Madagascar: Monseigneur Odon Marie Razanakolona - " Nos ressources devraient être exploitées d'une manière rationnelle "

L'archevêque d'Antananarivo sort de son mutisme. Dans le cadre d'un colloque organisé par l'université catholique, le religieux soutient que la pauvreté n'est pas une fatalité.

Le temps de l'ouverture d'un colloque scientifique qui accueillera à l'université catholique d'Ambatoloaka, des chercheurs, dont certains sont issus de sa jeune école doctorale et d'autres venus d'ailleurs, l'archevêque d'Antananarivo, Odon Marie Razanakolona, n'a pas manqué de livrer son point de vue relatif à la situation du développement au niveau africain, sans pour autant occulter le cas malgache. Car le thème de cette rencontre de haut niveau portera sur " les grands enjeux du développement dans l'agenda 2030 pour l'Afrique et Madagascar ". D'emblée, le religieux est convaincu sur les potentialités du pays et du continent en termes de ressources. " L'Afrique constitue le pôle de croissance du monde de ces prochaines décennies. Elle a de l'ambition ", soutient-il. Pourtant, il déplore la situation de pauvreté qui règne le long de ses 30 millions de km² de superficie.

Intérêts particuliers. Le développement de l'Afrique et de Madagascar devrait alors se reposer sur l' " exploitation rationnelle de ses ressources dans l'intérêt général et non suivant les intérêts particuliers que l'on observe hier comme aujourd'hui ", estime Odon Marie Razanakolona. Dans le domaine de l'agriculture, " l'Afrique peut s'imposer parmi les principaux exportateurs agricoles ", soutient l'archevêque d'Antananarivo. Car à elle seule, poursuit-il, l'Afrique représente plus de 60% des terres arables non cultivées au niveau mondial et que Madagascar possède 98% des terres cultivables des pays du Sud-Ouest de l'Océan Indien. Concernant le secteur extractif, selon toujours Odon Marie Razanakolona, les pays miniers africains peuvent contrôler et même imposer les cours des minerais. En matière de ressources en eau, ce dernier indique que " Madagascar utilise seulement 2 % de ses potentiels en eau par rapport à une moyenne mondiale de 5 % " et regrette que " 62 ans après l'Indépendance de Madagascar, on n'est pas capable de créer de grandes retenues d'eau ".

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Processus industriel. L'archevêque d'Antananarivo a également pipé mot du problème actuel de l'énergie. Madagascar et le continent africain devraient redoubler d'efforts car " l'électrification est un enjeu de développement et de contribution citoyenne à la fiscalité ", martèle le prélat catholique. " Madagascar n'a même pas 800 MégaWatts de puissance installée sur un potentiel de 8.000 MégaWatts ", poursuit-il. Toutefois, Odon Razanakolona a mis le bémol sur la course à l'énergie renouvelable. " Pour un pays producteur de minéraux comme Madagascar, l'énergie renouvelable est à relativiser car elle peut être une catastrophe environnementale pour les pays producteurs de minerais ", soutient-il. " Les pays africains, dont Madagascar, se doivent de favoriser la transformation industrielle des composants nécessaires aux énergies renouvelables comme le solaire, l'éolienne et autre source énergétiques sur son sol ", avance-t-il. " Il faut maîtriser le processus industriel impliquant la chaîne de valeur et la chaîne d'approvisionnementd'où la nécessité d'avoir à la base une stratégie souveraine en matière d'énergiepour assurer la sécurité et la souveraineté ", martèle alors l'archevêque d'Antananarivo.

Détermination et force. L'Église veut un " développement humain intégral et inclusif ", a soutenu, quant à lui, Francesco Diano, secrétaire du nonce apostolique à Madagascar, durant son discours lors de l'ouverture du colloque à Ambatoroka. " Ne laisser personne de côté dans le processus de développement ", exhorte-t-il. Le constat amer de l'aspect du développement lié à la disparité et les inégalités, est partagé par ce prêtre diplomate. Et afin de promouvoir cette dimension du développement souhaité par le Vatican, " en Afrique comme à Madagascar, il faut intervenir avec détermination et force ", martèle Francesco Diano. La demi-mesure n'est pas une solution, laisse-t-il entendre. Et la " pauvreté n'est pas une fatalité " soutient Odon Razanakolona. " Dans le cadre des relations internationales en pleine mutation, la pauvreté de l'Afrique en général et de Madagascar en particulier, pourrait se muer en avantage si les africains sont capables de passer actuellement du partenariat classique basé sur l'assistanat à un partenariat fondé sur l'innovation et la créativité en s'appuyant sur notre intelligence et notre ressort identitaire comme le fokonolona dans le cas malgache ", a-t-il lancé.

Services publics efficaces. Cependant, les intervenants hier à l'ouverture du colloque à Ambatoroka partagent le constat selon lequel les maux qui rongent certains pays d'Afrique, comme Madagascar, persistent. Notamment, " la mauvaise gouvernance, la corruption, la faiblesse des institutions judiciaires qui minent la confiance des investisseurs ", selon le secrétaire du nonce apostolique, et " le secteur de l'agriculture, quoique porteur d'espoir en Afrique comme à Madagascar, est menacé par l'insuffisance de la sécurité juridique sur le foncier ", constate-t-il. Francesco Diano estime, à cet effet, que " le gouvernement doit recréer des institutions transparentes qui fournissent des services efficaces ", à la population pour lutter efficacement contre la pauvreté.

Fragilité de l'Etat. La rencontre scientifique initiée par cette université catholique promet, en effet, sur la richesse des idées qui vont y être échangées sous l'impulsion de son centre de recherche pour le développement. Des universitaires malgaches et français, comme Jean-Gabriel Randrianarison, Amée Andriamisa-Ramihone, Jeannot Ramiaramanana, ou les prêtres Luc-Thomas Somme, Thomas de Gabory, Laurent Sermet, vont intervenir sur différents sujets relatifs, entre autres, à la résilience face aux différents chocs, notamment sur la fragilité de l'Etat et la vulnérabilité des ménages et entreprises, la géopolitique : aux enjeux dans les relations internationales et dans le monde multipolaire.

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