Cote d'Ivoire: Achiaou Jacques III (Directeur de la sensibilisation et de l'éducation) - " La lutte par l'éducation est le moyen le plus structuré et le plus durable de lutter contre la corruption "

Dans le cadre de sa mission d'éducation et de sensibilisation sur la corruption, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance a lancé, le jeudi 21 juillet, une série de dessins animés. Invité du Magazine du Dimanche, le 24 juillet dernier, le directeur de la sensibilisation et de l'éducation à la Haute autorité pour la bonne gouvernance, Achiaou Jacques III, donne les raisons d'une telle campagne et revient sur les missions de la HABG.

C'est quoi la bonne gouvernance ?

La bonne gouvernance est un ensemble de principes qui permet à un Etat de gouverner dans la gestion des ressources, d'avoir ou de mettre des éléments tels que la transparence, la responsabilité, l'intégrité pour que les ressources, qui sont mises à sa disposition, puissent servir au bien-être des populations.

La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance est-elle la structure qui régule tout cela ?

En termes d'objectifs pour la Haute Autorité, la mission est de prévenir et de lutter contre la corruption.

C'est quoi la corruption ?

La corruption, c'est l'abus d'un droit ou d'un pouvoir qu'on vous a mis à disposition dans un intérêt personnel au détriment de l'intérêt général. C'est toute offre, don, demande, agrément que vous ferez pour avoir un avantage pour faire ou ne pas faire quelque chose qu'on vous a confié comme mission.

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On a plusieurs structures chargées de la bonne gouvernance, dont le ministère chargé de la bonne gouvernance, l'inspection générale de l'Etat, la HABG. Pour quels résultats ?

Il faut faire un maillage. La corruption est un fléau, c'est un comportement. Pour l'endiguer, il faut toucher tous les acteurs. Dans la question de la bonne gouvernance, il y a des activités qu'il faut conduire. La corruption n'est qu'un élément de cette bonne gouvernance. Chaque structure a sa mission. L'inspecteur d'Etat a pour mission d'exercer son contrôle dans l'administration publique, les services publics. Il y a la CENTIF qui s'occupe des questions de blanchiment. La Haute Autorité s'occupe des questions liées à la corruption, le ministère de la Bonne gouvernance a pour mission principale de veiller à la promotion de la bonne gouvernance. C'est tout cela qui permet de faire un maillage et d'éviter que la corruption, et surtout les éléments de mal gouvernance, s'installent durablement dans notre pays. Parce que la mal gouvernance et la corruption sont de nature à freiner le développement.

Avec toutes ces structures, la corruption a donc baissé ?

On peut le dire parce que nous étions en 2010 au bas de l'échelle. Aujourd'hui nous n'avons pas encore passé la ligne médianemais nous avons gagné. La Côte d'Ivoire est classée 105ème sur 178 à peu près. La lutte contre la corruption est une lutte de très longue haleine. Elle ne se règle pas en deux jours.

Combien de temps vous vous accordez pour y arriver ?

C'est une œuvre de très longue haleine. Il faut mettre des jalons et poser un certain nombre d'actes. Il y a 10 ans la corruption était quelque chose de banale. Aujourd'hui les pouvoirs publics, la société civile, le secteur privé tout le monde est en train de se coaliser contre la corruption.

A combien estime-t-on les pertes ?

Aujourd'hui, les chiffres qui sont avancés par le ministère de la Bonne gouvernance ainsi que certains centres d'études comme la CAPEC parlent d'environ 1400 milliardsde FCFA en 2019. Quand vous regardez au niveau africain, on est autour de 138 milliards de dollars. Cela fait environ entre 3 et 5 fois l'aide publique au développement. Cela voudrait dire que si nous réussissons à canaliser la corruption, nous sommes capables de réaliser un bond qualitatif énorme. L'objectif est de pouvoir canaliser ces actes.

Vous ne fonctionnez pas comme une juridiction ?

La Haute Autorité est une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale qui dispose d'une certaine autonomie financière, mais elle demeure une autorité administrative. Elle n'est pas une juridiction. Le rôle de la Haute Autorité, c'est de prévenir, détecter les actes de corruption par le début de la répression donc initier des poursuites auprès du système judiciaire qui se charge de la répression. Aujourd'hui, nous avons un pôle pénal économique et financier qui est chargé de cette question. Il faut retenir que la mission de la Haute Autorité est de prévenir et de lutter contre la corruption, c'est-à-dire investiguer pour dire tel acte est susceptible de constituer un acte de corruption.

En termes de déclaration de patrimoine, qu'est-ce que nos autorités doivent déclarer ?

