Cameroun: Condamnation en Espagne - Eto'o doit-il rester à la tête de la Fecafoot ?

20 Juillet 2022

Je souhaite apporter ma modeste analyse concernant la condamnation de Monsieur Samuel ETO'O Fils en Espagne. Je vais m'appesantir uniquement sur le plan fiscal. Primo, il faut noter que l'article 14 du code pénal camerounais stipule que : " les sentences pénales prononcées contre quiconque par des juridictions étrangères, ne produisent d'effet sur le territoire de la République que si :

Le fait est qualifié de crime ou délit de droit commun par la loi pénale de la République,

La régularité de la décision, son caractère définitif, et sa conformité à l'ordre public de la République sont constatés par la juridiction saisie d'une poursuite à l'encontre de la même personne, ou par la cour d'appel du lieu de résidence du condamné saisi par le ministère public. "

Etant donné qu'il lui a été reproché du non-paiement de certains impôts donc nous sommes en matière de délit fiscal qui est aussi condamné au Cameroun par l'article L107 du livre des procédures fiscales qui stipule : " Sans préjudice des sanctions fiscales applicables, est passibles d'un emprisonnement d'un (1) un à cinq (5) ans et d'une amende de cinq cent mille (500 000) à cinq millions (500 000) de francs ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque :

se soustrait frauduleusement ou tente de se soustraire frauduleusement à l'établissement, au paiement, au reversement total ou partiel des impôts, droits et taxes visés dans le Code Général des Impôts ; -refuse expressément de faire sa déclaration dans les délais prescrits ; dissimule une part des sommes assujetties l'impôt ; organise son insolvable ou met obstacle au recouvrement de l'impôt ; -obtient par des manoeuvre frauduleuses un remboursement de crédits de TVA. " Cependant, il est important de noter que la fiscalité déroge du droit commun c'est-à-dire qu'en matière de délit fiscal le procureur de la République ne peut s'auto-saisir. Ce qui explique clairement que la fraude fiscale au Cameroun n'est pas qualifiée de délit de droit commun.

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Secundo, il est important de noter que le sacro-saint principe du droit dispose qu'en matière pénale, il n'y pas d'infractions sans texte " NULLUM CRIMEN, NULLA POENA SINE LEGE ", ce qui laisse comprendre il n'y a aucun crime, aucune peine, sans loi. En espèce, la loi N° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant nouveau code pénal au Cameroun ne nomme le crime ou délit, la fraude fiscale donc fait l'objet de condamnation le footballeur Camerounais Monsieur Samuel ETO'O Fils ou constitue le motif de la condamnation du footballeur, pour des faits couvrant la période 2006 à 2009.

S'il par alchimie, ce texte reconnait l'infraction nommée fraude fiscale, il sera difficile de la reconnaitre comme un délit de droit commun d'ailleurs, l'exécution de la sentence étrangère reste soumise à l'article 16 alinéa 2 qui veut que le juge camerounais saisi, prenne une ordonnance d'exécution de ladite peine et prononce le cas échéant les mesures de sureté que la loi camerounaise attache auxdites infractions.

Par conséquent, aux termes de la disposition précitée, la condamnation de Monsieur Samuel ETO'O Fils en Espagne ne peut produire d'effet au Cameroun que si le délit fiscal est qualifié de délit de droit commun. Or jusqu'à présent au Cameroun, le délit fiscal n'est pas reconnu comme un délit de droit commun étant donné que la fiscalité déroge du droit commun. Tertio, pour qu'une décision étrangère produise des effets au Cameroun, le juge camerounais doit d'abord constater la régularité de cette dernière.

A cet effet, il faut que le juge camerounais saisi constate d'abord le fait que la procédure qui a abouti à la sentence étrangère est régulière. Il ne s'agit pas d'une exécution immédiate ou automatique en territoire camerounais, car celle-ci est soumisse à une procédure préalable de constatation. Or dans ce cas d'espèce, le délit fiscal ne peut pas être qualifié de délit de droit commun et le procureur de la République au Cameroun ne peut pas s'auto-saisir en matière de pression pénale de la fraude fiscale.

Il revient au ministre en charge des Finances de porter plainte contre un délit fiscal après avoir reçu l'avis de la commission des infractions fiscales d'après l'article L112 du Livre des procédures fiscales qui stipule que : " Sous peine d'irrecevabilité , les plaintes visant l'application des sanctions prévues à l'article L107 ci-dessus , sont déposées par le ministre en charge des Finances , après avis de la commission des infractions fiscales, suite aux procès-verbaux établis par les agents assermentés de l'administrations fiscale , ayant au moins le grade d'inspecteur et ayant pris une part personnelle et directe à la constations des faits constitutifs de l'infraction .

La commission des infractions fiscales est un organe consultatif placé auprès du ministre chargé des finances. " Ce qui n'est pas le cas en Espagne, dans ce sens on ne peut pas invoquer la régularité de la procédure au Cameroun. En somme, la condamnation infligée à Monsieur Samuel ETO'O Fils en Espagne ne peut pas être reconnue au Cameroun au regard de l'article 14 du Code Pénal camerounais et par conséquent le bulletin N°3 de Monsieur Samuel ETO'O FILS reste vierge en ce qui concerne cette condamnation ce qui lui permet de jouir de tous ces droits civiques.

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