Maroc: Constat, débat, idées et solutions

La conférence de l'IGY sur la situation hydrique au Maroc riche en enseignements

Driss Lachguar : Nous appelons à adopter une approche proactive, à consolider les investissements publics dans le secteur de l'eau et à activer l'innovation dans le domaine de la mobilisation et de la gestion de l'eau

"Il faut inaugurer une nouvelle approche dans le traitement de la question de gestion des ressources nationales en eau qui soit audacieuse et fondée sur une trilogie que nous considérons comme essentielle et décisive en tant que usfpéistes : Nous appelons à adopter une approche proactive, à consolider les investissements publics dans le secteur de l'eau et à activer l'innovation dans le domaine de la mobilisation et de la gestion de l'eau". Telle est la recette inspirée proposée par Driss Lachguar, Premier secrétaire de l'Union socialiste des forces populaires, pour faire face au stress hydrique qui menace le pays.

Les temps sont durs

Dans son discours inaugural des travaux de la 1ère Conférence de l'Ittihadya green youth (IGY) sur l'eau sous le thème : " La situation hydrique au Maroc : Quels défis et quelles perspectives sous l'impact des changements climatiques ? ", lu par Abdellah Saibari, membre du Bureau politique de l'USFP et secrétaire général de la Chabiba ittihadia, Driss Lachguar a indiqué qu'il est nécessaire aujourd'hui d'interagir de manière responsable avec les enjeux stratégiques posés par la problématique de l'eau en tant que substance vitale qui aura, dans les décennies à venir, son poids décisif dans la gestion des équilibres régionaux, la réalisation du développement social et le maintien de la stabilité.

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Selon lui, la gestion du secteur de l'eau enregistre d'importants déséquilibres, déjà mentionnés par des rapports de la Cour des comptes, s'interrogeant, à ce propos, sur les raisons de l'échec du gouvernement et des institutions concernées, à ce jour, à prendre les mesures pratiques adéquates pour activer la Stratégie nationale de l'eau qui a été présentée devant Sa Majesté le Roi en 2019 à Fès. Pour Driss Lachguar, le gouvernement est tenu de rattraper tout ce temps perdu en vue d'activer de toute urgence cette stratégie, et de corriger les déséquilibres enregistrés, " car toute perte de temps sera à nouveau coûteuse économiquement et socialement ", a-t-il développé.

Dans ce sens, il a expliqué que la détérioration des ressources en eau, compte tenu de la consommation excessive, de la récurrence des saisons sèches, des fluctuations climatiques et de l'absence de solutions innovantes à même de diversifier les ressources, ne se traduira pas uniquement par la rareté de l'eau elle-même, mais affectera également négativement les efforts de développement, la cohésion sociale et la sécurité.

Le Premier secrétaire considère la sécurité de l'eau comme un pilier essentiel de la sécurité sociétale puisque l'ensemble des rapports sur la sécurité mondiale indiquent qu'à partir de 2030, la stabilité de certaines régions sera menacée en raison de la pénurie d'eau et de l'émergence de conflits régionaux autour de cette précieuse matière.

Mieux, il estime que la mise en place effective de la justice sociale et spatiale ne se fera qu'avec une véritable justice hydrique garantissant une répartition équitable de la richesse en eau, qu'elle soit à usage domestique ou agricole. A cet égard, il affirme qu'il convient de veiller à intégrer la question de la justice hydrique dans tous les plans d'urgence, ainsi que dans le "système national intégré des réserves stratégiques" voulu par Sa Majesté le Roi.

Défis et enjeux

De son côté, Driss Ouazar, professeur en génie civil numérique et ressources en eau, estime que les temps sont graves et que le problème de la pénurie des ressources hydriques et sa résolution sont la responsabilité de tous.

Evoquant le bilan hydrique du Royaume, il a expliqué que notre pays accueille chaque année 140 MMm3 de pluies dont 118 MMm3 se perdent à cause de l'évaporation, soit 85%. Les ressources en eau dans leur globalité ne représentent que 22 MMm3 (16%). Sur ces 22 MMm3, seulement 18 MMm3 (81%) sont mobilisables contre 4MMm3 non mobilisables. A noter qu'entre 1.5 (12%) et 2 MMm3 (13%) des ressources en eaux mobilisables sont utilisés dans l'approvisionnement en eau et qu'entre 11 (74%) et 13 MMm3 (90%) sont dédiés à l'agriculture.

