Burkina Faso: Plus de 4300 décès liés au paludisme en 2021 - "Arrêtons de dire que ce n'est qu'un simple palu" (Gauthier Tougri, du PNLP)

C'est l'une des maladies qu'on a tendance à banaliser. Pourtant le paludisme constitue toujours un lourd fardeau pour de nombreux pays africains dont le Burkina. Potentiellement mortelle, cette maladie causée par la piqûre de moustiques femelles, touche particulièrement les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes. Selon le système d'information sanitaire, plus de 12 millions de cas ont été enregistrés en 2021 au Burkina avec 4355 décès. En ce début de saison de haute transmission, le programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), dans le cadre de " l'Initiative zéro palu : Je m'engage ", en collaboration avec Speak Up Africa, a partagé aux journalistes, le mercredi 29 juin 2022, des informations capitales sur la pandémie, en vue d'une meilleure sensibilisation.

Des années et des années de lutte et on ne voit toujours pas le bout du tunnel. Dans cette lutte multi-acteurs contre le paludisme, certains viennent à croire que c'est la volonté d'éliminer la maladie qui manque à nos autorités et à leurs partenaires. Pourtant, diront ces derniers, les lignes bougent tout de même et il ne faut surtout pas baisser la garde.

Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle causée par des parasites transmis aux personnes par des piqûres de moustiques femelles de l'espèce anophèle infecté. Le parasite en cause est le plasmodium. Plusieurs espèces de plasmodium sont à l'origine de la maladie mais le plus répandu et dangereux est le plasmodium falciparum. Il se manifeste par la fièvre, des céphalées et frissons, modérés à sévères. S'il n'est pas traité dans les 24 heures, le palu peut évoluer vers une infection sévère souvent mortelle. Dans certains cas les globules rouges infectés peuvent obstruer les vaisseaux sanguins irriguant le cerveau, c'est le neuropaludisme, également mortel. Cependant on peut prévenir le paludisme. La chimioprophylaxie (médicaments antipaludiques préventifs administrés aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 5 ans, l'utilisation des moustiquaires imprégnées, l'assainissement du cadre de vie, en sont entre autres moyens.

%

Mais pour une maladie séculaire dont les populations sont censées connaître maintenant les mesures simples de prévention, les données font froid dans le dos au Burkina.

Les chiffres

L'Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2020, a estimé à 241 millions le nombre de cas de paludisme dans le monde ayant entraîné 627 000 décès. Ce qui représente près de 14 millions de cas supplémentaires et 69 000 décès de plus par rapport à 2019.L'Afrique supporte la plus lourde charge avec 95 % de l'ensemble des cas de paludisme et 96 % des décès dus à cette maladie. Chaque minute dans le monde un enfant de moins de 5 ans meurt du paludisme.

Au Burkina, selon le système d'information sanitaire, plus de 12 millions de cas ont été enregistrés en 2021 avec 4355 décès. Autrement, dans notre pays, la malaria constitue 37% de motif de consultation, 55% de motif d'hospitalisation et 15% de cas de décès. Les enfants de moins de 5 ans représentent 72% des décès.

Tarification des ressources et résistance des moustiques

Selon plusieurs sources, les progrès ont ralenti ces dernières années, en particulier dans les pays où la charge de morbidité est élevée. Récemment, avec l'avènement du Covid 19, le paludisme et bien d'autres maladies ont été un tant soit peu oubliés. Ce manque d'intérêt au profit du coronavirus a ralenti la lutte. A cela s'ajoute la raréfaction des ressources. En 2019, le financement total n'était que 3 milliards de dollars des États-Unis alors que l'objectif mondial était de 5,6 milliards. Cette insuffisance de financement au niveau international et national est vue comme une menace importante pour les progrès futurs. En effet, les déficits de financement ont entraîné de graves difficultés d'accès à des outils de lutte contre le paludisme dont l'efficacité est prouvée. Il s'agit, par exemple, des Tests de diagnotic rapide (TDR) qui manquent parfois dans nos hôpitaux. Au manque de moyens, s'ajoute la résistance aux antipaludiques, constatée au cours des dix dernières années, et qui est venue menacer les efforts mondiaux de lutte. Les répulsifs de moustiques et même certains médicaments sont devenus quasi inefficaces face à des bestioles plus déterminées à attaquer.

Il y a espoir

Malgré la résistance et la "résilience" de l'anophèle femelle, les progrès réalisés jusque-là et les efforts de lutte qui se multiplient laissent croire qu'il sera bientôt vaincu. La lueur d'espoir partira sans conteste du Burkina Faso où des scientifiques, à l'image du Pr Halidou Tinto, en collaboration avec l'université d'Oxford, ont mis au point un vaccin contre le paludisme dont les essais se sont montrés jusque-là concluants, avec une efficacité prouvée de 77%. En attendant d'achever des tests de plus grande envergure, ce vaccin dénommé RTS1, sera déployé dès les trois prochaines années, foi du Pr Tinto, pour le grand bien des enfants de moins de 5 ans.

Cette lutte n'est pas vaine et des pays ont déjà gagné le pari. Tout comme eux, le Burkina Faso compte éradiquer la maladie à l'horizon 2030 conformément à la prescription de l'OMS. Et c'est ce, à quoi s'attellent les acteurs de lutte, à l'image du Programme national de lutte contre le paludisme (PNPL) et son partenaire, Speak Up Africa. "Avec un engagement plus accru à tous les niveaux, combiné à des stratégies de prise en charge des cas et de prévention de la maladie, la volonté d'éliminer le paludisme peut être une réalité dans nos pays endémiques ", s'est dit convaincue Roukiattou Ouédraogo, la coordonnatrice de l'ONG Speak Up Africa. En effet, selon le rapport mondial de l'OMS 2020, entre 2000 et 2019, l'élimination du paludisme a été officiellement certifiée par l'organisation dans une dizaine de pays dont l'Algérie, le Maroc, l'Argentine, l'Arménie.

Tout aussi optimiste quant à la victoire prochaine contre "le moustique ", le Coordonnateur national du PNPL, Gauthier Tougri, invite surtout les populations au respect des mesures de prévention et les exhorte à considérer le paludisme, vu la gravité de la situation, comme une urgence et se rendre immédiatement en consultation dans un centre de soins dès les premiers signes. "Pour que nous y arrivions, il faut déjà que les gens, en parlant de cette maladie, arrêtent de dire que ce n'est qu'un simple palu ", a t-il exhorté. Les médias ont aussi leur rôle à jouer et de ce fait ont été appelés à s'investir à travers l'information et les actions de plaidoyer.

La gratuité des soins pour les enfants et les femmes enceintes, la distribution de moustiquaires imprégnées à longue durée d'action (MILDA) aux femmes enceintes et aux enfants (routine), le chimioprophylaxie sont, entre autres, les stratégies en cours au Burkina. Dans ce cadre d'ailleurs une vaste campagne de distribution des moustiquaires est prévue démarrer le mois d'août sur le territoire national.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.