Cameroun: La visite de Rome et du Vatican par l'écrivain Calvin Djouari

C'est en tant qu'écrivain que j'ai visité Rome la semaine dernière. Je souhaitais revoir la ville ancestrale après 5 ans d'absence, ce qu'elle était devenue après cette pandémie qui avait singulièrement touché ses lieux saints où les fidèles aux yeux narquois, venaient baiser ces cadavres de pierre antique en regardant le Tibre couler ; ce fleuve de boue hérissé de petits ports de pêche aux abords multicolores, reste de nos jours encore entouré de mystère.

Rome, irrévocablement, est là, toujours debout, avec tous ses hommes au teint de brique qui défilent dans les ruelles étincelantes de chaleur qui se répand dans le monde. Tout est resté intact comme au 3e siècle, avec ses monuments dressés dont on ne sait jamais quand elle vieillirait. J'ai rempli ma pensée de cette foi qui m'a vu grandir.

La cov19 a fait perdre le prestige de Rome. Ce virus l'a envahie ; plus d'aventuriers dans la ville, les immigrés ont pris le large, je n'ai recon-nu aucun visage, même pas les mœurs, qui autrefois donnaient à Rome sa béatitude et faisaient avancer les hommes, vers un aimable nouveau monde, qui fascinait son esprit de grandeur. J'y ai passé mon séjour dans un état d'allégresse grâce à mon frère Erico qui a émergé de façon remarquable. Lorsqu'on arrive à Rome, une seule idée nous hante, visi-ter le Colisée et Saint-Pierre. Pour cette fois, j'ai préféré m'éloigner de ces amas de pierres rassemblées autour d'une maison, où les gens ob-servent à longueur de journée sous le regard des policiers raisonna-blement généreux.

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Même si je reconnais qu'avec le Colisée, c'est le symbole d'un peuple qui a vécu et qui a travaillé pour laisser des traces. Des personnes qui en mourant ont dessiné les vrais monuments dans les cœurs des hommes. Des cœurs qui conviennent le sang du Christ et alimentent l'esprit qui s'étale dans la ville pour une durée toujours éternelle. Il y a une volonté de transmettre un message en silence.

Passé le Colisée, j'y allais à Saint-Pierre comme toujours pour être émerveillé, dans cette œuvre qui résume la philosophie du fils de l'homme. Ici, ce n'est pas l'arche de Noé, c'est une idée de l'homme transformée en pierre par la pensée profonde de la vie qui symbolise la parole concrète. La pierre est construite sur Pierre. Il y a un esprit dominant dont le seul objectif est non seulement la grandeur, mais aussi la profondeur en même temps que la hauteur. Tout cela donne la splendeur de la vie.

La grandeur... oui la grandeur, c'est le seul mot qu'on puisse dire en toute simplicité lorsqu'on visite Saint-Pierre. Tout est gigantesque même le silence. Les murs rébarbatifs s'imposent à la vue et paraissent s'étendre à chaque regard dans une immensité qui rejoint l'irréel.

Saint Pierre est à lui seul toute la complexité et la vocation même d'un destin qui dépasse tout entendement. Tout est majestueux, solennel et sculptural, la première chose, on se demande en quel siècle elle a été édifiée et par qui ?

Je la ressens, la douleur de ceux qui y ont travaillé sans outils modernes, au 5e siècle. Quel architecte contemporain pourrait élever une telle maison ? Je n'y crois pas. Cette maison construite de nuit m'a-t-on dit ressemble, à Dieu lui-même transformé en Homme de pierre. Pierre dans son tombeau est bien là. On ressent sa présence invisible qui vous parle dans le cœur. À chacun de croire ou de ne pas croire. Mais au sortir de cette maison, on reconnait la magnificence de l'œuvre de l'homme capable d'élever sa pensée jusqu'au ciel. Pour une maison construite comme le corps humain, elle est en même temps rationnelle, irration-nelle, spirituelle et absurde. Concrète et abstraite dans toutes les confusions de sa composition. Le mur possède des vêtements antiques dont ils se sont royalement parés. Toucher cet endroit, c'est toucher un point sensible de l'histoire de l'idée de l'homme et de la vie. Surtout à cause de sa visibilité et de son invisibilité. Qui va donner aux hommes d'aujourd'hui une telle inspiration ? Pour ma part, sans avoir visité d'autres temples, c'est la plus parfaite maison de Dieu construite en ce monde.

