A l'occasion de la sortie du coffret « Afrique tous courts » d'Africalia comportant 13 courts métrages de réalisateurs africains et malgaches, nous avons revu le film d'Adama Sallé, Tao Tao ! Ce second et dernier film du jeune réalisateur burkinabè, très tôt disparu, montre son immense talent. D'une banale histoire de couple il fait un récit original en s'inspirant des codes de sa culture pour enrichir son discours filmique. Entre paraboles, métaphores et image, le film prend une épaisseur et une profondeur rares.
C'est l'histoire d'un jeune couple dont le quotidien est perturbé par l'impossibilité de l'époux à satisfaire sa jeune compagne. Mais le réalisateur choisit la parabole de l'œuf pour parler de cette panne. Comme Albert Camus dans La Peste dont le propos est d'évoquer le nazisme, la peste brune. En effet, Bineta demande à son époux, Amadou, de lui faire une omelette, mais les œufs que l'homme ramène de la boutique sont vides. Des coquilles vides. Dans la culture moaga, la femme ne mange pas les œufs. C'est un interdit. Dans la répartition de l'économie familiale, elle est celle qui s'occupe de faire fructifier le patrimoine aviaire tandis que l'homme s'occupe du bétail ; aussi faut-il éviter qu'elle succombe à la tentation des omelettes, ce qui mettrait son élevage en péril. Et la volaille est importante dans la vie communautaire. C'est un coq que l'on offre à l'ami, c'est une soupe de volaille qui accueille l'hôte de passage, c'est enfin le gallinacé qui est sacrifié aux mânes pour solliciter leurs faveurs. La seule dérogation à cet interdit pour la gente féminine, c'est lorsqu'elle est en grossesse. Et pendant neuf mois on lui concède ce caprice de peur qu'un refus n'engendre l'avortement. Toutefois, on lui dit qu'une trop grande consommation d'œufs pourrait lui faire accoucher d'un voleur.
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