Madagascar: Rivo Radanielina - " La jirama dépassera ses difficultés financières en 2025 "

interview

Le directeur général par intérim de la Jirama parle sans détour des problèmes financiers actuels de la Jirama. Il reconnaît l'insuffisance de production énergétique, les réquisitions de carburant, les pertes et les dettes encourues malgré les subventions de l'État. Il confirme toutefois que les difficultés ne seront pas éternelles car un plan de redressement de la compagnie nationale d'eau et d'électricité serait en bonne voie.

À combien s'élèvent à ce jour les pertes et les dettes de la Jirama ?

Le résultat d'exploitation n'est pas encore positif. Nous vendons toujours à perte. Les charges d'exploitation ont augmenté de 200 milliards entre 2020 et 2021, puis de nouveau de 350 milliards ariary de plus entre 2021 et 2022. Elles sont passées à 350 milliards ariary entre 2021 et 2022. En se référant au compte des résultats 2020-2021 comparé à celui de 2021- 2022, le chiffre d'affaires s'est pourtant amélioré de 30 milliards puis de 130 milliards ariary de plus. Mais cette augmentation de revenus ne couvre pas l'augmentation des charges et continue à impacter négativement le résultat d'exploitation.

Qu'est-ce qui explique cette augmen-tation des charges d'exploitation?

Ce sont majoritairement les dépenses en carburant, aggravées par la hausse des prix du carburant à l'international. Entre 2021 et 2022, le prix auquel la Jirama achète le gasoil est passé de 3000 ariary hors taxe à 5000 ariary hors taxe en 2022. Le HFO est passé de 2800 ariary en 2021 à 4100 ariary en 2022. Le prix a même connu une augmentation de 100 à 150% entre 2020 et 2022. La quantité utile en carburant n'a pourtant pas augmenté et c'est ce qui concourt au déficit de la Jirama. Les subventions d'exploitation de 170 milliards ariary en 2019, 385 milliards ariary en 2021 et 500 milliards ariary en 2022 n'ont pu couvrir que partiellement l'augmentation des charges. Il y eut par ailleurs, la grande panne à Andekaleka survenue le 2 janvier 2022 causant un arrêt total de production. Les machines n'ont repris, et encore, partiellement, que vers la fin mars avec une capacité limitée de 40 mégawatt. Heureusement, tout est maintenant rentré dans l'ordre avec trois groupes fonctionnels produisant 60 mégawatts. Cet arrêt de presque trois mois a fait perdre 107 milliards ariary à la Jirama pour remettre Andakaleka en service et pour compenser l'énergie non disponible en énergie thermique. Aussi, pour répondre à votre question, les dettes encourues s'élèvent aujourd'hui à 1200 milliards ariary et peuvent encore augmenter pour atteindre 2000 milliards d'ici la fin de l'année.

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C'est ce qui explique alors les réquisitions de carburant auprès des compagnies pétrolières ?

Exactement. La situation financière de la Jirama ne lui permet pas encore malheureusement, d'assurer l'achat de carburant pour les groupes thermiques.

Qu'est devenue la révision des contrats des fournisseurs d'énergie de la Jirama entamée en 2019 ? Ceux-ci ont été jugés faramineux et la Jirama paie des productions irréelles ?

La révision a été fructueuse. La Jirama a pu faire une économie cumulée de 475 milliards ariary depuis. La Jirama travaille actuellement avec dix fournisseurs et producteurs d'énergie dont cinq principaux. Les négociations continuent jusqu'à maintenant et la révision tend toujours vers une baisse des prix notamment pour les contrats avec des clauses léonines. La Jirama continue de vendre à perte ce qui nous force à trouver des ententes avec les fournisseurs.

Quel est le coût d'exploitation de la Jirama contracté avec eux ?

Le coût d'exploitation de la Jirama pour produire un kilowattheure est en moyenne de 1150 ariary. Et le prix de vente est à 500 ariary le kilowattheure. Les réquisitions de carburant sont motivées par cette non autonomie financière. Les fournisseurs sont pénalisés s'ils n'arrivent pas à offrir la puissance établie dans les contrats. C'est ce que nous appelons une pénalité pour insuffisance de production de puissance. Si des groupes ou machines sont défaillants, ils ont pour obligation de les réparer ou de les remplacer.

Ce n'est pas encore très palpable par les usagers de la Jirama. Quelles sont les solutions à court et à moyen terme car l'état des lieux permet d'avancer que ce n'est plus viable pour une entreprise ?

