Congo-Kinshasa: USN/UDPS - Et si JM Kabund avait raté l'occasion de se taire ?

"Seul le silence est grand, tout le reste n'est que faiblesse". Jean-Marc Kabund va-t-il expérimenter cette citation de Paul Valery ? A l'occasion de la sortie officielle de son parti "Alliance pour le changement", lundi 18 juillet 2022 (une date à retenir), l'ancien 1er vice-président de l'Ensemble nationale adresse un réquisitoire féroce contre ses ex-camarades de l'UDPS, le parti qu'il a pourtant dirigé depuis le mois de février 2019. Il n'a pas non plus épargné le président Félix Tshisekedi invitant, au passage, la population "à chasser" ce dernier lors de l'élection présidentielle de 2023. Kabund est apparu tout à tour accusateur et persifleur.

Usant d'une rhétorique propre à la manipulation ainsi qu'à la subdivision, l'orateur n'a pas craint que ses propos soient interprétés comme une incitation de la population à la révolte autant qu'une volonté d'exposer au mépris public l'actuel animateur de la première institution de l'Etat. Ambiance !

Mardi 19 juillet, l'opinion publique congolaise avait la guerre de bois. Elle semblait coupée en deux. D'un côté, ceux qui estiment que Jean-Marc Kabund a dit des " vérités " à en juger par ces quelques titres des médias kinois : "Jean-Marc Kabund a éventré le boa !" ; Kabund apanzi Nteke" traduction littérale : " Kabund a troublé la fête " ; " Kabund a craché des vérités " etc. De l'autre côté, il y a ceux qui se désolent de n'avoir perçu aucun trait d'un " homme d'Etat ". Il est vrai qu'un homme d'Etat se laisse rarement emporter par ses émotions. Il est maitre de ses nerfs. Après avoir assumé de hautes responsabilités, l'homme d'Etat s'impose un devoir de loyauté. Un devoir de réserve.

%

Accusateur

Lundi 18 juillet, Kabund - qui se voit désormais dans la peau d'un " opposant " résolu au régime de Félix Tshisekedi - a joué à fond la carte de la " transgression ". Il a divulgué avec une légèreté déconcertante des "faits" dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. C'est-à-dire dans le cadre d'un "colloque singulier ", comme disent les Belges.

D'après lui, le chef de l'Etat préparerait un " glissement " du quinquennat en cours par la mise en place d'un gouvernement d'union nationale "afin d'affaiblir l'opposition". Plusieurs "partis mallettes" seraient en cours de création au sein du "Clan Tshisekedi". L'objectif, selon lui, serait d'octroyer au Président-candidat 300 sièges de députés dans la future représentation nationale. " Il y a avait des divergences entre Fatshi et moi ", a-t-il résumé.

L'orateur a accusé le ministre de l'intérieur, l'UDPS Daniel Aselo Okito, de faire obstruction à l'agrément de son parti. La demande aurait été déposée, selon lui, le 4 juin dernier au cabinet de ce membre du gouvernement. Un récépissé de conformité lui aurait été délivré le 15 juin. Kabund menace de passer outre après l'écoulement d'un certain délai légal. Pour lui, "l'Alliance pour le changement va commencer ses activités ".

A en croire l'ancien bras droit Kabund, " Fatshi " aurait mis en place un " système d'enrichissement illicite ". Et que certains gouverneurs de province seraient devenus des " garçons et filles de course " au service de la présidence de la République. Une allusion claire à la gouverneure ad intérim de la province du Lualaba. Fifi Masuka a été reçue récemment à la cité de l'Union africaine.

Persifleur

Kabund estime que les gouvernants en place brillent par une "incompétence notoire". Et ce, faute non seulement d'une " vision claire " mais aussi d'un " leadership ". Ce grief est balayé par ses contempteurs : " La majorité des membres du gouvernement actuel a été adoubée pour lui ". " Il en est même des mandataires publics et de certains membres du cabinet présidentiel ".

A en croire "Jean Marc", "Chaque week-end" Félix Tshisekedi "se la coule douce".

Subversif

"Félix Tshisekedi doit être considéré aujourd'hui comme un danger au sommet de l'Etat", a-t-il clamé sans broncher. Et d'ajouter qu'il lance "un appel au peuple congolais de se mobiliser pour barrer la route à ce régime d'irresponsables jouisseurs " (... ) D'après Kabund, depuis l'arrivée de Fatshi à la tête de l'Etat, les membres des forces de sécurité n'auraient jamais reçu de nouvelles tenues. Encore moins des armes et munitions. "Je suis plus que convaincu que la page Félix Tshisekedi est tournée ", devait-il marteler.

Que conclure ? " Jean-Marc Kabund paie la rançon de ses bêtises", a commenté un député UDPS Paul Tshilumbu. C'était au cours d'une intervention, mardi 19 juillet, à "Bosolo Télévision ". Selon des sources concordantes, " le pouvoir avait rendu Kabund un peu fou ". L'homme était devenu, semble-t-il, insolent et arrogant. " Il lui arrivait d'humilier les éléments de garde républicaine chargés d'assurer la sécurité à la Cité de l'UA ", explique en connaisseur du dossier. "Kabund avait perdu le Nord au point de se croire habilité à régulier la circulation sur certaines artères de la capitale en faisant crever les pneus de contrevenants".

Selon des experts, certains passages de discours de l'ancien président de l'Assemblée nationale " ont été rédigés par des experts en manipulation et subversion ". L'histoire ne dit pas s'il s'agit d'experts nationaux ou étrangers. Pour nos interlocuteurs, " la volonté d'exposer le chef de l'Etat au mépris public et de discréditer l'autorité est patente ". Il en serait de même de " la volonté de démoraliser la nation ".

D'après eux, une " suite pénale " n'est pas à exclure pour faire estomper l'impunité ambiante. " Il revient au procureur général près la cour de cassation d'apprécier l'opportunité d'ouvrir une information judiciaire en ce moment où la nation a besoin de son unité pour soutenir les FARDC qui affrontent la coalition RDF/M23 ", conclut un éminent juriste joint au téléphone à Kinshasa.

Il reste que toute inaction de la part du "pouvoir fatshiste " serait perçue comme un manque de poigne, voire une démonstration de mollesse. Pire, un exemple à suivre pour d'autres adeptes de la transgression. Et si Jean-Marc Kabund-a-Kabund avait raté l'occasion de se taire ? L'avenir le dira.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.