Ile Maurice: Dr Sudhir Kowlessur - "La frayeur de la contamination et notre Advocacy ont fait la campagne décoller"

interview

Pour la deuxième année consécutive, et cette fois sur 59 participants, la Non Communicable Diseases (NCD) and Health Promotion & Research Unit du ministère de la Santé, dirigée par le Dr Sudhir Kowlessur, coordonnateur de la campagne nationale de vaccination contre le Covid-19, a séduit le jury composé de membres des secteurs public et privé, qui lui a décerné la médaille d'or du Public Service Excellence Award. C'était l'occasion de faire un bilan avec le Dr Kowlessur sur cette campagne de vaccination, qui se poursuit auprès de groupes ciblés.

Quel effet cela fait d'avoir obtenu la médaille d'or du Public Service Excellence Award pour la deuxième année consécutive par rapport à la campagne nationale de vaccination ?

C'est un grand honneur et une satisfaction, pas pour moi mais pour l'unité, pour le ministère de la Santé et pour le gouvernement. Cela a été un réel défi à relever car la pandémie du Covid-19 était un phénomène nouveau et effrayant. Le High Level Committee, présidé par le Premier ministre et le ministre de la Santé ont confié la campagne de vaccination contre le Covid-19 à la NCD and Health Promotion & Research Unit car quand la première vague de Covid-19 est arrivée, c'était l'hiver et nous procédions à la vaccination antigrippe en faisant du porte-à-porte à travers les caravanes de santé.

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Malgré les conditions difficiles dans lesquelles nous opérions, nous avons réussi à administrer 130 000 vaccins contre la grippe alors qu'habituellement, le nombre de vaccins antigrippe administrés par le ministère est de 50 000. Les membres le High Level Committee ont réalisé que la NCD Unit avait acquis l'expérience voulue en matière de vaccination et qu'elle est habituée à faire du Multitasking. Le Premier ministre nous a alors demandé de développer une stratégie pour la vaccination contre le Covid-19 avec pour objectif de vacciner 60 % de la population d'ici la fin septembre 2021.

Nous avons atteint l'objectif à la mi-août 2021. Nous avons remporté la médaille d'or pour avoir non seulement réussi à vacciner 60 % de la population plus tôt que prévu mais aussi parce que notre campagne nationale de vaccination a été considérée par le jury comme une meilleure pratique reposant sur le leadership, la transformation du business, l'innovation, la transformation digitale, le renforcement des capacités, leur développement et la satisfaction des vaccinés. Le jury a estimé que notre modèle peut être répliqué dans d'autres pays. Maurice est le premier pays en Afrique à avoir une couverture vaccinale aussi importante.

Le personnel dédié à la vaccination se monte à combien ?

A 850 personnes, soit des Medical Health Officers, Specialised Health Promotion Nursing Officers, Specialised Health Promotion Health Care Assistants, Nursing Officers, Health Care Assistants, Motivators, Attendants, Public Surveillance Officers, Public Health Nuring Officers, sans compter le personnel des ministères de la Sécurité sociale, de l'Egalité des Genres, de l'Education, de la Technologie informatique, de la Jeunesse et du Sport, des policiers, des employés des collectivités locales, du Citizen Advice Bureau. Il faut souligner qu'avant l'arrivée de chaque vaccin - nous en avons administré dix différents -, le personnel a été formé au respect de la chaîne de froid pour chaque vaccin, à la préparation des vaccins et à leur administration, à la gestion des déchets, aux urgences, avec le soutien de l'OMS.

Les premiers à recevoir les vaccins ont été les Frontliners, soit le personnel de la santé, les employés de l'aéroport, du port, des hôtels, les policiers, les personnes du troisième âge et les adultes souffrant de comorbidités. En moyenne, 15 000 vaccins ont été administrés au quotidien. Le jury du Public Service Excellence Award a reconnu qu'avec 60 % de la population vaccinée en août 2021, les frontières ont pu s'ouvrir, les activités économiques ont pu reprendre, les examens de School Certificate et de Higher School Certificate ont pu avoir lieu, les crèches ont pu opérer et les Frontliners ont pu travailler et ils l'ont fait d'arrache-pied, en semaine comme en week-end. Nous avons pu compter sur le concours des organisations de la société civile et de tous les acteurs de la vie.

Est-ce à dire que votre unité est prête à gérer n'importe quelle autre épidémie ?

