Ile Maurice: Trous budgétaires - MauBank et NIC à vendre

Afin de financer les dépenses courantes, le gouvernement se propose de vendre la Maubank et la NIC. Est-ce une bonne idée que de vendre des entreprises profitables ? Si vente il y a, sera-telle effectuée au meilleur offrant ? Qu'en sera-t-il des milliards de roupies que l'État y a injectées ?

L'état avait alloué Rs 6 milliards à la MauBank et Rs 4 milliards à la National Insurance Company (NIC). Juste au moment où ces deux entreprises reprennent leur envol, le gouvernement veut les vendre. Pour boucher le trou budgétaire, mais aussi pour utiliser les devises provenant de la vente de ces deux entités, probablement à une compagnie étrangère, pour combler le déficit de la balance des paiements.

On ne sait pas si la MauBank devrait rembourser ces Rs 6 milliards petit à petit. La banque se targue d'avoir déclaré Rs 188 millions de profits au 1er juillet 2021, mais elle n'a ni commencé à rembourser au trésor ni payé de dividendes au gouvernement qui est son seul actionnaire à travers MauBank Holdings Ltd.

On ne sait pas non plus si la NIC ou son repreneur éventuel remboursera les Rs 4 milliards à l'État. Pour rappel, le ministre Mahen Seeruttun avait déclaré au Parlement, le 4 mai 2021, que cette énorme somme sera utilisée "to reduce the costs of operations, relocate some branches to the main building and also to come up with a voluntary retirement scheme". (voir l'express du 14 mai 2021). On ne sait pas non plus ce qu'il est advenu des Rs 2 milliards prêtées par la banque de Maurice à la NIC (voir l'express du 5 mars 2019). Dans son bilan de 2021, la NIC se vante : "The Profit for the Year (post exceptional costs and taxation) amounted to MUR 142.4 M compared to MUR 142.2 M in 2020." Rs 200 000 de plus qu'en 2020, ça se fête.

%

Vaches à lait

Si l'on ne compte pas les Rs 2 milliards de la banque centrale, les Rs 10 milliards injectées par l'Etat dans ces deux entreprises seront-elles perdues pour le contribuable ? Est-il souhaitable de vendre deux entreprises qui commencent à rapporter de l'argent y compris au Trésor à travers les éventuels dividendes sur les actions détenues par le gouvernement ? Réponse d'un économiste : "La vente d'un bien qui vous rapporte des revenus ne vous rapportera qu'une grosse somme lors de la vente et puis plus rien.

C'est, comme le disait mon grand-père, on vend la vache pour avoir à acheter du lait le restant de sa vie. C'est du court terme." Et les Rs 10 milliards ? Explication imagée et pleine d'humour de notre interlocuteur: "Là, on a emprunté de l'argent pour engraisser la vache et au moment où elle commence à rapporter du lait ou des veaux, vous la vendez."

Si la vente est faite au profit d'un étranger - on reparle d'un investisseur indien établi au Royaume-Uni -, les dividendes seront expatriés chaque année. Un peu comme la vente de 49 % des actions de Mauritius Telecom (MT) en 2001 qui a privé le pays de dividendes et de devises payées aux actionnaires français depuis. C'était le temps où MT réalisait des bénéfices, bien sûr.

Le repreneur prendrait 70 % des actions de la MauBank, l'État n'en conservant que 30 %, selon nos informations. Pour la NIC, on n'a aucune information même si l'on avait parlé d'un deal incluant les deux entités.

Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y aura pas d'appels d'offres mais le choix sera effectué par un Transaction Advisor. Et cela, même si ces deux entreprises, certes enregistrées comme des compagnies privées, sont la propriété de l'État et donc de la population.

Le client qui revient chaque mois

Mais à quel prix seront-elles cédées ? Tout dépend de leur valorisation. Au 31 décembre 2021, la MauBank valait Rs 3,2 milliards. Et les Rs 6 milliards ? Perdues ? "Pas pour tous", nous dit notre interlocuteur économiste "car je ne crois pas que le repreneur remboursera les Rs 6 milliards à l'État et paiera de plus Rs 3,2 milliards pour prendre le contrôle de la MauBank."

Il y aurait, selon une source de la MauBank, d'autres problématiques. "Il y a des prêts accordés à certains clients et qui ne seront pas remboursés bientôt." Et de nous conter l'histoire de ce gros client, contracteur proche du pouvoir, qui doit plus de Rs 800 millions à la MauBank (et Rs 1,7 milliard à la SBM).

"Bien que d'après les directives de la Banque centrale, aucune banque ne devrait être exposée pour plus de 40 % de ses prêts à une seule compagnie ou groupe de compagnies appartenant aux mêmes actionnaires et selon la MauBank, ce seuil ne doit pas dépasser 38 %, eh bien, ce seuil n'est jamais franchi par une sorte de magie. Et le monsieur qui emprunte Rs 15 à Rs 20 millions chaque mois pour payer ses employés et la construction de sa grande maison sans que le seuil ne soit dépassé ! Incroyable, non !"

La même source nous signale que plusieurs membres du Credit Committee de la banque refusent d'approuver les demandes de ce monsieur et ont même menacé de ne plus siéger sur ce comité "avec les demandes de prêt provenant du même client chaque mois". Bref, ils en ont marre. Nous avons cherché la confirmation de la MauBank. Celle-ci refuse de nous dire s'il y a un ras-le-bol de la part de certains membres du Credit Committee, nous disant que ce sont des affaires confidentielles.

En tout cas, il sera difficile, nous dit notre source, de vendre une banque avec autant de casseroles. "Si elle l'est, ce sera pour un prix soldé." Avec un prix soldé, il sera encore plus ardu de rembourser les Rs 6 milliards.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.