Madagascar: Base Toliara - Consensus retrouvé entre les parties prenantes

Une reprise sous conditions. Base Toliara a maintenant toutes les chances de retrouver ses activités. Ce grand projet minier d'exploitation d'ilménite est maintenant considéré comme une partie intégrante des solutions qui peuvent résoudre la situation d'extrême pauvreté qui sévit dans la région Atsimo Andrefana en général, et à Toliara en particulier.

Même les farouches opposants au projet ont fini par se rendre à l'évidence et reconnaissent l'utilité du projet. Mais la prudence reste de mise pour toutes les parties prenantes qui retrouvent de plus en plus un consensus.

Ville des cyclo-pousses

Tiaray est dans la peine. Après avoir erré à vide depuis tôt le matin dans les artères de la ville, ce jeune conducteur de cyclo-pousse n'a pas encore trouvé l'ombre d'un client à transporter. Et pourtant le soleil qui monte et la forte chaleur qui s'installe commencent à lui compliquer le travail. Effectuant une pause, il réfléchit sur son avenir et se pose la question de savoir si Toliara mérite encore son nom de Cité du Soleil, synonyme de prospérité. " On devrait plutôt surnommer Toliara : ville des cyclo-pousses ", lance-t-il l'air dubitatif avant de " re-pédaler " sur son petit engin de transport. Diplômé d'une licence qu'il a décrochée il y a quelques années à l'université de Toliara, il fait partie des nombreux jeunes, obligés d'opter pour ce métier de pédaleur de cyclo-pousse, pas très gratifiant pour un jeune qui, compte tenu de son cursus, aurait une place au sein de l'administration ou dans une entreprise privée. Mais non, il est obligé de partir en concurrence avec les nombreux " cyclo-poussistes ". Une tâche qui n'est pas facile, la concurrence y est très rude est trop souvent, il rentre le soir avec le strict minimum, seulement de quoi nourrir sa petite famille. C'est justement en raison du nombre pléthorique de ce moyen de transport typique des villes pauvres que Tiaray a pensé à ce nom de " Toliara ville des cyclo-pousses ".

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Insécurité

D'après les chiffres communiqués par l'association des tireurs de cyclo-pousses, la ville de Toliara compte actuellement pas moins de 15.000 cyclo-pousses. " C'est l'un des signes de la pauvreté qui sévit danscette ville " reconnait Motata, président de l'association des cyclo-pousses. Une pauvreté qui contraste avec les énormes richesses naturelles dont regorge cette partie du pays, mais qui, malheureusement, provoque cette situation d'insécurité qui prend de plus en plus d'ampleur. L'on a par exemple fait face à des cas de trafics d'organes dans le fokontany de Benetsy à Toliara 2. Marcel dit Tsiamby, un propriétaire de terrain de ce fokontany témoigne que " l'insécurité s'aggrave dans plusieurs communes et la pénurie d'eau nous empêche de travailler les champs. Ce qui incite les jeunes à s'adonner à des actes de banditisme ". Lambory Remandra, octogénaire et enseignant retraité dans la commune d'Ankilimalinike abonde dans la même appréhension "Nous faisons face à de sérieux problèmes d'irrigation qui pénalisent nos activités agricoles. La grande majoritédes paysans des communes rurales se retrouvent sans activité et sont incapables de nourrir leur famille ".

Consensus

À l'origine de ces problèmes socioéconomiques graves se trouvent l'inexploitation des richesses naturelles qui regorgent pourtant dans la région. Pour ne citer que les ressources minières qui sont actuellement en crise. " Depuis deux ans, le secteur minier est en panne en raison de la suspension de l'octroi des permis d'exploitation et d'exportation ", explique Richard Raveloson Fils, président du Syndicat professionnel des Mines. À cela s'ajoutent les problèmes que rencontre actuellement le projet d'exploitation d'ilménite, suspendu, il y a deux ans par le gouvernement. Ce projet rappelons-le a divisé l'opinion tuléaroise. Mais une sorte de consensus semble s'installer actuellement et le dialogue est renoué entre les parties prenantes et les antagonistes de Base Toliara. Les sympathisants du projet retrouvent de l'espoir car ils ont toujours considéré que Base Toliara est une des solutions efficaces à leurs problèmes. Mboizay Milatovo dit Rehiky, chef quartier Beravy-Haut dans la commune de Tsianisiha et président des 18 chefs de quartiers explique : " les études réalisées dans les communes ont prouvé que ce projet présente beaucoup d'avantages et nous-mêmes, nous avons posé des conditions avant d'accepter son implantation, comme la construction d'infrastructures sanitaires et scolaires ainsi que des forages pour l'adduction d'eau. Sans compter la construction de nouveaux tombeaux pour déplacer les dépouilles dont les cimetières seront rasés. Nous demandons au président de la République d'autoriser la reprise des activités de Base Toliara car c'est l'une des solutions pour lutter contre la pauvreté à travers la création d'emplois pour nos jeunes ". Même les opposants du projet s'alignent maintenant dans cette optique de la reprise. C'est le cas notamment de l'association Mazoto qui estime que les emplois et les activités issus de Base Toliara s'avèrent utiles. Ils posent cependant des conditions préalables afin que le projet profite effectivement au plus grand nombre. " Nous exigeons de prioriser le recrutement des jeunes des communes d'implantation du projet ", déclare Zafihita, président de l'association Mazoto. Une position partagée par Georges Ratovo, président de Zanadriake, une autre association qui après s'y être opposé, a rejoint le rang des sympathisants de Base Toliara. " Nous voulons de l'emploi pour nos jeunes, et nous souhaitons également que des actions soient prises pour préserver nos ressources ", explique-t-il.

Conditions

Ces organisations regroupant des anciens opposants disent être prêtes à accepter la reprise des activités de Base Toliara. Elles y imposent cependant plusieurs conditions, à commencer par le volet emploi. " Après des concertations au niveau descommunes, nous avons décidé de laisser cette compagnie travailler, mais en imposant toutefois nos conditions. Nous exigeons que nos jeunes qui vivent dans les communes touchées par ce projet soient priorisés dans les embauches que ce soit pour les emplois de cadres mais également pour la main-d'œuvre ", déclare Zafihita, président de l'association Mazoto. La même requête est formulée par le président de l'association Zanadriake, Georges Ratovo. Pour le sénateur de Madagascar Tsiebo Mahaleo, l'enjeu socio-économique de Base Toliara est très important. Le projet n'est pas seulement un créateur d'emploi, mais initiateurs d'actions sociales et d'activités connexes génératrices de revenus. En tout cas, la perspective de la reprise des activités de Base Toliara promet du positif. Tiaray, le jeune diplômé devenu tireur de cyclo-pousse et les nombreux autres qui sont dans son cas peuvent espérer un lendemain meilleur dans cette ville qui retrouvera le mérite d'être la Cité du Soleil.

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