Maroc: Veiller à l'amélioration des conditions de l'enseignant - Permettre à la profession d'être au diapason de la noblesse qu'elle véhicule

Khadouj Slassi: Il est inconcevable que la promotion dans le domaine de l'éducation soit basée sur l'ancienneté et non sur l'efficacité et la rentabilité.

La situation des enseignants marocains a été au coeur des discussions, lundi à la Chambre des représentants, lors de la séance hebdomadaire des questions orales. Le Groupe socialiste à la première Chambre a notamment interpellé le ministre de l'Education nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa, en l'invitant à clarifier les mesures prises par son département pour promouvoir la profession et améliorer les conditions des enseignants.

La députée ittihadie Khadouj Slassi a, dans ce sens,souligné l'importance de laisser davantage de place à la liberté et à la créativité des enseignants au lieu de les soumettre à des exigences contraignantes.

En effet, dans le monde entier, l'enseignement créatif est en passe de devenir incontournable pour concevoir des expériences d'apprentissage valorisantes. Entre jeux, applications, chansons et activités pratiques, les professionnels de l'éducation développent des méthodes innovantes pour enseigner et faire participer leurs élèves de façon créative. "L'enseignement créatif est valorisant pour les enseignants comme pour les élèves. Il consiste à réfléchir aux aspects nécessaires de l'apprentissage, à savoir le contenu obligatoire et les compétences dont ont besoin les enfants, et à développer une méthode totalement différente pour les aborder", explique Ayoub Rhanimi, un jeune enseignant casablancais. "Les chercheurs s'accordent tous à dire que la créativité est quelque chose de commun à tous les individus, elle est inhérente au fait même de vivre. La pulsion créative est ainsi présente en chacun de nous : bébé, enfant, adolescent, adulte ou personne âgée", ajoute-t-il, tout en estimant qu'il est "désormais temps de libérer les enseignants des différentes contraintes et de leur permettre de travailler de manière créative et innovante afin de garantir aux élèves une scolarité brillante et un apprentissage pédagogique cohérent et efficace".

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Notre interlocuteur estime dans ce sens qu'en étant créatifs, "les enseignants et les élèves sont encouragés à trouver de nouvelles façons de s'exprimer, d'explorer et de prendre des risques". "Si nous nous montrons audacieux, les enfants suivront notre exemple et récolteront les fruits de cette expérience bien au-delà des murs de l'établissement", insiste-t-il.

Pour Khadouj Slassi, "l'apprentissage moderne, avant d'être une accumulation de connaissances, doit être un facteur de progrès global de la personne". "C'est en tout cas ce qui nous permettra d'avoir les élèves et les enseignants que nous voulons dans notre pays", a-t-elle lancé en s'adressant à Chakib Benmoussa.

Dans son dernier rapport, le Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) considère, lui aussi, que la qualité d'un système éducatif dépend de la qualité de ses enseignants. "Par ricochet, la qualité des enseignants ne peut pas dépasser la qualité des politiques publiques qui façonnent l'environnement de leur travail à l'école et qui guident leur sélection, recrutement et développement", lit-on dans ledit rapport.

A ce propos, la députée ittihadie a estimé qu'il est inconcevable que "la promotion dans le domaine de l'éducation soit basée sur l'ancienneté et non sur l'efficacité et la rentabilité". Elle a notamment appelé à la création d'un système d'évaluation et de promotion qui incite les enseignants à la performance. Comme le souligne le rapport du CSEFRS, les systèmes éducatifs performants se distinguent par leur capacité à relier la performance des enseignants à leur évolution de carrière (les meilleurs enseignants sont promus et récompensés).

Au-delà des caractéristiques intrinsèques de l'enseignant, son rendement est aussi influencé par les conditions d'exercice de son métier, sur les plans matériel (taille des classes, personnel scolaire, disponibilité du matériel scolaire) et pédagogique (qualité des programmes et des manuels scolaires, existence d'un dispositif structuré de remédiation et de prise en charge des troubles d'apprentissage...).

Pour Ayoub Rhanimi, même si les enseignants aiment leur métier, ils subissent de plus en plus de pressions de la part de la société qui exige davantage de résultats. "En effet, non seulement on fournit un travail complexe, mais on est mal payés et souvent déconsidérés", fait savoir ce jeune enseignant, avant de rappeler que "le ministère de tutelle ne perçoit pas toutes les difficultés de ce métier, car il est complètement coupé des réalités et éloigné du terrain". "Souvenez-vous que les enseignants travaillent dans des conditions dégradées, et qu'ils passent plus de 40 heures par semaine en moyenne à travailler, toutes tâches confondues. C'est un métier dur, par exemple deux heures de cours requièrent au moins quatre heures de préparation sans parler du temps consacré aux évaluations et aux remédiations", poursuit notre interlocuteur. Et de citer un autre problème, non moins contraignant, celui du manque de motivation des élèves. "Ceci est dû au système d'éducation avide de créativité", estime le jeune enseignant. "Les élèves deviennent de plus en plus difficiles à intéresser. Par conséquent, les enseignants déploient plus d'efforts pour les motiver.

En effet, les élèves d'aujourd'hui ont un rapport critique aux savoirs et aux apprentissages. Ils sont moins prêts à s'engager dans des savoirs scolaires. Ils ont des difficultés à se mobiliser en classe et à faire leurs devoirs à la maison.Ils ont aussi un sentiment d'ennui et ne trouvent pas de plaisir et d'intérêt dans les cours. Bref, ils ne voient plus vraiment l'utilité d'apprendre", ajoute Ayoub Rhanimi, avant de conclure : "Il est aujourd'hui facile d'avoir le salaire d'un enseignant... mais ce n'est pas facile d'exercer ce métier".

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