Afrique: [CAN 2022] - Interview exclusive avec Dimitri Lipoff - " L'Afrique est le continent qui a le plus grand potentiel pour le football féminin actuellement dans le monde "

La CAN féminine qui se déroule actuellement au Maroc, est bien une belle occasion pour prendre l'avis de certains experts du football féminin dont Dimitri Lipoff. Le technicien Français a accordé un entretien exclusif à Africa Top Sports. L'actuel coach des féminines de Naples est revenu sur sa carrière et nous a donné son œil extérieur sur la CAN féminine, qui se déroule actuellement au Maroc.

ATS- Journaliste : Après être passé par l'OL, et le PSG, vous êtes allé en Russie puis en Chine, avant de prendre le rôle principal et de vous engager cet été avec Naples. Pourquoi avoir pris autant de temps pour prendre la tête d'une section féminine seul ?

Dimitri Lipoff : Mon parcours je l'explique par la force travail et les opportunités. J'ai pu évoluer mon parcours par la prise de risques je dirais. Quand je partais en Russie, j'étais dans l'équipe jeune de l'OL, j'étais un jeune entraineur qui venait de commencer. J'ai eu l'opportunité de partir en Russie quand ma femme est tombée enceinte, j'ai accepté cette offre en Russie. Tout le monde ne l'aurait pas fait. Après la Russie on revient au PSG où je fais quatre ans avant de repartir en Chine. Je pars avec ma famille. La vie est faite de concessions et ce sont des concessions qu'on impose à la famille. J'ai toujours été premier entraîneur adjoint en Chine.

En fait j'étais recruté par les clubs chinois, parce que chaque année je remportais le championnat. Trois différents clubs sont venus me chercher et du coup j'ai eu la chance de remporter le titre 5 fois de suite mais en étant adjoint. En Chine quand tu es adjoint tu fais beaucoup de choses, voire trop.

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A Naples c'est ma première expérience en tant que numéro 1. Ils sont venus me chercher. J'avais plusieurs opportunités dont une équipe nationale européenne et un club de l'Europe de l'Est qui joue régulièrement la Ligue des Champions. Cette opportunité est venue un peu de nulle part, elle a été faite à un ami à moi et il n'a pas pu signer parce qu'il était en contrat. On peut le nommer c'est Christophe Gamel qui a travaillé avec moi au PSG. D'ailleurs grâce à lui j'ai pu signer à Naples, comme il était obligé de refuser l'offre, du fait qu'il soit dans un club de garçons en Malaisie en D1. Même si l'opportunité l'intéressait il a du refuser. Il a proposé mon nom et avec mon CV, on fait des entretiens ça s'est bien passé et j'ai été invité à venir rapidement à Naples et à signer au club.

ATS- Journaliste : Avec votre expérience et le fait aussi d'avoir côtoyé plusieurs joueuses africaines. Qu'avez-vous pensé de ce début de CAN ?

Dimitri Lipoff : Je trouve le début de CAN super intéressant, même si elle est peu regardée. Elle est peu étonnante pour moi parce que les joueuses africaines je ne les connais pas toutes, mais je les connais très bien. J'ai des relations très privilégiée avec mes anciennes joueuses africaines. C'est un plaisir de les regarder de les regarder jouer.

Cependant je suis des équipes comme la Zambie, le Nigeria et le Cameroun. L'Afrique du Sud c'est l'équipe qui me déçoit, mais après elle est capable de tout aussi, mais ce n'est pas mon favori.

ATS-Journaliste : Peu de buts ont été inscrits, est-ce une bonne chose selon vous, des matches avec de plus petits scores dans le foot féminin ?

Dimitri Lipoff: Je pense que le football africain est en train de progresser et de se structurer. On lui donne des moyens pour ça et il est capable de se prouver sur le terrain. L'étau est entrain de se resserrer entre les équipes et il me semble que ça c'est le plus important.

On n'est plus à l'époque où le Nigéria et le Cameroun écrasaient tout le monde. Je trouve que cette évolution est vue d'un bon œil. L'Afrique comme partout dans le monde profite et utilise l'engouement du football féminin du moment et je trouve cela très bien. Il y avait un peu de retard, mais elles ont un potentiel extraordinaire.

ATS- Journaliste : La CAN est passée de 8 à 12 équipes, en Europe la compétition se joue à 16. Pensez-vous qu'il faille également augmenter le nombre d'équipes ?

Dimitri Lipoff : Je ne vois pas pourquoi on ferait différemment de ce qu'on fait en Europe. La CAN doit être mise en avant comme la Coupe d'Europe. C'est une coupe continentale qu'on devrait jouer toute à la même enseigne, mais je trouve que ce n'est pas le cas. S'il y a plus d'équipes on donne la chance à tout le monde.

Aujourd'hui il y a des équipes nationales africaines qui mériteraient d'évoluer en CAN et qui pourraient performer, malheureusement elles n'ont pas l'opportunité et n'ont aucune chance de se qualifier parce qu'elles tombent le plus souvent sur des gros morceaux en éliminatoires. Je pense à une nation comme le Malawi, ils ont des joueuses extraordinaires dans cette équipe dont deux joueuses que j'ai eu dans mon équipe en Chine. Elles font des meilleures attaquantes au monde. Elles tiennent leur équipe nationale à bout de bras, mais si on leur donnait l'opportunité, elles seraient tout aussi bien que la Zambie ou le Cameroun.

