Sénégal: Projet de cultures maraîchères et d'économie solidaire - Keur Diatta, un exemple de développement communautaire

19 Août 2022

Village situé dans la commune de Porokhane, Keur Diatta est un exemple de développement communautaire. Dans cette petite contrée du Rip, les habitants, essentiellement des cultivateurs, se sont regroupés autour d'une coopérative agricole qui leur a permis, aujourd'hui, de bien gagner leur vie.

L'espoir renaît à Keur Diatta. Après de longues années de marasme, les populations de ce petit village, distant d'une trentaine de kilomètres de Nioro du Rip, se sont organisées pour s'en sortir dans leur activité principale : l'agriculture. Appuyées par un partenaire privé, elles ont ainsi mis sur pied, en 2020, une coopérative agricole pour des cultures maraîchères sur une superficie d'environ 9 hectares. Ici, les 137 membres, issus de 75 familles, cultivent plusieurs variétés : oignons, piments, tomates, choux, aubergines sauvages, entre autres.

Le périmètre, sis à un kilomètre de la localité, est clôturé avec des barbelés d'une hauteur de près de 2 mètres. Des panneaux solaires y sont également installés pour faire fonctionner le forage. Le tout, bien surveillé par deux gardiens qui veillent au grain.

Djibril Keita est un technicien, le formateur des producteurs de ladite coopérative sur l'utilisation des outils modernes et sur les bonnes pratiques culturales. " Mon rôle consiste à les encadrer sur notamment les manières de plantation et le dosage des engrais et leur conformité avec la culture ", explique-t-il.

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Au départ, le projet ciblait plus les femmes et les jeunes. Mais il s'est trouvé que ces derniers se font encore désirer. " L'idée de départ, c'était de permettre aux jeunes de rester ici et d'y travailler pour gagner leur vie. Mais malheureusement, sur les 91 personnes qui se sont engagées pour la campagne en cours, il n'y a que 19 jeunes, dont 12 saisonniers venus d'autres localités ", regrette M. Keita, qui rappelle que malgré les campagnes de sensibilisation, beaucoup préfèrent d'autres activités économiques, comme le commerce.

Avant le démarrage de la campagne à Keur Diatta, chaque membre est tenu de verser une somme de 5 000 F Cfa en guise de redevance pour pouvoir obtenir un lopin de terre. " Pour les parcelles, il était prévu de donner 1250 m2 à chaque membre, mais puisque nous avons 91 producteurs sur un peu plus de 8 hectares, ce serait impossible. Finalement, on cède les parcelles, selon la quantité de semence de chaque producteur. Ce qui fait qu'aujourd'hui, cela varie entre 125 à 1000 m2 ", souligne notre interlocuteur.

Une production de plus de 100 tonnes à la dernière campagne

Bine drapé dans sa djellaba noire, le président de ladite coopérative, fait partie des responsables qui nous font la visite guidée. " La terre ne ment pas. Surtout dans notre localité où nous avons une terre très fertile ", déclare Momath Diagne, qui n'a pas pu cacher sa joie. " On rend grâce à Dieu, avec les dernières pluies, on n'arrose même pas les plantes ", ajoute ce père de famille de 36 ans. Pour cette année, il espère avoir de très bonnes récoltes.

" Au début, on se débrouillait avec des petits puits qu'on creusait çà et là pour extraire de l'eau. Aujourd'hui, nous disposons d'un forage assez puissant ", confie M. Diagne. Ce qui, selon lui, n'est pas sans impact positif sur le rendement obtenu annuellement. D'ailleurs, à l'en croire, pour la précédente campagne, quelque 105 tonnes de différentes cultures ont été récoltées, dont 78 tonnes d'oignons, 17,7 tonnes de tomate et 9 tonnes de choux.

Après la récolte, les produits sont vendus dans les localités environnantes comme Porokhane, Nioro et d'autres localités de la Gambie. A travers la commission " Marché ", la coopérative signe également des contrats verbaux avec des acheteurs qui viennent récupérer les marchandises sur place.

Toutefois, selon les responsables, après la vente, pour chaque kilo vendu, les 10 FCfa sont reversés dans les caisses de la coopérative. " Après les récoltes, on pèse tout pour savoir ce que chacun a obtenu. C'est en fonction de ça qu'on saura la somme exacte qu'il verse pour le fonds de roulement de la coopérative ", détaille son président.

A noter aussi que les semences et les engrais sont également remboursés à la coopérative à la fin de la campagne. L'eau n'étant pas gratuite, la commission facturation procède, chaque mois, à des relevés des compteurs. Et la somme est remboursée après écoulement des produits. L'argent récolté sert à acheter du gasoil et à s'acquitter des frais de réparation en cas de panne.

" Ma vie a complétement changé "

Un enfant sur le dos, Mariama Ngalane, le visage envahi par la sueur, fait le tour de sa parcelle de piments, pour constater de visu la situation après les fortes précipitations de la veille. " Avant la mise sur pied de cette coopérative, je partais souvent dans la forêt pour me débrouiller avec de petites parcelles. Il n'y avait pas de sécurité et il nous arrivait très souvent que les animaux gâtent toutes nos cultures ", se souvient-elle.

Mais depuis 2 ans maintenant, sa situation financière s'est améliorée. " Aujourd'hui, je peux dire que ma vie a complètement changé. Je parviens à cultiver de grandes surfaces et mon rendement est beaucoup plus important. Cela me permet d'appuyer mon époux et de subvenir aux besoins de mes enfants ", admet Mariama Ngalane, appelant les femmes à s'inspirer de l'exemple de Keur Diatta.

Son amie, Fatou Sine, vise plus loin : " Il y a des variétés qu'on ne cultive pas encore à Keur Diatta. Notre objectif, c'est de ne plus acheter des légumes ailleurs ", promet-elle, annonçant une " révolution " lors des prochaines campagnes. Et pour ce faire, la Secrétaire de la coopérative ne manque pas d'émettre des doléances.

" Notre bassin de réservoir d'eau est très étroit, la pression est faible. C'est pourquoi, nous sollicitons auprès des autorités l'érection d'un château d'eau, ce qui nous permettra de mieux arroser et à n'importe quelle heure ", lance cette productrice et mère de famille, qui envisage même d'appliquer le système de goutte-à-goutte.

" Celui qui paie le mètre cube d'eau et celui qui irrigue, ne peut pas vendre au même prix ", embraye, de son côté, Fatou Camara, en pleine discussion avec ses collègues.

Pour mieux faire face à la concurrence, les producteurs de Keur Diatta réclament également des magasins de stockage des leurs produits. " Il nous arrive très souvent de récolter en même temps que les autres localités comme Gandiol, les Niayes, ce qui provoque une mévente sur le marché ", fait savoir Fate Ndiaye.

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