Afrique de l'Est: RDC-Rwanda - Une paix durable est-elle possible ?

interview

La tension persiste entre la RDC et le Rwanda. Le nœud de ce conflit réside dans le fait que la RDC accuse son voisin de piller son sous-sol et d'être la base arrière des attaques des groupes armés.

Kinshasa affirme que Kigali soutient la rébellion du M23 qui sévit au Nord-Kivu, une accusation niée par les autorités rwandaises. Mais le porte-parole du gouvernement congolais a réitéré avoir des preuves du soutien rwandais à cette rébellion.

Dans cet entretien qu'il nous a accordé, Jean Claude Mputu, politologue et porte-parole de la plateforme "Le Congo n'est pas à vendre" affirme que la crise actuelle était inévitable.

Retranscription de l'interview

Depuis quelques jours, il y a une escalade dans les discours entre le Rwanda et la RDC par rapport à la situation dans le Nord Kivu. Comment analysez vous cette situation ?

Jean Claude Mputu : C'était inéluctable ! Cela fait une vingtaine d'années que ces violences existent, que les Congolais, la société civile et les rapports des experts de plusieurs organisations montrent le rôle néfaste que le Rwanda joue dans l'agression du Congo à travers des mouvements rebelles. Il existe une liste et cette dernière est longue, du M23 au CNDP. Malgré l'arrivée de Félix Tshisekedi où on a pu assisté à quelques gestes d'amitiés très fortes entre lui et Paul Kagamé, sur le fond, rien n'a jamais été abordé. Tant que le Rwanda ne reconnaîtra pas son rôle néfaste dans la crise congolaise, la situation perdurera. Tant que le Congo n'aura pas une armée, un gouvernement responsable et capable de protéger son territoire et de sécuriser sa population, le désordre à l'Est continuera avec des tensions fortes et des tensions basses parce qu'ainsi va la vie dans cette région depuis 20 ans.

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Est ce que vous confirmez que le Rwanda pille la RDC ? Avez-vous des chiffres pour étayer votre propos ?

Jean Claude Mputu : C'est un secret de polichinelle ! Tout le monde sait que le Rwanda exporte des minerais venus de la RDC. S'agissant des chiffres, l'année dernière encore, des rapports des Nations Unies ont démontré que le Rwanda continue à s'approvisionner avec l'or et le coltan de la RDC et ce ,avec des preuves à l'appui. Je citerai juste cet homme d'affaires américain, propriétaire de la société Bay View qui a travaillé pendant dix ans au Rwanda et qui a été nationalisée par le Rwanda. Son propriétaire a apporté l'affaire à une chambre d'arbitrage au niveau de la Banque mondiale. Il a d'ailleurs fait savoir que ce n'est un secret pour personne, 90% du coltan exporté par les Rwanda provient de la RDC.Il dit que le Rwanda a déclaré 412 millions d'exportations de minerais et selon lui, sur les 412 millions, à peine 20 millions proviendraient de minerais venus du Rwanda.

La partie Est de la RDC a récemment été placée sous état de siège, une mesure exceptionnelle pour permettre le retour de la paix durable dans la région. Est-ce que cet état de siège, d'une manière ou d'une autre, est venu déstabiliser ces routes clandestines dont vous parlez, qui quittent la RDC pour aller vers le Rwanda avec des minerais ?

Jean Claude Mputu : La société civile sur place dénonce l'état de siège. De là à dire que cette mesure a perturbé les réseaux de trafic illégal de l'or vers le Rwanda, je ne saurais ni l'affirmer ni l'infirmer. Toujours est-il que ces trafics continuent.

La RDC a pris des mesures tout récemment - l'interdiction des vols RwandAir vers la RDC, l'ambassadeur Karega a été convoqué - Est-ce que toutes ces mesures sont efficaces ?

Jean Claude Mputu : On est loin de trouver une solution parce que des deux côtés, à mon sens, il n'y a aucune vraie volonté politique pour parvenir à une solution durable. Selon moi, suspendre les vols de RwandAir est une mesure populiste qui est applaudie, et qui montre que le gouvernement congolais est fâché contre le Rwanda. Mais cela est sans doute la partie infime des nombreux intérêts rwandais en RDC. Cela fait plusieurs années que la société civile congolaise a demandé le rappel de l'ambassadeur rwandais à Kinshasa et le gouvernement a fermé les yeux. Le plus grand problème pour nous, c'est la sécurité à l'Est et pour cela le gouvernement congolais doit investir des moyens dans une armée forte et fiable.

A qui profite le crime ? Est-ce que cette guerre, si elle est remportée, pourrait être un point positif pour la présidence de Tshisekedi d'ici le scrutin de 2023 ?

Jean Claude Mputu : Si le gouvernement actuel met fin à cette guerre, ça fera un énorme bénéfice pour le pouvoir en place. Souvenons-nous que l'une des priorités du président Félix Tshisekedi était de s'installer à Beni pour mettre fin à l'insécurité à l'Est. C'est une promesse qui dure depuis trois ans. Souvenons-nous que quand il a proclamé l'état de siège il y a un an, il a dit que c'était pour mettre fin à l'insécurité à l'Est. L'insécurité continue. Donc il y a là un véritable défi pour lui comme pour tous ses prédécesseurs qui ont échoué afin qu'il puisse ramener la paix à l'Est. Malheureusement, on est à deux ans de la fin du mandat et on ne voit pas par quels moyens cette guerre pourra s'arrêter s'il n'y a pas une unité, s'il n'y a pas un consensus, s'il n'y a pas un rassemblement entre tous les Congolais pour défendre le pays et pour mettre fin à ces conflits.

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