Il ne s'agit pas seulement de glorifier la splendeur, mais l'antiquité et la pensée qui l'a élevé et qui l'a maintenue jusqu'à ce jour. Une fois à l'intérieur, elle ne captive plus, elle enivre. L'éblouissement est total, la bonne humeur s'installe et on s'y perd. Est-ce un monument ? Une sculpture ? l'attention s'éveille et on veut connaître le moindre détail, dans tous les regards, c'est le même aveuglement.

Qu'on soit chinois, indien, ou pakistanais, c'est le même effet. Elle peut laisser percer une pointe d'orgueil sous sa prépondérance dans le monde si elle veut

Un guide m'a dit de toujours honorer les ouvriers gothiques, mais je me demande comment ils pouvaient réussir sans cette présence d'un être supérieur. Je reste persuadé qu'il y a un souffle qui remplit cette mai-son. Une seule minute en son sein remplit le corps avec ces prières qui sont faites au même moment dans tous les coins du monde et qui te tombent dessus. Cette maison est un panthéon, je la respecte pour ce qu'elle est et j'admire ceux qui l'ont bâtie. Seule l'histoire reconnaîtra les siens et Dieu lui-même. Pour un écrivain, c'est une fierté d'avoir vu les choses sur le plan concret et se faire sa propre idée de la vie et tracer son chemin. N'importe quel chemin aurait mené l'homme à Rome. Au sein d'un peuple épuisé dont la foi, peu à peu, tarit, Rome offre le visage d'un rajeunissement de confiance dans sa destinée. Chaque poteau compte et décrit une histoire. La présence bruyante du monde de ces hordes de chrétiens gouailleurs crottés et habillés majestueusement comme ces pèlerins à la recherche d'un chapelet perdu.

La crinière au vent, l'homme avance dans une voie, sur les traces du sang du Christ qui coule, chaque jour sur le chemin éternel, une longue ligne, adossée à la rade pour couronner aussi avec le regard la longue marche qu'il vient d'effectuer. A côté de cette rivière qui coule sans flots, ils sont présents, les oies, sauvages dressées sur les poteaux des saints et qui pi-corent depuis des heures dans un survol sans arrêt, contentes d'être dans une maison ancienne amirauté empreinte de douceur cruelle. Dans leur regard malicieux, ces lointains pêcheurs au teint de brique ont le corps recouvert des étincelles qui appartiennent irrévocablement au monde de la terre.

Saint-Pierre est une maison à nulle autre pareille sous le ciel, et nul homme ne peut fouler son sol ou humer son air sans devenir meilleur ou pire. L'entrée à laquelle on accède à dos où un tombeau surplombe le lit d'un torrent qui se jette successivement dans ces petits fleuves verts où dit-on Saint-Pierre fut tranchée par la tête pour s'offrir à son tour. Elle s'ouvre tous les 25 ans, et il est dit que le pape qui l'ouvre pendant son sacerdoce sera béatifié. Ce fut le cas du pape Jean-Paul II. Me voici à la fin du séjour, devant la sentinelle d'un monde aboli, de la vieille maison ronde qui vieillit sous le poids du monde, le ciel est clair et mon âme est pure, la prière oubliée revient en filant comme dans cette île Sainte dont le berceau de la chrétienté occidentale renaît et pour chanter en fin de soirée il y aura beaucoup d'appelés, peu d'élus.

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