Afrique: Tout le monde a droit à un environnement sain... jusqu'à ce que les autorités congolaises en décident autrement !!!

communiqué de presse

Et pourtant c'est une mise en garde claire, issue de l'article 53 de notre constitution en place depuis 2006 - Le moment est venu de s'en rappeler à l'occasion de cette journée internationale de l'environnement 2022 sous le thème: " Une seule Terre ", comme une nouvelle interpellation à notre conscience humaine sur l'urgence de vivre durablement en harmonie avec la nature basé sur des choix et politiques plus écologiques.

Ce que je sais, et plus encore ce que les autorités congolaises savent, c'est le rapport de Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'évolution du Climat (GIEC) de l'ONU qui avait dévoilé plus tôt le 28 février 2022 des perspectives très sombres pour l'avenir : si le monde ne décide pas assez tôt de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, cela conduira à un déluge d'impacts négatifs inévitables et "parfois irréversibles" dans les décennies à venir avant d'appeler à un réel changement. Les scientifiques soulignent dans ce rapport que les dommages causés par le changement climatique à la biodiversité vont continuer à " s'intensifier ".

Entre 3 et 14% des espèces terrestres sont menacées d'extinction même si le réchauffement climatique est limité à 1,5°C par rapport aux températures préindustrielles. Un seuil qui pourrait être atteint dès 2030. Les animaux et les plantes de toutes les régions du monde sont concernés par ce risque. Soulignant l'importance "fondamentale" des écosystèmes pour permettre un développement "résilient" face au réchauffement climatique, les experts appellent à la protection d'environ 30 à 50% de la surface" de la planète, sur terre, dans les océans, les étendues d'eau douce ainsi que la restauration des habitats naturels détruits, tels que les forêts, qui peuvent repousser.

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Écho aussi similaire d'une planète qui va mal lorsque Global Forest Watch a publié un peu plus tard en avril les données de l'Université du Maryland. La perte des forêts primaires tropicales est restée chroniquement élevée en 2021, soit 11,1 millions d'hectares de leur couverture arborée ont été perdus l'année dernière, identifiés parmi les zones de forêts tropicales vierges importantes pour le stockage du carbone et la biodiversité. 2.5 giga tonne d'émissions de dioxyde de carbone ont ainsi été relâchés dans l'atmosphère, l'équivalent par exemple des émissions annuelles de combustibles fossiles de l'Inde.

Des chiffres qui remettent en question les objectifs mondiaux de zéro déforestation alors que les leaders mondiaux de 141 pays se sont engagés collectivement dans une déclaration sur les forêts et l'utilisation des sols en 2021 lors de la COP 26 à Glasgow à " arrêter et à inverser la déforestation et la dégradation des sols d'ici 2030 ". Pourtant pour atteindre ces objectifs, il faut "une diminution constante de la perte de forêts chaque année pendant la décennie restante". Même perte aussi du côté de la RDC qui a enregistré après l'Amazonie, la deuxième plus grande perte de forêt, soit près d'un demi-million d'hectares de son couvert forestier.

Mais c'est justement ce qui est sur le point de se produire dans mon pays qui m'inquiète, avec le risque probable de sceller le sort des milliers des communautés, de la biodiversité et repousser au loin la bataille contre la crise climatique : la RD.Congo se prépare à lancer en juillet prochain, un plan de vente aux enchères de seize blocs pétroliers aux multinationales pour le forage du pétrole. La décision du gouvernement de remplacer les forêts par les puits du pétrole et d'ignorer les droits des communautés à un environnement sain a été approuvée à l'issue de la 48e réunion du conseil de ministres en avril dernier.

Faisant la propagande de ce plan un peu partout au pays et à l'extérieur, le ministre des hydrocarbures M.Didier Budimbu affiche deux discours déconcertants et surtout aux antipodes des efforts climatiques: il croit bon rassurer les amoureux de la nature qu'aucun parmi les 16 blocs pétroliers sélectionnés ne se trouve dans les espaces et aires protégés alors que nous avons des potentiels énormes au niveau du parc des Virunga ou de la Salonga. A l'écouter, le pays étant respectueux de l'environnement et de ses écosystèmes, s'est résolu d'y renoncer.

