Afrique: Adresse à la diaspora - Avec Macron, la grande réforme fiscale n'est pas « En Marche »

16 Juillet 2017
analyse

Mardi 4 juillet dernier, le Premier Ministre Edouard Philippe a prononcé son discours de politique générale devant la nouvelle Assemblée Nationale et révélé les orientations fiscales du gouvernement : à la rentrée, il présentera une loi de programmation des finances publiques qui devrait porter sur les cinq années du quinquennat d'Emmanuel Macron.

Une semaine après, alors que le Premier Ministre garantit un « effet de souffle fiscal en faveur de l'investissement, de l'emploi et de la croissance », entre mise en œuvre incertaine, illisibilité et complexité, le constat tiré des annonces de ces derniers jours est sans appel : la République « En Marche » ne sonnera pas la fin du matraquage fiscal qui touche ménages, entreprises, commerçants, artisans et professions libérales.

Parmi les nombreuses promesses de campagne sur les sujets urgents de la dépense publique et de la fiscalité, la suppression des cotisations salariales sur les assurances maladie et chômage, « compensée » par la hausse de la Contribution Sociale Généralisée (CSG), compte finalement comme l'une des seules mesures qui entrera véritablement en vigueur au 1er janvier 2018. Censée « redonner du pouvoir d'achat à plus de 20 millions d'actifs et élargir aux retraités le financement de la protection sociale », la réforme viendra au contraire porter un nouveau coup dur aux retraités, voire, asséner ménages, salariés, et travailleurs indépendants.

Destinée à financer la protection sociale, la CSG  est la seule cotisation à laquelle sont soumis tous les résidents de France, prélevée avec des taux différents en fonction du revenu concerné : d'activité, du patrimoine, de placement, pensions de retraites et allocations de chômage. Les cotisations salariales, de leur côté, ne concernent par définition que les salariés. Là où ces derniers verront donc a priori compensée la hausse de la CSG (d'1,7 point de pourcentage) sur leur salaire brut par la suppression des cotisations chômage et maladie (3,15% du salaire), travailleurs indépendants (commerçants, artisans, professions libérales…) et retraités percevant une pension de plus de 1200 €/mois, eux, subiront une nouvelle perte sèche.

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Le flou complet est par ailleurs entretenu autour de la nature même de cette hausse : déductible ou non déductible d'impôts ? Au moment de leur déclaration d'impôt, les contribuables bénéficient d'une déduction partielle de la CSG. Si la réforme venait consacrer une hausse de la CSG non déductible alors, ce serait pour eux la double peine, ménages et salariés modestes en tête de liste : un revenu imposable à déclarer plus élevé du fait de la suppression des cotisations salariales, auquel s'ajoutera au surplus 1,7 point de pourcentage de CSG, imposable elle aussi.

L'instrumentalisation du dernier rapport annuel de la Cour des Comptes sur les finances publiques vient quant à elle justifier du report – parfois sans délai – d'un certain nombre de mesures promises, et du maintien d'une politique de rigueur. Certes, contrairement à ce que prévoyait la Loi de Finances de 2017, l'état du déficit public à la fin de l'année ne devrait pas se situer sous le seuil des 3 points de PIB. Mais, et alors que la France alignera bientôt son 43ème exercice budgétaire déficitaire, comment ne pas avoir anticipé le « risque significatif de non-respect des objectifs de déficit dès 2017 » souligné par la même Cour des Comptes un an auparavant ?

La promesse d'exonérer de la taxe d'habitation 80% des ménages dès le 1er janvier 2018 est laissée en suspens en raison même du choix tourné vers la réduction des dépenses publiques. Pourtant, la mesure pourrait être en partie salvatrice pour ceux des ménages, seniors, et travailleurs indépendants qui subiront de plein fouet la hausse de la CSG sans bénéficier de la suppression des cotisations salariales.

Le choix de soutenir l'investissement et la croissance des TPE et PME est lui aussi laissé en suspens. Sans doute aucun, la transformation dès le 1er janvier 2018 de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) en Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) profitera davantage aux 30% de contribuables imposables les plus riches pour lesquels les actifs immobiliers ne représentent que 20% de leur patrimoine, qu'aux 70% de foyers fiscaux « les moins riches » (entre 1,3 et 2,4 millions d'euros) pour lesquels les actifs immobiliers représentent 80% de leur patrimoine, et qui sont de toute façon moins enclins à se risquer d'investir dans le reste de l'économie réelle. Le passage de l'ISF à l'IFI complexifie le système pour de piètres résultats et créera de nouvelles stratégies de contournement alors qu'il aurait été préférable, pour le bien de l'économie réelle, de rehausser la réduction d'ISF de ceux des investissements qui concernent les petites et moyennes entreprises !

Nous conclurons sur le report incertain d'une mesure qui pourrait sensiblement réduire le coût du travail et favoriser les embauches de salariés peu qualifiés. La transformation du Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi (CICE) en baisse de charges sociales patronales part du constat évident que cet avantage fiscal, cette dotation, n'est pas réinjecté en investissements dans les entreprises. Sa transformation en baisse de cotisations patronales de 6% pour les salaires jusqu'à 2,5 SMIC (auxquels s'ajouteront d'autres types d'allègements), participerait sans nul doute à abaisser le coût du travail moins qualifié pour toutes les entreprises, à leur simplifier les démarches administratives, et à améliorer leur trésorerie. Mais aujourd'hui, la mesure est « reportée à 2019 » et pourrait même être soumise à discussions.

L'état des finances publiques ne peut légitimement justifier le manque de courage politique. Il ne peut, non plus, justifier que salariés, ménages modestes, professions libérales, artisans, commerçants, patrons de petites entreprises et séniors soient bientôt astreints à de nouveaux changements complexes qui n'amélioreront pas leur situation mais au contraire, s'ajouteront au matraquage fiscal dont ils sont déjà victimes. Qu'en est-il de la baisse réelle du coût de tous les salaires ? Qu'en est-il des TPE et PME ? À l'heure où aucune véritable réforme fiscale structurelle n'est envisagée, nous insistons. Il est grand temps d'assainir le paysage fiscal et administratif français, de se concentrer sur les leviers de la productivité et de la croissance, donc de revêtir avec bravoure l'habit politique avec le droit pour instrument.

 

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         Avocate Fiscaliste - Docteure en Droit

                                                   

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