée : y sont passées au crible les politiques tarifaires à l'œuvre entre le Royaume et les autres pays du continent, afin de mieux cerner si celles-ci favorisent le développement de leurs échanges.

Pleine croissance et perspectives prometteuses

Les échanges commerciaux entre le Maroc et le reste du continent ne cessent d'aller croissant ces dernières années (+ 20 %, soit plus de 1,5 milliard de dollars de plus). L'Afrique subsaharienne, avec son taux de croissance avoisinant 6,3 % en moyenne durant la décennie 2000 (record mondial après l'Asie), offre des perspectives économiques et un marché de plus en plus attractifs.

Reste que le volume de ces échanges demeure modeste en valeur absolue : l'Afrique subsaharienne représente aujourd'hui un peu plus de 6 % des exportations marocaines et un peu moins de 1 % de ses importations (contre 5 % en 1993). Inverser le point de vue révèle des chiffres encore plus faibles : en tant que destination des exportations africaines, le Maroc occupe la 95e place, avec seulement 0,05 % des exportations de la région (contre 0,07 % en 1993 et 0,36 % en 1998). Et le pays est au 62e rang des importateurs de produits du continent, avec 0,27 % du total des importations africaines (contre 0,07 % en 1993). Le Royaume importe du charbon (15,8 %), du café (13,6 %), de la nourriture pour bétail (11,2 %), des épices (6,2 %) et des produits chimiques inorganiques (4,7 %).

Échanges : faibles en volume, forts en intensité

Si les échanges demeurent faibles en valeur absolue, ils s'avèrent de forte intensité avec certains pays qui se révèlent donc des partenaires relativement importants pour le Maroc : le Sénégal, la Guinée équatoriale, le Ghana, l'Angola, la Guinée, la Côte d'Ivoire (siège de la BAD et à ce jour première destination du continent pour les investissements marocains), le Togo et l'Egypte.

S'agissant des exportations du Maroc, 13 pays africains figurent parmi les 28 pays partenaires avec lesquels l'intensité des échanges est importante entre 2011 et 2013 : Guinée, Sénégal, Guinée équatoriale, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Angola, Nigeria et Mauritanie en Afrique subsaharienne ; et Tunisie, Algérie, Libye et Egypte en Afrique du Nord. Côté importations, l'indice de ces échanges est supérieur à un avec 7 pays africains (sur les 22 pays partenaire dont c'est le cas) : Togo, Sénégal, Malawi et Cameroun ; ainsi que Tunisie, Algérie et Égypte.

Droits de douane : le paradoxe africain

Tant le Maroc de son côté, que de nombreux autres pays africains du leur, ont beaucoup renégocié leurs droits de douane avec des pays et les blocs régionaux... d'Europe, d'Asie et d'Amérique. Point positif, cela leur a permis de faciliter leurs relations commerciales respectives avec leurs interlocuteurs et destinations de choix. Sauf que cela aboutit à ce paradoxe : il leur est devenu plus aisé de commercer avec l'Europe, l'Asie ou les Etats-Unis qu'avec leurs propres voisins et pairs continentaux !

De fait, l'écart entre le taux moyen des droits de douane que le Maroc pratique avec les pays européens et la moyenne des droits de douane appliqués aux pays africains s'élève à quelque 17 points de pourcentage. Les pays africains, quant à eux, appliquent à leurs importations marocaines des tarifs douaniers supérieurs de 3 ou 4 points en moyenne aux tarifs pratiqués pour leurs importations d'Europe ou des États-Unis.

Certes, le Maroc a fortement abaissé ses droits de douane ces dernières années sur les produits en provenance d'Afrique subsaharienne (-78 %, soit 39 points de pourcentage de moins depuis 1993). Mais cette baisse ne s'est pas traduite par une hausse de ses exportations vers cette région.

Réduire les droits de douane marocains appliqués aux produits importés d'Afrique subsaharienne aiderait à stimuler les exportations des pays de la région vers le Maroc. Selon les projections, baisser de moitié ces tarifs douaniers entrainerait une hausse de 20 % des importations en provenance d'Afrique subsaharienne.

Pas de véritable politique commerciale sans baisse des droits de douane ?

Pareillement, réduire de moitié les droits de douane pratiqués par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) - principal partenaire économique du Maroc en Afrique - entraînerait une hausse de 5 % environ des exportations marocaines. Et celles-ci augmenteraient de 15% vers les pays du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) avec une baisse identique des tarifs douaniers ; et de 23 % au sein de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC). Mieux, la hausse des exportations marocaines pourrait atteindre 40 % dans le cas de la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE) !

Voici donc ce que pointe donc cette publication de la BAD : la réduction des droits de douane demeure un outil de politique commerciale capital sur le continent. Et si l'on renégociait à la baisse les droits de douane appliqués par le Maroc comme par ses pairs africains (subsahariens surtout), sans doute que les échanges augmenteraient à leur tour - au profit des deux parties.

Structurée en sept chapitres, cette publication fait suite à un premier volume également consacré à l'impact de la politique tarifaire du Maroc, mais cette fois au plan de sa compétitivité. Un troisième volume à paraître s'attachera quant à lui à identifier les catégories de produits à l'exportation qui pourraient bénéficier d'une hausse des échanges commerciaux entre le Maroc et les autres pays africains.

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