En même temps, le ministre estime qu'il est plus que temps pour la RDC d'exploiter son pétrole avant que les énergies fossiles qui tendent à leur fin ne soient remplacées par des énergies renouvelables. De sa production actuelle d'environ 25.000 barils par jour à partir de blocs pétroliers vieillissants contrôlés par le français Perenco SA sur la côte de l'océan Atlantique, les 16 blocs pétroliers à vendre aux enchères contiendraient des réserves estimées à 16 milliards de barils pour un peu plus de 650 milliards de dollars aux prix actuels, selon le ministre".

Sauf que personne n'est dupe et les choses ne se présentent pas du tout comme ça. Contrairement à ce qu'affirme le ministre D. Budimbu, les cartes officielles du gouvernement indiquent que pas moins de neuf de ces blocs pétroliers à soumettre à la vente se situent en plein milieu de ses forêts tropicales.

Tant pis pour le sort des plusieurs aires protégées avec lesquelles ils vont se superposer ou des écosystèmes fragiles comme la cuvette centrale réputée pour son gigantesque complexe des tourbières qui pourraient stocker jusqu'à 30 gigatonnes de carbone, soit l'équivalent de trois années d'émissions mondiales.

Avec ça, c'est l'intégrité physique des aires protégées à l'image des parcs de la salonga classé au patrimoine mondial de l'UNESCO ( bloc 18 : à une vingtaine de km), upemba ou des réserves Tumba Ledima (bloc 22) et forestière de Lomako Yokokala ( bloc 4 ) qui seront gravement menacés avec des conséquences irréversibles sur la biodiversité et le climat y compris sur les modes de vie et les moyens de subsistance des communautés environnantes.

Adieu donc mon "pays solution"; ce n'était qu'en réalité une posture affichée à la fois pour séduire et arracher des bailleurs de fonds moins regardants, quelques financements à un moment clé de la Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique, COP26 à Glasgow en Ecosse, le mois de novembre dernier.

Bizarre que cela puisse paraître, le riche sponsor de l'initiative pour la forêt d'Afrique centrale (CAFI) satisfait du renouvellement de son méga accord écolo à 500 millions de dollars pour " protéger " la forêt congolaise n'a que très peu à se soucier. Le nouvel accord est clair : en pompant du pétrole des tourbières multi-primées de la Cuvette Centrale et d'autres temples de la biodiversité, il faut seulement penser en amont à une étude en vue de " prévenir, atténuer, réduire et sinon compenser " les dégâts.

Je connais mon pays, mais je n'étais nullement séduit par sa vision climatique à l'horizon 2030 de " promouvoir une économie verte, à faible émission de carbone et résiliente aux impacts des changements climatiques, tout en gérant rationnellement et durablement ses importantes ressources naturelles afin de garantir l'équilibre écologique et le bien-être social, économique, culturel et environnemental de sa population ".

Moins encore par les objectifs de réduction de 21% de ses émissions et de restauration de son couvert forestier à 63,5% à l'horizon 2030, comme exposée au travers de sa Contribution Nationale Déterminée(CDN) révisée pour la période 2021-2030. Tout était beau pour croire que ceux- ci étaient pourtant basés sur un diagnostic selon lequel le secteur notamment des hydrocarbures est identifié comme l'une des sources d'émission de gaz à effet de serre en RDC. Mais ça, c'était avant le bruit de l'argent des multinationales.

Avec du recul, l'explication de ce qui est sur le point de se passer est peut-être du côté de la crise Russo-Ukrainienne. A mal d'approvisionnement en gaz et pétrole russe et face à la demande qui sera de plus en plus croissante, les capitales occidentales et leurs multinationales ne manqueront pas de s'orienter vers l'Afrique, à l'instar de la RD.Congo, nouvel eldorado pour ce business du pétrole, quitte à faire un peu plus de la forêt et la biodiversité leur victime et à fouler ainsi au pied les engagements climatiques... .

On ne lâche rien, on ne laissera pas faire !!!

Responsable de campagne forêt de Greenpeace Afrique en RDC

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