Madagascar: La loi sur l'interruption thérapeutique de grossesse à nouveau écartée de l'Assemblée

À Madagascar, les défenseurs de l'interruption thérapeutique de grossesse ont essuyé un revers jeudi 2 novembre : le bureau permanent de l'Assemblée nationale a retiré le projet de loi de l'ordre du jour. Il n'y aura pas de débats ni de vote. Selon les rapporteurs, le texte serait " incompatible avec les valeurs malgaches ". Intenable aux yeux de ceux qui militent depuis des années pour permettre aux femmes d'avorter en cas de viol, d'inceste ou de risque médical. Les soutiens du projet de loi se sont exprimés face à la presse pour faire entendre leur colère.

Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud

" Hypocrisie sans nom ", " honte à nos politiciens " : sur les réseaux sociaux, les commentaires ont fusé suite à l'annonce d'écarter le projet de loi de l'Assemblée nationale. Le mot-clé #balancetachristine, du nom de la présidente de la Chambre basse, réputée pour être contre le texte, a même fait son apparition sur le net.

Pour Marie-Christina Kolo, à la tête du mouvement Women Break the Silence, qui défend le droit des victimes de viols et d'incestes, cette décision inattendue marque, selon elle, un mépris indescriptible envers les femmes qu'elle défend :

" C'est juste insupportable. Quand j'ai vu l'argument qui était sorti, j'ai juste eu envie de comprendre : "mais que sont ces valeurs malagasys ?" Est-ce que justement, le fait de ne pas respecter le processus démocratique, ça rentre dans les valeurs malgaches ? Est-ce que le fait d'ignorer la souffrance de milliers de femmes victimes de viols et d'inceste, aujourd'hui, ce sont nos valeurs malgaches ? Faire en sorte que les 2 900 femmes qui meurent chaque année (des suites de complication durant la grossesse et post-accouchement, NDLR) parce qu'elles n'ont pas accès à l'ITG, ce sont les valeurs malgaches ? Non, ça, c'est être aveugle. Je n'ai même plus les mots, je suis juste enragée. "

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Lobbying de l'Église catholique

À ses côtés, se trouvait Marie Jeanne-d'Arc Goulamaly. Cette députée, qui a présenté le texte de loi à l'Assemblée, regrette la situation et pointe du doigt le détournement des enjeux de la dépénalisation de l'interruption thérapeutique de grossesse.

" Il faut discuter. C'est en séance plénière qu'on doit décider si cette loi-là n'est pas bonne pour l'État malagasy, ou pour la population. Or, là, le processus a été violé. Et désormais, c'est devenu une question politique, et non plus qu'une question de société. Parce que l'élection présidentielle arrive bientôt. "

Le lobbying actif opéré par l'Église catholique à la Chambre basse semble avoir fonctionné. Toutefois, la députée garde espoir qu'avec le tollé provoqué par cette violation de la procédure, le texte puisse être mis à l'ordre du jour pour discussion début juillet, et rappelle à ses détracteurs que l'un des objectifs du projet de loi est avant tout de sauver des vies.

À Madagascar, la législation sur l'avortement est l'une des plus restrictives au monde. En cas de viol, d'inceste ou lorsque la vie de la mère est en danger, avorter peut exposer les femmes à deux ans d'emprisonnement.

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