Madagascar: Corruption - Les PAC dénoncent des disparitions de prévenus

Une révélation est inscrite dans le rapport d'activité annuelle des PAC, présenté hier. Les sorties irrégulières de détenus y sont inscrites comme un des obstacles à l'atteinte des objectifs fixés pour la sanction des actes de corruption et malversations financières.

Une évasion. Le qualificatif est fort, mais il résume en des mots compris de tous un fait dénoncé, hier, à entendre les explications de Harimahefa Ratiaraisoa, coordonnatrice nationale des Pôles anti-corruption (PAC). Un qualificatif qu'elle a lâché, hier, au Carlton Anosy, comme un avis personnel sur les cas de "sorties irrégulières des détenus".

Dans les derniers instants de la présentation du rapport d'activité annuelle des PAC, pour le compte de l'année 2021, hier, les obstacles à l'atteinte des objectifs en matière de sanction des actes de corruption et délits financiers ont été cités. Au second point de la liste, il est dit, "les sorties irrégulières des détenus dont les mesures de "mise à disposition", ou corvées extérieures, pratiques au niveau des établissements pénitentiaires, contournent les mesures privatives de liberté prises par les juridictions. Ces pratiques portent atteinte à l'effectivité des décisions judiciaires et favorisent les impunités".

Ce point soulevé au Carlton Anosy, hier, brise un secret de polichinelle au sein du système judiciaire. La question touche, d'autant plus, à un sujet d'actualité, comme le souligne la représentante de la Commission nationale indépendante des droits de l'homme (CNIDH), qui a mis l'accent sur le sujet dans son intervention durant la séance de questions et réponses, faisant suite à la présentation du rapport d'activité. Cette semaine, en effet, l'information selon laquelle Mamy Rakotondraibe, désormais ancien directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNAPS), aurait bénéficié de cette "mise à disposition", s'est faite insistante.

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La véracité de cette information a été demandée aux responsables du PAC d'Antananarivo, au Carlton. Solofohery Razafindrakoto, procureur du second degré du PAC d'Antananarivo, a répondu, "je n'ai pas connaissance de cela. Il faudra que l'on vérifie". L'ancien patron de la CNAPS a été placé en détention préventive à l'issue d'une comparution devant le parquet du PAC d'Antananarivo, le 15 mars. Il figure dans la liste d'accusés de détournement de deniers publics. Selon les explications, pourtant, seuls les détenus condamnés peuvent bénéficier d'une mise à disposition, ou des corvées extérieures qui font partie des Mains d'œuvre pénales (MOP).

Sur le fait soulevé dans le rapport présenté, hier, Harimahefa Ratiaraisoa regrette que cette pratique "est de plus en plus courante". À entendre ses dires, elle pourrait dépasser le cadre des affaires de corruption et de délits financiers.

Facteurs de blocage

"(... ) moi je ne parle que dans le cadre du PAC, je ne suis pas habilité à parler au nom des autres structures judiciaires", précise la coordonnatrice des PAC. Elle ajoute, "je ne sais de qui ça émane, pour quelle raison ça se fait, mais il y a des magistrats qui se plaignent du fait qu'ils envoient, par exemple, des ordres d'extraction pour la suite des enquêtes et au niveau de l'administration pénitentiaire on leur répond que telle ou telle personne que vous demandez pour être transférée afin d'être auditionnée au PAC, n'est pas en prison".

Ces cas de sorties irrégulières de détenus ont des conséquences importantes sur le traitement des dossiers, si l'on prend le cas des PAC, selon les explications d'hier. Des affaires sont bloquées, puisque des prévenus libérés à l'insu des magistrats seraient alors introuvables et ne comparaissent plus aux auditions ou aux procès. "Pour nous ce sont des sorties irrégulières tant que ces individus n'ont pas été libérés d'une manière légale. Personnelle-- ment, je pense que ce sont des cas d'évasion quand ils ne sont pas autorisés par les magistrats", assène Harimahefa Ratiaraisoa.

Questionnée sur les dossiers qui seraient concernés par les cas de prévenus qui auraient joui de sorties irrégulières, la coordonnatrice des PAC a, toutefois, refusé d'entrer dans les détails, évoquant une interdiction légale. Outre les libérations illicites, les cas où des accusés, pourtant sous la coupe d'interdiction de sortie du territoire et même des condamnés qui parviennent à échapper à la justice et se font la malle à l'étranger sont nombreux, également. C'est notamment, le cas de Raoul Rabekoto, ancien directeur général de la CNAPS, également, condamné pour détournement de denier public.

Le général retraité Jean Ravelonarivo, ancien Premier ministre, lui aussi condamné dans la même affaire de Raoul Rabekoto, a disparu des radars. D'autres points de blocage soulevés hier, sont les immunités et les privilèges de juridiction dont jouissent de hautes personnalités et hauts responsables. "C'est un facteur de blocage important, puisque certaines personnalités ne peuvent pas être poursuivies tant que leur immunité n'est pas levée. Aussi, les dossiers trainent. Pourtant leurs co-accusés qui ne jouissent pas d'immunité sont en détention préventive", déplore Nathalie Rakotomalala, chef du siège du second degré du PAC d'Antananarivo .

"L'absence de suite aux demandes de mainlevée d'immunité et de privilèges ainsi que des autorisations de poursuite pour certaines catégories de prévenus, retarde le traitement des dossiers et engendre une inégalité de traitement des procédures", affirme le rapport présenté, hier. Le document ajoute, "le traitement des procédures subordonnées à des mises en accusation de certains prévenus par l'Assemblée nationale, est retardé". Sans le dire directement, le rapport fait ici référence à l'absence de procédure parallèle auprès de la Haute cour de justice (HCJ).

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