Afrique: Réforme de l'Union Africaine - Le Plan Marshall de Kagamé

Paul Kagamé
13 Mars 2017

Suite aux conclusions de la retraite des chefs d’Etats et de gouvernement, des ministres des Affaires étrangers et des ministres des Finances qui s’est tenue à Kigali en juillet dernier, concernant la nécessité de mener une étude sur la réforme institutionnelle de l’Union Africaine (UA); décision a été prise de confier la préparation de l’étude à Paul Kagamé, Président du Rwanda.

Il faut dire que le concerné n’a pas perdu de temps en faisant des propositions de réformes pour la mise en place d’un dispositif de gouvernance capable d’apporter des réponses aux défis auxquels fait face l’Union.

Pour le président rwandais, il n’y pas de secret : pour renforcer d’avantage l’Union africaine, il faudra agir dans les quatre domaines suivants : Recentrer l’Union sur les priorités essentielles touchant l’ensemble du continent ; Recentrer les institutions de l’Union africaine sur ces priorités ; Gérer efficacement l’Union africaine aussi bien au niveau politique qu’au niveau opérationnel; Financer l’Union africaine par nos propres moyens et de manière pérenne.

«La réalisation de ces conditions permettra également à l’Union africaine de retrouver la confiance des populations à travers le continent», note les auteurs du rapport.

En effet, l’Union africaine intervient actuellement dans presque tous les domaines liés au développement du continent. Son champ d’action n’est pas bien circonscrit. Cette absence d’orientation claire complique  l’affectation stratégique des ressources et contribue à la fragmentation et à l’inefficacité de l’organisation. Dès lors, il convient d’établir une répartition claire des tâches  et une collaboration efficace de l’Union  africaine, les communautés économiques régionales (CER), les mécanismes régionaux (MR), les Etats membres et les autres institutions continentales, conformément  au principe de subsidiarité.

De même, l’Union africaine est une organisation complexe regroupant des dizaines de structures. Par exemple, on dénombre huit Directions rattachées à la Commission et 31 départements et services, de même que onze organes de l’Union africaine, 31 agences techniques spécialisées (ATS) et une vingtaine de comité de haut niveau. Il faudra procéder à un audit des goulets d’étranglement et pesanteurs bureaucratiques qui empêchent la prestation des services et les mesures nécessaires  devront être prises sans délai.

Bien qu’étant doté d’un cadre juridique solide et de pouvoirs et de fonctions accrus, la qualité des décisions, des interventions et des résultats obtenus par la commission paix et sécurité n’est pas à la hauteur de l’ambition envisagée dans le Protocole qui l’a créé.

Autre défi, gérer efficacement l’Union africaine aussi bien au niveau politique qu’au niveau opérationnel. En effet, un certain nombre d’enjeux ont été identifiés avec l’équipe dirigeante actuelle de l’institution aussi bien au plan politique qu’au plan opérationnel

Les méthodes de travail du Sommet de l’Union africaine sont inefficaces en entravent la prise de décision et la mise en œuvre. Les réunions du sommet de tiennent souvent en retard et sont caractérisées par des ordres du jour surchargés qui empêchent de concentrer les échanges sur les questions stratégiques qui devraient retenir l’attention des Chefs d’Etat. Chaque sommet de la Conférence des Chefs d’Etats et de gouvernement ne devrait pas inscrire à son ordre du jour plus de trois questions d’importance stratégique, conformément aux recommandations du rapport Mekelle.

Il y a le nœud du problème à savoir financer l’Union africaine par nos propres moyens et de façon pérenne. En 2014, le budget de l’Union africaine était de 308 millions de dollars, dont plus de la moitié était financé par des donateurs. En 2015, il a augmenté de 30% pour s’établir à 392 millions de dollars, dont 63% ont été financés par des donateurs. En 2016, les donateurs ont assuré 60% du budget de 417 millions de dollars ; en 2017, les Etas membres devraient assurer 26 % du budget prévu de 439 millions de dollars , tandis que les donateurs devraient apporter les 74% restants.

Les programmes de l’Union africaine sont financés à 97% par les donateurs. En décembre 2016, seuls 25 des 54 Etats membres avaient acquitté intégralement leur cotisation pour l’exercice 2016. Quatorze Etats membres ont versé plus de la moitié de leur contribution et 15 n’ont effectué aucun versement.

Ce degré de dépendance vis-à-vis des financements des partenaires extérieurs soulève une question fondamentale : comment les Etats membres peuvent-ils contrôler l’union africaine et retrouver leur dignité s’ils ne définissent pas ses priorités ? A cet effet, le barème actuel des cotisations devrait être révisé en tenant compte des principes suivants : la capacité contributive; la solidarité: la répartition équitable du fardeau (pour éviter la concentration des risques).

De même, le comité des Ministres des Finances devrait élaborer un ensemble de « règles d’or » définissant des principes clairs de gestion et de responsabilité en matière financière, lesquels principes devraient être inscrits dans les Statut et le Règlement financier de la Commission de l’Union africaine. La Décision de Johannesburg prévoyant le financement par les Etats membres de 100% du budget de fonctionnement, et de 75% du budget de programme et de 25% du budget des opérations de soutien à la paix constitue un bon point de départ.

«Aujourd’hui, l’UA se situe à un nouveau tournant dans son histoire. Elle peut poursuivre sur la même voie ou changer de cap pour être davantage au service des populations. La décision d’opérer ce changement se trouve entre les mains des dirigeants africains. Il est temps d’offrir à nos citoyens un continent dans lequel ils peuvent s’épanouir», conclut les auteurs du rapport.

Dans moins de soixante-douze heures,  le Président sortant de la commission Nkosazama Zuma, la première femme à diriger l’organisation continentale  remettra officiellement son poste de Président au Tchadien    et  nouveau Président de la Commission, Moussa Faki Mahamat. Le nouveau président aura la lourde tâche de conduire les réformes contenue dans le rapport du Président Paul Kagame qui vont véritablement transformer le visage , pas du tout reluisant de l’Union africaine. C’est dire donc qu’il  a du pain sur la planche et l’espoir de tout un continent de voir une union africaine dépouillée de ses tares, repose désormais sur cet ancien ministre des affaires tchadienne, qui bénéficie toutefois d’un préjugé favorable.

 

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