Tunisie: "Nous serons tous dévorés par le feu" de Radhouane El Meddeb et Malek Sebai - Baladi Ya baladi... un incroyable amour

15 Juin 2022

En pré-ouverture de la 4e édition de Carthage dance, qui se déroule du 11 au 18 juin à Tunis, la nouvelle création de Radhouane El Meddeb et Malek Sebai, avec la participation et la collaboration du pianiste Sélim Arjoun, attise les passions. Femmes de tous les temps lèvent la voix comme une seule, un corps qui porte les tensions, comme il épouse l'énergie, fait corps avec une composition musicale jouée sur scène. Un piano, un pianiste, une partie d'une interprétation comme un fil tendu entre les générations, entre les sensibilités.

Son travail est au centre des territoires, des territoires dansés entre l'ici et l'ailleurs, explorés, identifiés et réécrits, à chaque fois, au gré des rencontres. Son écriture évolue dans tous les sens du possible, dans l'exigence et la rigueur. Son propos est précis, clair et net. Et c'est dans la minutie la plus subtile que son discours prend place et que son discours se révèle.

Radhouane El Meddeb a toujours été un homme de la scène, sa pratique il l'a exercée à travers le seul médium qu'il connaît sur le bout des doigts. Un espace qu'il maîtrise avec toute la force qu'il dégage mais qu'il continue à explorer à l'infini.

" Nous serons tous dévorés par le feu ", sa toute nouvelle création, l'a réuni avec une amie de longue date, la danseuse et chorégraphe Malek Sebai. Un projet commun qu'elle danse et qu'il chorégraphie. À ce duo, le compositeur et pianiste Sélim Arjoun trouve sa place comme une évidence.

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" Nous serons tous dévorés par le feu " ou " Baladi Ya baladi " prend, comme point d'ancrage, l'histoire toute de passion de Habiba Msika, figure légendaire des années 30 en Tunisie, artiste symbole d'émancipation féminine, de liberté et d'amour pour la patrie. Sans pour autant être une militante reconnue, elle fut active, à sa manière dans l'affirmation de soi, d'une identité tunisienne, et d'un engagement militant. Sa fin tragique : dévorée par le feu, et immolée par un amant jaloux, l'a élevée au rang de mythe. Elle devient part de la trilogie de la tragédie, le triangle de la passion, la mort et la liberté.

Robe noire, rose rouge, regard au loin, lui frêle, de noir vêtu aussi, ils avancent, ils se regardent, nous regardent, nous défient. Chacun avance vers son espace de jeu. Le piano est une pièce maîtresse, le pianiste est un protagoniste à part entière.

Ils tiennent, d'une main ferme, un drap blanc tel un linceul, tel un étendard prêt à recevoir les images qu'on lui propose. Une broderie, des femmes, plusieurs, puis une à une ; Tunisiennes, arabes, jeunes, moins jeunes, femmes anonymes, femmes du monde... une lignée de guerrières, puis broderie... Fil rouge sur fond blanc, broderie de sang... Bourguiba comme référence, puis Habiba Msika ... Puis Raja Ben Ammar, puis Zeyneb Farhat, puis encore des femmes ... leur vie, leur combat...

Encore et toujours le même, aussi fort, aussi persistant... Le personnage-prétexte revient par le son du piano renvoie à une époque lointaine. Du jeu de la perception et la chronologie se redessine. Le temps se suspend, le temps de la narration se confond avec l'émotionnel, le temps se dilate et se rétrécit. Quand la voix de Habiba se lève et se murmure. Et le geste prend la parole et tend la main à un propos.

A l'interprétation nerveuse, de Sélim Arjoun, avec des doigts qui martèlent les touches le corps réagit et vibre. Le corps se ramasse et se détend doucement, la gestuelle se précise. Plus ouverte, vigoureuse, dynamique, Malek Sebai s'ouvre, se déploie dans l'élégance, la grâce, la brisure et le retrait. Elle part loin dans l'arrière-scène, ramasse l'air dans son sillage, le pénètre, pour revenir plus forte...

Parfois cassés, des mouvements aériens, puis primitifs. Entre le piano et la danse, l'histoire se raconte en filigrane. Radhouane aime la netteté, le temps que les choses prennent à distiller leur essence. La lenteur est grâce, la fluidité est contraste. Malek, elle, trouve dans les notes du piano une origine à sa danse, un sens à ses élucubrations créatives.

Danser ou ne pas danser, sur les gloires anciennes, sur les blessures d'aujourd'hui, les inquiétudes de demain. Comment trouver la force de continuer. Le silence pèse et le rythme s'accélère. C'est auprès du piano qu'elle trouve consolation. Du rouge dominant, la lumière devient plus crue.

Des rondes joyeuses puis essoufflées se dessinent, un combat à la vie à la mort. Sensuelle puis boîteuse puis éreintée, puis vigoureuse. C'est une éclaboussure d'un corps éclaté, d'une musique aussi dense que dansée. Les mains tendues vers un infini... de la broderie aux paillettes plus festives, rouge écarlate, brillantes, elles giclent, les lancent dans les airs pour retomber au sol, la fête est furtive, elle colle au visage à en devenir un masque.

Sur les différents hymnes nationaux tunisiens, depuis la marche du bey jusqu'à nos jours, le masculin féminin se confond, rouge à lèvres et les moustaches interchangeables. La question du genre est aussi posée dans un élan commun vers la liberté.

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