La BAD appelle à une gouvernance transparente à travers l'Initiative pour la transparence des pêches (FiTI)

Pêche traditionnelle à Zanzibar en Tanzanie
2 Novembre 2017
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African Development Bank (Abidjan)

« Manger du poisson pêché par un navire qui reste opaque quant à ses captures équivaut bien souvent à manger du poisson provenant d'activités liées au travail forcé ayant servi de couverture à la traite d'êtres humains et au transport de stupéfiants ».

Derrière cette mise en garde formulée par l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo (1999-2008), dans une tribune libre publiée en octobre 2017 sur le site du Monde Afrique, apparaît l'urgence d'arriver à une gouvernance transparente dans les pêches en Afrique.

Après avoir tenté d'y parvenir avec des réponses nationales, les Etats africains s'engagent désormais dans une démarche collective à travers la mise en place de l'Initiative pour la transparence dans les pêches, Fisheries Transparency Initiative (FiTI, en anglais).

Sur le modèle de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (EITI, en anglais), la FiTI se veut une sorte de code de bonne conduite associant les États, la société civile, les partenaires au développement et les opérateurs du secteur de la pêche. Elle prévoit, dans chaque pays adhérent, la publication de l'ensemble de la législation sur les pêches et de tous les contrats du secteur.

« L'enjeu, c'est d'assurer une transparence totale des activités de pêche dans un pays. Il est donc indispensable de passer par la publication complète des licences de pêche puisque c'est justement sur la base de ces accords que s'effectuent les activités de pêche », a expliqué Jean-Louis Kromer, point focal de la FiTI à la Banque africaine de développement (BAD).

Avec le soutien de Peter Eigen, ancien président de Transparency International et figure emblématique de l'EITI, un projet de Charte de la FiTI a été rédigé, à l'issue des discussions entre les différentes parties prenantes, puis validé lors d'une session plénière organisée en avril 2016 à Bali, en Indonésie.

Le Secrétariat de la FiTI, jusqu'ici assuré bénévolement par l'ONG allemande Humbolt-Viadrina Governance Platform, sera transféré de Berlin à Victoria, aux Seychelles en 2018 à l'invitation du gouvernement des Seychelles. Aussitôt installé, le secrétariat international devrait tenter de relever l'immense défi du financement de son fonctionnement. Aucune piste solide de mobilisation de ce financement n'existe pour l'instant.

Or, selon plusieurs sources proches du dossier, si la question du budget de fonctionnement du secrétariat international n'est pas du tout réglée, c'est l'avenir même de la FiTI qui pourrait être compromis.

L'Afrique en première ligne

Comme pour les industries extractives, un État qui souhaite adhérer à la FiTI doit formellement faire acte de candidature auprès du secrétariat qui ouvre alors la procédure d'évaluation indépendante pour s'assurer qu'il remplit bien tous les critères d'éligibilité.

La Guinée, la Mauritanie, le Sénégal et les Seychelles ont d'ores et déjà saisi le secrétariat de leur volonté de devenir membres de la FiTI. Ils ont été rejoints dans leur démarche par l'Indonésie. Pour les quatre pays africains, l'enjeu de l'adhésion à l'initiative est énorme en raison du poids du secteur de la pêche dans l'économie.

Afin de marquer son intérêt pour la démarche, la BAD a financé l'atelier d'information et de validation de la charte de la FiTI organisé du 26 au 27 juin 2017 à Victoria, aux Seychelles, au profit des représentants des États, d'acteurs de la société civile et du secteur privé de sept pays insulaires et côtiers de la région de l'océan Indien.

Aux termes de la charte de la FiTI, une évaluation indépendante de la candidature devrait faire l'objet de concertations nationales lors d'ateliers regroupant toutes les parties prenantes : représentants de l'administration, délégués du secteur privé ainsi que des acteurs de la société civile.

Au-delà de son vif intérêt pour la mise en place effective de la FiTI, le Groupe de la BAD aide ses membres régionaux à tirer le meilleur profit de l'exploitation de leurs ressources halieutiques, notamment à travers les initiatives du Centre africain des ressources naturelles (African Natural Resources Center, ANRC).

Installé au siège de la BAD à Abidjan, l'ANRC aide d'abord les Etats africains à privilégier le développement intégré et la conservation de leurs ressources naturelles, en valorisant la planification et la conservation. Il conforte également leurs efforts de bonne gouvernance des ressources naturelles, en les exhortant à privilégier des négociations transparentes et participatives de contrats qui tiennent compte du contexte local.

Les dividendes de la FiTI

Ce n'est donc qu'à l'issue d'un long processus que les quatre États africains pourraient être déclarés conformes à la FiTI. La certification ainsi acquise devrait avoir des retombées positives sur l'image des pouvoirs en place. Au plan national, elle leur permettra de répondre aux différentes critiques de la société civile sur le déficit de transparence dans l'attribution des licences de pêche. A l'étranger, l'admission à la FiTI fonctionne comme un label de transparence susceptible de susciter l'intérêt des milieux d'affaires. En effet, la publication intégrale des contrats est un gage de transparence qui traduit aussi la volonté de lutter efficacement contre la corruption Et de gérer les ressources halieutiques sur une base durable.

Plus concrètement, l'admission à la FiTI devrait entraîner de nouveaux investissements dans le secteur de la pêche.

« La publication des contrats va aider les investisseurs potentiels à mieux percevoir les niches disponibles. Par exemple, lorsqu'un investisseur sait que tel autre a été autorisé à pêcher 10 000 tonnes de sardines dans un pays, et que la marge d'augmentation des captures pour cette espèce est limitée, il va choisir, pour sa part, de solliciter une licence pour pêcher une autre espèce », a ajouté Jean-Louis Kromer.

L'arrivée de nouveaux investisseurs présente d'énormes enjeux économiques pour les pays africains qui tirent d'importants revenus de la pêche. C'est, notamment, le cas du Sénégal qui a exporté en 2016 près de 192 000 tonnes de produits halieutiques, soit 14,6 % du volume global des exportations du pays. Signe de son importance, le secteur de la pêche a contribué cette même année pour près de 204 milliards de FCFA au budget national. Au Sénégal, comme en Guinée, en Mauritanie et aux Seychelles, les dividendes tirés de la pêche devraient connaître une forte augmentation après le parachèvement du processus d'adhésion à la FiTI.

Il aurait aussi pour conséquence indirecte de contribuer à la réduction de la pêche illégale. Toutefois, pour porter le coup de grâce à ce fléau qui affecte, à des degrés divers, tout le continent, il va falloir que les États acceptent de mutualiser leurs moyens humains et techniques. En tout cas, il n'existe aucune autre alternative pour assurer une meilleure surveillance des frontières maritimes nationales et une gestion durable des ressources marines. La charte africaine de la sécurité maritime adoptée en octobre 2016 à Lomé, lors du sommet extraordinaire de l'Union africaine sur la sécurité maritime, les y encourage fortement.

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