Oui, l'unité est motivée à mettre en place les mêmes principes appliqués durant la vaccination contre le Covid-19 et à dispenser d'autres services de santé destinés à améliorer la santé publique à Maurice.

A ce jour, combien de personnes ont bouclé leur calendrier vaccinal, soit les deux premières doses et la troisième dose ?

Au 18 juin dernier, 930 414 personnes de la République de Maurice, soit 93 %, avaient reçu leur première dose de vaccin, 903 593 leur deuxième dose, soit 90.3 % et 624 949 personnes leur Booster dose. Je suis satisfait de ces chiffres. La deuxième Booster dose étant pour les personnes âgées de plus de 59 ans et celles sujettes à des comorbidités telles que le diabète, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'obésité, entres autres, et au 18 juin, nous avons eu 9 015 personnes, qui y ont pris avantage.

Ce n'est pas le nombre de personnes attendues et cela peut s'expliquer par le fait que cette deuxième Booster dose ne soit pas obligatoire mais nous devons demander au public ciblé de venir de l'avant pour se protéger et protéger ses proches. De notre côté, nous poursuivons notre campagne de vaccination car les recherches ont montré que la deuxième Booster dose réduit les risques d'hospitalisation pour une personne testée positive au Covid-19. Les autres pays offrant comme nous la deuxième Booster dose à ce groupe précis sont l'Australie, la Grande Bretagne, la Suède, l'Israël, Singapour et bien d'autres.

Est-ce la peur de la contamination qui a incité les Mauriciens à prendre avantage de la vaccination contre le Covid-19 ?

C'est la frayeur vu la hausse du nombre des contaminations et notre Advocacy qui ont fait la vaccination décoller. N'oubliez pas que lorsque nous avons démarré la vaccination le 26 janvier 2021 dans cinq hôpitaux régionaux, la réaction du public était timide. C'est en mars lorsque les cas de Covid-19 ont augmenté que le public s'est rué vers les centres et nous avons dû en ouvrir d'autres graduellement et de 15 centres, nous sommes passés à une trentaine. Le fait que nous ayons envoyé des équipes mobiles dans la communauté pour faciliter la vaccination a aidé aussi.

Combien de personnes ont ressenti des effets secondaires graves après la vaccination ?

Je ne puis vous répondre, valeur du jour, car c'est un sous-comité dédié à la vaccination contre le COVID-19 au sein de l'unité de pharmacovigilance, qui est un organisme indépendant, qui enquête sur les effets secondaires résultant de la vaccination et qui a la responsabilité de communiquer les résultats à l'OMS et à la communauté médicale internationale.

Avec recul, qu'est-ce qui a bien fonctionné dans le programme de vaccination en général et qu'est-ce qui a moins bien marché ?

La collaboration intersectorielle entre le ministère de tutelle, les ministères et corps de métiers susmentionnés, a été fantastique, de même que la coopération avec les organismes du secteur privé comme la MEXA, l'AHRIM, l'EDB, Business Mauritius, les cliniques privées etc et je leur dis à tous un grand merci.

De plus, notre personnel était motivé à atteindre l'objectif fixé par le gouvernement. Celui-ci a facilité la fourniture de tous les équipements requis pour la vaccination et pour la protection du personnel. Les défis durant la campagne ont été le décret de zones rouges, qui nous a obligés à reporter l'exercice dans ces régions et à les reprogrammer, à rappeler les personnes qui ont raté leur rendez-vous pour la deuxième dose et avoir à jongler avec les dix différents vaccins et à constamment maintenir la chaîne de froid pour chacun d'eux. Nous avons réussi à relever ces défis et nous avons pu combattre cet ennemi invisible qu'est le Covid-19.

Comment s'est déroulée la campagne de vaccination chez les adolescents de moins de 18 ans et chez les enfants de cinq à 11 ans ? Nous avons démarré la campagne pour les adolescents de 12 à 17 ans le 28 septembre 2021. Mais en amont, nous avons fait une vaste campagne de sensibilisation nationale auprès des maîtres et maîtresses d'écoles et des enseignants de toutes les écoles secondaires. L'objectif était qu'ils reçoivent les explications et rassurent les parents.