L'Afrique est le continent qui a le plus grand potentiel pour le football féminin actuellement dans le monde, aussi bien pour les athlètes que pour les compétitions.

ATS- Journaliste : Qu'avez-vous pensé des polémiques autour de Barbara Banda, la blessure de Oshoala et les cas de covid du Sénégal avant leur match contre le Maroc ?

Dimitri Lipoff : Je ne vois pas pourquoi on polémique sur une équipe qui a le covid car cela peut arriver à tout le monde, c'est arrivé au PSG et à l'OL, deus meilleures équipes au monde pour moi. C'est arrivé à l'Inde lors de leur propre Coupe d'Asie, qu'elle organisait elle même. Ils n'ont pas pu finir la compétition à cause de ça. Cela n'a pas fait de scandale, mais quand ça arrive à l'Afrique ça prend une autre tournure, différente. Cela a tendance à gêner.

Pour Asisat Oshoala c'est une amie à moi, je suis très triste pour elle et pour son pays c'est une joueuse du top mondial. C'est dommage pour tout le monde. En plus d'être une femme extraordinaire, c'est une incroyable joueuse, travailleuse et méritante. On ne peut qu'être déçue de sa blessure.

Barbra Banda, j'ai joué contre elle pendant deux ans et demi en Chine. En effet, c'est incroyable de jouer contre elle. Elle est monstrueusement extraordinaire de technique de vitesse. Elle est au-dessus de tout le monde. On a en fait une polémique. On peut faire une polémique de tout et j'ai l'impression qu'on aime faire des polémiques quand il s'agit de l'Afrique. Barbra Banda si elle jouait en Europe on ne lui dirait rien là-dessus, ou en Asie, il y a aucun soucis, je peux vous garantir. Elle est une joueuse qu'on sollicite pour des contrats importants en Chine. C'est quelqu'un qui gêne, car elle est au-dessus de tout le monde et elle est extraordinaire de football. Je suis déçu, ça aurait été intéressant de la voir à la CAN. Elle aurait amener son équipe au bout. S'il y a un seul scandale c'est de la manière où elle a été exclue de la CAN. Il n'y a aucun règlement qui stipule ce pourquoi on l'a écarté. Maintenant, je ne sais pas s'il y a une excès de zèle ou un sale coup des concurrents, mais là dessus je ne me prononcerai pas. C'est dommage pour le football féminin et l'image de la CAN, dommage pour pleins de choses. Moi j'ai détesté jouer contre elle. Elle est très difficile à contenir, c'est une joueuse qui fait partie du top 10 mondial des attaquantes. Tout cela s'est passé parce que c'est la CAN, la Zambie. Est-ce qu'on aurait fait cela si elle jouait pour la France ou pour l'Espagne ? Je suis sûr qu'ils ne l'auraient pas fait.

ATS- Journaliste : Quelle équipe, quelles joueuses vous ont particulièrement plu ?

Dimitri Lipoff : J'ai plus envie de parler de l'équipe, parce que les joueuses, je pourrais en citer beaucoup trop. Je suis moins pour l'individualité que le collectif. Je préférais parler plus de l'équipe qui me plaise.

Je suis la Zambie depuis presque 3 ans c'est une équipe qui a fait d'énormes progrès, même si aujourd'hui elle est privée de ses meilleurs sujets. Il y a des joueuses qui n'ont pas été appelées sous prétexte du même motif [que Barbra Banda].

La Zambie a fait beaucoup de progrès, même si je constate qu'elles ont beaucoup de lacunes tactiques aussi. Elles n'ont pas été mauvaises pour les Jeux Olympiques à Tokyo. Elle ont réussi à montrer de belles choses je pense que dans quelques années, il faudra compter sur elles.

Il ya aussi le Maroc qui me plaît, qui est entrainé par un Français. Leur évolution est intéressante. On a un Cameroun surprenant qui pour moi est malade depuis un peu plus d'un an et demi. Ils ont eu un début difficile, mais sont en train de se réveiller. Je pense que le Cameroun pourrait faire la différence grâce à son expérience.

Mes deux favoris c'est le Cameroun et la Zambie. Le Nigéria c'est ultra solide, c'est l'expérience, ils ont tout, des vieilles comme des moins vieilles. Le Nigeria n'a pas toutes ses attaquantes à la CAN. Il y a certaines qui sont actuellement en Chine. Ce sont des équipes à potentiel énormissime. Elles ont des joueuses vraiment top.

ATS- Journaliste : Quelle équipe vous a le plus déçu ?

Dimitri Lipoff : Pour cette CAN je suis quand même positif. Je n'ai pas vu d'équipe qui m'a déçu sur cette CAN.

Je vois la Tunisie, qui est toujours là elle est toujours en vie. Je connais des joueuses dans cette équipe tunisienne.

A la limite je dirais que l'équipe qui m'a le plus déçue c'est l'Afrique du Sud qui pour moi était la plus grosse nation du foot féminin africain et je les vois perdre cette hégémonie lentement. Je les vois retomber. Je les sens beaucoup moins. Même s'ils ont battu le Nigéria en phase de poules, ce n'est toujours rien. Je trouvais l'Afrique du Sud tellement au dessus avant, que maintenant. Je les trouve beaucoup plus proche des autres nations actuellement. Pour moi c'était l'équipe de l'Afrique qui sortait du lot, maintenant c'est moins le cas.

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