Pour l'intervenant, la question de l'eau pose plusieurs défis conceptuels en relation avec la valeur de l'eau (faut-il la considérer comme une marchandise ou plutôt comme un bien commun universel); son usage (faut-il libéraliser son utilisation ou la privatiser), sa nature (faut-il se contenter de l'usage des eaux conventionnelles ou non conventionnelles) et sa gestion (comment mettre en place des transferts d'eau et comment réaliser de grands projets).

Des questions que partage Moulay Driss Hasnaoui, secrétaire général de la Coalition marocaine pour l'eau (COALMA), qui rappelle des défis qu'il classe en deux catégories. D'abord, ceux qui sont réglables par le financement et/ou par le savoir-faire, tels que le développement technologique et socio-économique, la dégradation de la qualité de l'eau, les capacités de stockage, les facteurs anthropiques et la reconnaissance et la mobilisation des eaux profondes. Ensuite, ceux qui sont difficiles à régler comme, entre autres, le changement climatique, la croissance démographique, l'érosion et l'envasement.

Concernant les réalisations du Maroc en matière de traitement des eaux de surface, Driss Hasnaoui a indiqué que notre pays a construit 149 barrages avec une capacité de 19 MMm3 tout en précisant qu'il compte construire 50 grands barrages et 900 petits barrages et lacs d'une capacité de 32 MMm3. S'agissant de l'accès à l'eau potable, l'intervenant a observé un accès estimé à 100% en milieu urbain et 98% en milieu rural.

Toutefois, et eu égard à ces temps de stress hydrique, Pr Driss Hasnaoui pense que nous avons besoin de changer nos méthodes de consommation et d'usage de l'eau en nous attendant à une limitation des usages à l'origine (pas de transport fluvial, pas d'hydroélectricité, pas d'irrigation, pas de loisirs, pas de débit sanitaire, etc) ; à des restrictions temporaires d'usages spécifiques (hydroélectricité, irrigation, loisirs, etc) ; à des perturbations dans l'alimentation en eau potable, au recours à la satisfaction de l'alimentation en eau potable avec des déficits et à la modification de la forme d'approvisionnement en eau (du raccordement à la borne-fontaine, de la borne-fontaine à la citerne, rationnement d'utilisation, etc).

Le bout du tunnel

Que faut-il faire face à cette situation de vulnérabilité de nos ressources en eau ? Pr. Driss Ouazar soutient l'optimisation des eaux conventionnelles, l'utilisation et le recours immédiat aux sources d'eau non conventionnelles (eau de mer, eaux souterraines saumâtres et eaux usées provenant de la production municipale, industrielle et énergétique, collecte des eaux pluviales). Il soutient également le rôle de la recherche et du développement en créant un observatoire des données et un think tank associant toutes les parties prenantes et impliquant les chercheurs en utilisant les technologies avancées de l'eau (dessalement, déminéralisation, traitement et recyclage pour la réutilisation de l'eau).

La société marocaine doit également, selon lui, être préparée aux enjeux du changement climatique via l'éducation, l'information, la vulgarisation des savoirs et la sensibilisation.

A rappeler que cette première Conférence de l'Ittihadya green youth (IGY) sur l'eau a été également marquée par l'intervention de Mme Rajae Chafil, qui a évoqué la place des ressources naturelles et de la lutte contre les changements climatiques dans le Nouveau modèle de développement du Maroc. De son côté, Abderrahmane Mahboub a discuté de la question des seuils de recharges des nappes comme solution d'adaptation au changement climatique en prenant le cas des Bassins du Guir-Ziz-Rhériss-, comme exemple de bonnes pratiques pour améliorer la résilience des espaces oasiens et protéger les ressources en eau souterraines contre la surexploitation.

Pour sa part, Oumaima Khalil Elfanne, a évoqué la question de l'eau au Maroc selon l'approche "Nexus", dans le contexte du changement climatique. Ismail Karaoui, a, quant à lui, relevé la question de l'hydrologie spatiale comme outil innovant pour la gestion de l'eau et la prévention contre l'impact des changements climatiques en démontrant combien la bonne maîtrise de la technique et le savoir sont nécessaires pour l'adaptation.

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