Des équipes mobiles formées ont été déployées dans toutes les écoles. Au 18 juin, 75 529 adolescents de 12 à 17 ans avaient reçu leur première dose de Pfizer et 69 367 leur deuxième dose. La vaccination chez les cinq à 11 ans a commencé le 23 mai. Au 18 juin, 9 062 enfants ont reçu leur première dose de Pfizer pédiatrique. Là encore, comme ce vaccin n'est pas obligatoire, la réaction publique n'est pas celle escomptée. Mais nous poursuivrons notre campagne de sensibilisation, qui j'en suis sûr, incitera les parents à venir de l'avant et à faire vacciner leurs enfants. Pour les adolescents déscolarisés, nous avons dépêché une équipe à l'auditorium Octave Wiehe à Réduit et dans neuf de nos centres de vaccination, nous avons aménagé un coin spécial pour eux.

Dans quelle mesure, les anti-vax ont-ils perturbé la campagne de vaccination?

Lorsque nous avons démarré la campagne, il y avait un fort taux d'hésitation publique envers la vaccination, d'autant plus qu'il n'y avait pas de cas locaux de contamination à l'époque. Nous avons poursuivi notre campagne de sensibilisation et la situation a drastiquement changé quand les premiers cas locaux de contamination ont été enregistrés. Il y a eu les confinements, l'imposition de l'ordre alphabétique pour le maintien de la distanciation sociale et le respect des protocoles sanitaires.

Le Premier ministre et ses ministres ont donné l'exemple en se faisant vacciner. Ils ont été suivis par les personnes âgées, les forces vives, les organisations religieuses, l'EDB et plusieurs organisations du secteur privé et cela a encouragé la population à se faire vacciner. Aujourd'hui, plus de 90 % de la population adulte est vaccinée.

Des Mauriciens, qui étaient pourtant doublement vaccinés, sont tout de même morts après avoir contracté le Covid-19. Comment l'expliquez-vous?

Effectivement et c'est malheureux et triste qu'il y ait eu des décès causés par le Covid-19, y compris chez des personnes vaccinées. Il ne faut cependant pas oublier que plusieurs des personnes décédées souffraient de multiples comorbidités et de complications de santé, qui ont rendu leur guérison très difficile, indépendamment de leur statut vaccinal. Certaines personnes ne savaient pas qu'elles avaient un système immunitaire faible. C'est pour cela que nous encourageons les personnes ayant des comorbidités et qui sont éligibles à la vaccination, d'aller se faire administrer leur deuxième Booster dose.

Bien que le variant Omicron et ses sous-variants induisent moins d'hospitalisations et de décès, la vaccination devrait-elle se poursuivre malgré tout ?

Oui car comme je l'ai dit, une certaine catégorie de personnes - les plus âgés et les adultes souffrant de comorbidités et de complications de santé et les immunodéprimés, sont vulnérables et peuvent mourir si elles contractent le Covid-19. La vaccination et c'est prouvé scientifiquement, augmente l'immunité contre le Covid-19 et améliore les chances de guérison. Et puis, les Frontliners, qui sont les plus exposés au Covid-19, doivent continuer à être vaccinés. Notre devoir est d'y veiller.

Estimez-vous que le vaccin contre le Covid-19 doit intégrer le carnet vaccinal des personnes à risque et devenir annuel ?

C'est une Policy decision et c'est au gouvernement d'en décider. Le ministère s'engage à offrir le maximum de protection à la population et se laissera certainement guider à ce sujet par les meilleures pratiques internationales.

Le jury du Public Service Excellence Award a qualifié la campagne nationale de vaccination contre le Covid-19 de "meilleure pratique pouvant être répliquée dans d'autres pays". Avez-vous été approché par d'autres pays pour mettre une telle campagne en place ?

L'OMS et le Fonds monétaire international ont salué notre pays pour son taux élevé de vaccination et sa bonne gestion de la chaîne de froid pour les vaccins que nous avons administrés et sans gaspillage. Le Centre for Disease Control d'Afrique nous a demandé de partager notre expérience et le Brésil et l'Union africaine nous ont approchés à cet effet. Nous présenterons notre modèle. Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à la réussite de la campagne de vaccination nationale.

En fin de semaine dernière, l'Ouganda a détruit 150 000 vaccins Sinopharm, don du gouvernement mauricien, évoquant des manquements dans l'importation et le stockage et la non-expédition de certificats. Que s'est-il passé au juste ?

Cette question ne relève pas de mon unité mais d'une autre au sein du ministère. Mais selon mes informations, les vaccins dont l'année d'expiration est 2023, ont été expédiés par avion en Ouganda, le 27 février dernier, avec tous les documents nécessaires. De notre côté, la chaîne de froid a été respectée. Je ne peux me prononcer sur ce qui s'est produit une fois leur arrivée en Ouganda.

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