Congo-Kinshasa: La seconde mort d'Etienne Tshisekedi

lepotentielonline
Etienne Tshisekedi
15 Mai 2017
analyse

Trois mois après son décès, Etienne Tshisekedi wa Mulumba n’est toujours pas encore mis sous terre. Même mort, cet opposant historique continue de gêner.

Initialement prévu, le vendredi 12 mai 2017, le rapatriement de son corps de Bruxelles (Belgique) à Kinshasa (RD Congo) est une fois de plus reporté.

Le lieu de son inhumation dans le pays est la pomme de discorde entre sa famille, son parti l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) et les autorités du pays.

Une situation qui heurte la conscience du moment que le minimum de droit conféré aux morts n’est pas respecté.

Etienne Tshisekedi n’a-t-il pas le droit, comme personnalité de haut rang, à des hommages dignes, pour les loyaux services rendus à la nation congolaise, depuis longtemps ? Cette question s’impose vue l’imbroglio qui entoure son inhumation.

Décédé le 1erfévrier dernier à Bruxelles, à l’âge de 84 ans, sa dépouille mortelle n’est pas encore transférée à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo (RDC), à plus forte raison d’y être inhumée. A l’origine de ce blocage, une divergence de vue sur le lieu de son inhumation.

Les autorités rament à contre-courant de la volonté de son parti qui compte matérialiser le souhait du défunt d’être enterré dans l’enceinte du siège de cette formation politique (UDPS).

Le gouverneur de la capitale congolaise a brandi une loi datant du 1914 et qui interdirait son enterrement au lieu voulu, non loin des habitations. Les autorités optent pour les cimetières pour, disent-ils, éviter des risques de contamination.

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Cette confusion ne va pas s’estomper de sitôt du moment que les proches et militants du défunt ont clairement signifié, contre vents et marées, que leur mentor qui est d’origine luba (une tribu locale de la RDC) sera bien inhumé chez lui.

Au moment de ces tiraillements, la dignité humaine est foulée au pied. La dépouille mortelle de Tshisekedi est devenue un outil politique victime d’un jeu de yoyo entre pouvoir en place et opposition.

Un état de fait corroboré par la mort dans les rangs des services de polices déployés aux alentours du siège de l’UDPS, suite aux heurts qui ont opposés les forces de l’ordre aux militants de Tshisekedi. A cela, s’ajoute l’interpellation de l’architecte belge commis pour la construction du mausolée d’Etienne Tshisekedi.

La disparition de cet illustre personnage devrait un peu calmer les esprits suffisamment tendus dans un pays en quête de quiétude.

De quoi a peur le régime de Kabila devant le corps inerte d’un opposant, même s’il lui a toujours tenu tête durant toute sa vie?

L’actuel président est accusé par les pro-Tshisekedi de profiter de cette situation pour installer la terreur. En tout cas, les deux parties utilisent l’alibi « enterrer dignement » pour justifier leur position.

Pour un repos paisible de l’âme de leur leader, l’UDPS ne devrait-elle pas accepter que Tshisekedi soit enterré dans un cimetière ?

Ce qui serait une démarche de dépassement qui devrait contribuer à la décrispation dans un pays où la tension a atteint un niveau inquiétant.

Les questions ne manquent pas devant cette situation d’incertitude teintée de tiraillement.

Des obsèques dignes d’un homme d’Etat devraient être pilotées par l’actuel régime en rendant un hommage national mérité à un digne fils de la République Démocratique du Congo.

Le président Kabila dont la posture de démocrate est mise en doute, en sortirait grandi, même si cela ne lui donnerait pas carte blanche face sa volonté de s’agripper à un troisième mandat.

En tout état de cause, Etienne Tshisekedi, nommé Premier ministre à trois reprises entre 1991 et 1997, mérite mieux, pour services rendus à la nation congolaise.

Farouche opposant de Mobutu et de Patrice Lumumba, il a beaucoup contribué à la démocratie en RD Congo, ex Zaïre.

Ce qui lui a valu d’ailleurs plusieurs arrestations, assignation à domicile et entre autres invectives de la part des différents régimes.

Sa ténacité lui avait conféré le statut de tête file de l’opposition. Il était ainsi une icône pour des millions de Congolais mécontents des « errements » du régime de Kabila.

 

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