Les biens meubles et immeubles, tout ce qu'ils ont comme intérêt. Ils sont tenus de le faire au début et à la fin de leur mandat. La loi a décidé pour l'instant de les rendre confidentiels.

Qu'est-ce que la déclaration de patrimoine arrive à régler effectivement ?

La déclaration de patrimoine est un acte de prévention. L'objectif est de faire peser sur tous les agents publics, à terme, de déclarer leur patrimoine. Aujourd'hui, il y a un groupe d'assujettis tenu de déclarer son patrimoine. L'objectif est de créer une transparence. Vous avez décidé désormais de gérer les affaires publiques, il est important qu'on sache ce que vous avez avant de gérer pour ne pas que vous fassiez la confusion entre vos biens personnels et les biens de la communauté. Mais nous sommes au début d'un processus. Le résultat que l'ensemble de la population attend, c'est qu'on ait des personnes intègres. La déclaration de patrimoine va permettre aux personnes de faire attention. Les prête-noms sont des questions qui sont en train d'être abordées. Nous sommes en train de préparer des réformes, de concert avec les acteurs de la société, notamment, au niveau de l'ITIE pour que nous ayons des registres des propriétaires réels. Lorsque nous allons régler la question de la propriété réelle, nous aurons fait un grand pas.

Vous êtes à quel niveau avec la stratégie nationale de lutte contre la corruption ?

Nous avons pratiquement achevé le diagnostic. Nous sommes sortis d'un atelier qui nous a permis, avec tous les acteurs du secteur public et privé et de la société civile, de décliner cela en actions. Nous pensons que très bientôt, d'ici la fin de l'année, nous pourrions avoir cette stratégie qui va permettre de régler la question de la coordination entre les différentes structures parce que chaque acteur trouvera sa part à réaliser et nous pourrions faire des évaluations.

Quelles sont les solutions concrètes que vous avez pour lutter contre la corruption ?

Une des solutions immédiates, c'est la question liée à la sensibilisation et à l'éducation. Sur les 16 pays aujourd'hui pour lesquels on est en train de recouvrer les avoirs, un seul a fait l'objet de recouvrement des avoirs.

Pourquoi la sensibilisation par le dessin animé ?

D'abord, c'est pour toucher les enfants, les jeunes et les adultes. Aussi toutes les populations qui ne savent ni lire et ni écrire. La corruption est un élément comportemental. Il faut apprendre aux personnes à savoir ce qu'est la corruption, la reconnaitre pour pouvoir rejeter cette corruption et surtout dénoncer les actes de corruption. Les curricula et les modules de formation sur la lutte contre la corruption dans les programmes d'enseignement s'inscrivent dans un vaste programme d'éducation. La lutte par l'éducation est de loin, le moyen le plus structuré et le plus durable de lutter contre la corruption.

Quel bilan faites-vous des campagnes de sensibilisation à l'intérieur du pays ?

Le bilan est positif parce qu' aujourd'hui, en termes de connaissances, les Ivoiriens commencent à avoir une meilleure perception de la corruption. Lorsque vous regardez les derniers rapports de Afro Baro Metter, les ivoiriens refusent la corruption tout simplement parce qu'ils savent ce que c'est. Nous pensons que la sensibilisation permet de changer les comportements mais l'éducation renforce la lutte. Cela est à mettre à l'actif des autorités de la Haute Autorité, notamment, le président N'golo Coulibaly qui a fait de l'éducation le fer de lance de la lutte contre la corruption en Côte d'Ivoire.

Vous avez installé des comités locaux d'intégrité à l'intérieur du pays, de quels moyens ils disposent ?

Les comités d'intégrité, c'est du bénévolat.Nous avons suscité cette initiative à la suite des campagnes que nous avons effectuées dans les 31 régions de la Côte d'Ivoire. Dans chacune de ces régions, nous avons installé des comités locaux d'intégrité. La Haute Autorité avec les maigres moyens dont elle dispose a accompagné au début ces comités locaux en leur fournissant le minimum notamment les ordinateurs, les vélos ... toutes ces choses pour leur permettre d'être opérationnels sur le terrain. L'objectif, c'est de permettre à ces comités de surveiller l'état de la corruption dans leur région. Les moyens sont insuffisants. Le budget de la Haute Autorité en termes de fonctionnement tourne autour de 2 ou 3 milliards FCFA, mais cela ne suffit pas.

Comment on vous saisit ?

Nous avons les modes de saisine par plainte ou par dénonciation, directement adressée au président de la Haute Autorité. Et le troisième mode c'est une auto-saisine, dont la Haute Autorité dispose pour pouvoir elle-même s'autosaisir. Il y a une loi de 2018 qui protège les dénonciateurs.

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