L'État appuie la Jirama dans l'apurement de ses arriérés à hauteur de 435 milliards en 2019 et 704 milliards en 2020. Nous n'avons pas reçu cette forme d'appui en 2021 ni cette année. Et comme je l'ai expliqué précédemment, l'apurement et les subventions avancés par l'Etat n'ont pas couvert les charges en carburant. Toutefois, la Jirama a entamé ses projets de redressement et c'est en bonne voie. Nous sommes en mesure d'avancer que l'équilibre opéraionnel sera atteint en 2025. Une estimation basée sur des projections financières et des objectifs quantifiés pour que les recettes soient égales aux dépenses.

Quels sont ces projets de redressement que vous qualifiez de réalistes ?

Effectivement, l'atteinte de l'équilibre opérationnel est intimement lié à la réalisation des projets. Je citerais entre autres le projet d'augmentation de revenus de la Jirama grâce à Optima Business. C'est une nouvelle tarification spéciale entreprises, et sa mise en œuvre est l'issue de plusieurs mois d'échanges et de négociations avec le patronat comme GFEM-FHORM - FIVMPAMA - GEFPM - GEM -SIM - SEBTP. Le changement de tarification de l'électricité se fera progressivement, en trois temps : atténuer de 40% les hausses durant les mois de juillet et août, puis de 20% la hausse pour les mois de septembre et octobre et 10% pour les mois de novembre et décembre. L'intégralité de la nouvelle tarification sera uniquement appliquée qu'à partir du mois de janvier 2023. Des mesures accompagneront cette catégorie de clientèle comme la mise à disponibilité de gestionnaires de comptes ou de la ligne verte 3548. Seuls les tarifs non résidentiels sont touchés par Optima Business. Des forfaits mensuels liés à la prime fixe sont également proposés. C'est une offre flexible pour les hôtels par exemple qui ne voient pas leur consommation en hausse en période de basse saison touristique. Leurs besoins peuvent varier et les clients ont la possibilité de baisser ou leur prime fixe en fonction de la consommation d'énergie qui leur est nécessaire. Le tarif business social, dédié aux PME, ne connaîtra pas de hausse.

Jirama est victime de fraudes, de vols et de factures impayées. Comment améliorer la situation ?

L'intensification du recouvrement figure dans le plan de redressement. Nous attendons 100 milliards ariary dans les qua t re prochains mois, 30 milliards ariary de plus que l'année dernière ont déjà été recouvrés depuis le début de l'année. Nous allons installer trois mille compteurs prépayés au niveau des entités administratives jusqu'à la fin de l'année. Ce qui nous permettrait de mieux maîtriser les consommations. La Jirama perd 100 milliards ariary par an à cause des vols, fraudes, branchements illicites et de facture impayées. De nouvelles de digitalisation seront déployées pour lutter contre les vols de gasoil et les vols d'électricité.

Est-ce suffisant pour atteindre l'équilibre opérationnel estimé pour 2025 ?

Les charges seront réduites. Pour ce faire, nous faisons de grands pas dans l'inversion du mix énergétique. Jirama réduira ses consommations en accélérant le déploiement des énergies renouvelables. Les énergies solaires et hydrauliques représentent 40% de la production actuelle et 60% sont encore à base de ressource thermique. Le redressement vise à inverser la tendance. Nosy be, Antsiranana, Toliara, Mahajanga, Antsirabe, Toamasina, Sambava, Antalaha, Morondava bénéficient de l'hybridation thermique solaire, toujours dans l'objectif d'augmenter la part des énergies renouvelables. Des parcs solaires seront installés dans le sud comme Betioky, Beloha, Benenitra et Tsihombe. Avec ces réalisations, la thermique n'occupera plus que 5% des énergies, 16% pour le solaire, 22% avec l'hybridation et 1% avec l'énergie éolienne. Nous estimons une économie pouvant atteindre 1109 milliards d'ici 2025. Enfin, des restructurations internes sont entamées au sein de la Jirama comme la lutte contre la surcon-sommation, la réduction des frais généraux et fonctionnements, les charges du personnel, les tractations auprès d'autres organismes pour des opérations de restructuration de dettes.

Parlons un peu du secteur Eau de la Jirama, y-a-t-il une quelconque note positive ?

Oui, l'alimentation en eau s'améliore. La Jirama installe de nouvelles infrastructures un peu partout dans l'île, Antsirabe, Mahajanga, Fénerive-Est, Fianarantsoa. Les périphéries d'Antananarivo telles que Laniera, Ilafy, Alasora, Ivato ne sont pas en reste avec des projets de forage pouvant donner 100m3 par heure. Des projets y sont entamés. Nous avons installé des unités de traitement sur huit sites en périphérie. La Jirama a procédé à l'extension de la station de traitement d'eau de Mandroseza. Mandroseza bis a une capacité de 40 000m3 par jour. Ce qui a grandement pallié la crise d'eau dans la capitale.

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