La prévention des conflits pourrait faire économiser de 5 à 70 milliards de dollars, selon une étude présentée à la Banque africaine de développement

19 Juin 2018
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African Development Bank (Abidjan)

« Mieux vaut prévenir que guérir ». Cette sage recommandation prend davantage de sens à la lecture d'une étude intitulée « Chemins pour la paix. Approches inclusives pour la prévention des conflits violents », présentée lundi 18 juin 2018 ,dans les locaux de la Banque africaine de développement à Abidjan.

En introduisant la séance de présentation du travail effectué par la Banque mondiale et les Nations unies, Sibry Tapsoba, directeur du Bureau de coordination des États en transition (RDTS, sigle en anglais), à la Banque africaine de développement, a loué la qualité du travail effectué par les auteurs de l'étude puis souligné l'enjeu qu'il y a à mieux maîtriser les contours de la fragilité et de la résilience.

« Cette étude arrive à point nommé pour faire un état des lieux des connaissances sur les questions de fragilité, de paix, de résilience et de prévention des conflits. À la Banque africaine de développement, nous y travaillons tous les jours, a déclaré M. Tapsoba. Aujourd'hui, nous sommes heureux de pouvoir croiser nos analyses avec celles de nos collègues de la Banque mondiale et des Nations unies. »

Selon Alexandre Marc, spécialiste en chef pour les questions de paix et de violence à la Banque mondiale, et Djordje Djordjevic, conseiller pour les questions de paix et de sécurité durable au Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUD), l'étude révèle que le nombre de conflits violents majeurs a triplé depuis 2010.

« Nous assistons à un changement dans la nature des conflits, qui voient désormais la participation croissante d'acteurs non étatiques et se caractérisent par des violences perpétrées loin du champ de bataille, une résurgence des ingérences internationales, des débordements dans les pays voisins et des combats en milieu urbain », ont souligné les deux présentateurs de l'étude.

Trois fois plus de conflits violents majeurs qu'en 2010

L'étude produite par la Banque mondiale et les Nations unies bat en brèche l'idée reçue selon laquelle les violences et les conflits armés seraient surtout l'apanage des pays pauvres.

« Même si les violences se produisent en majorité dans les pays à faible revenu, certains des conflits actuels les plus meurtriers ont lieu dans des États aux revenus plus élevés et dotés d'institutions plus solides », relève l'étude.

Constat inquiétant des auteurs : « D'ici à 2030, année d'échéance pour atteindre les Objectifs de développement durable, plus de la moitié des pays pauvres de la planète pourraient vivre dans les zones affectées par des niveaux élevés de violence ».

Ils plaident pour un véritable changement de paradigme, appelant à passer de la phase actuelle qui privilégie la lutte contre la flambée et l'escalade de la violence déjà déclarée au tout-préventif.

« Un système de mesures préventives à grande échelle permettrait d'économiser entre 5 et 70 milliards de dollars, arguent la Banque mondiale et les Nations unies. Ces ressources pourraient servir à réduire la pauvreté et à améliorer le bien-être des populations. Il faudrait pour cela, insister bien plus sur l'indentification des risques et les actions précoces afin de prévenir les violences ».

Après avoir dressé l'état des lieux de conflits et leur origine, l'étude énumère des pistes pour faire en sorte que les processus de développement national influent sur les efforts entrepris en matière de sécurité, de diplomatie, de justice et de droits de l'homme et éviter que les conflits ne deviennent violents. Les présentateurs de l'étude ont cité l'exemple de pays qui ont su mettre en place une prévention efficace.

« Grâce à une bonne organisation institutionnelle avec la création de la Haute autorité à la consolidation de la paix, un pays comme le Niger a pu mettre en place un système qui lui a permis d'éviter de tomber dans une situation de conflit violent, malgré l'existence d'une menace réelle », s'est réjoui M. Marc de la Banque mondiale, co-présentateur de l'étude.

Créer des synergies efficaces

Toutefois, pour que la prévention soit efficace, poursuivent les auteurs du travail, elle doit être endogène et appliquée par des acteurs locaux et nationaux.

« En ce sens, la prévention encourage la souveraineté en permettant à chaque pays de prendre le contrôle de sa destinée et à l'État d'entretenir des relations positives avec ses concitoyens », insistent la Banque mondiale et les Nations unies.

Outre la prévention, l'inclusion sous toutes ses formes est importante pour assurer la stabilité des États et éviter l'éruption de violence et de conflits. En effet, si l'on veut que les actions de prévention soient efficaces, il faut les associer à des politiques axées sur les populations afin que les citoyens aient la possibilité de participer aux différents programmes.

« La croissance et la lutte contre la pauvreté sont essentielles, mais, elles seules ne suffisent pas à préserver la paix. Pour prévenir la violence, il est nécessaire de s'écarter des politiques économiques et sociales traditionnelles, lorsque les risques augmentent ou sont déjà très élevés », met en garde le l'étude.

Et la Banque mondiale et les Nations unies d'ajouter : « Il faut également trouver des solutions qui bénéficient à tous en optant pour le dialogue, des politiques macroéconomiques adaptées, une réforme institutionnelle des fonctions essentielles de l'État et des politiques de redistribution ».

De fructueuses discussions ont suivi la présentation de l'étude Chemins pour la paix. Approches inclusives pour la prévention des conflits violents, qui a eu lieu au Centre commercial international d'Abidjan (CCIA) où la Banque a des bureaux, en présence de Grégory Robert, représentant le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères.

Certains intervenants ont ainsi souhaité que l'étude soit enrichie par la prise en compte de la radicalisation et l'extrémisme religieux violent, particulièrement en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne.

D'autres ont plaidé pour que l'analyse inclue le défi démographique en Afrique subsaharienne, estimant qu'il exerce une pression non négligeable dans certaines parties du continent. Enfin, plusieurs autres participants ont abordé la question du rôle et de la place du secteur privé dans le contexte de fragilité ou de conflit violent.

« En tant que Banque africaine de développement, nous faisons énormément en faveur des États en transition. Les Nations unies et la Banque mondiale en font autant. Je pense que nous pouvons et que nous devons travailler ensemble », a conclu M. Tapsoba.

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