Sénégal: Mase Hiroyuki, Directeur Afrique du Ministère japonais des Affaires étrangères - "Nous comptons faire plus pour l'Afrique"

23 Août 2022
interview

L'économie, la société et la paix, ainsi que la stabilité devraient être les principaux piliers de la 8ème édition de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (Ticad 8). Dans cet entretien, le Directeur Afrique du Ministère japonais des Affaires étrangères, Mase Hiroyuki, tire un bilan satisfaisant de la Ticad 7 tout en abordant les perspectives du partenariat Afrique-Japon dans un contexte de crise mondiale.

On se dirige vers la Ticad 8 (27-28 août à Tunis), mais quel bilan tirez-vous de la septième édition de 2019 tenue à Yokohama ?

L'un des points les plus importants lors de la Ticad 7, c'est la mise en valeur du secteur privé, notamment japonais et africain. La septième édition de 2019 a positionné le secteur privé comme le partenaire officiel du processus de la Ticad. Depuis lors, le Gouvernement du Japon a continué à prendre une série de mesures pour encourager la promotion des investissements des entreprises japonaises en Afrique. De telles mesures incluent, entre autres, le soutien financier pour le service privé, y compris l'Initiative conjointe d'assistance renforcée au secteur privé en Afrique ou Epsa en anglais (Enhance private sector assistance for Africa).

Un autre volet, c'est la formation des ressources humaines africaines en industrie ou la création de l'environnement propice aux affaires à travers la création de comités bilatéraux. Il y a aussi les négociations des conventions bilatérales sur les taxes, les infrastructures de qualité... Malgré la situation difficile liée à la Covid-19, les entreprises japonaises s'efforcent d'être présentes en Afrique pour mettre en valeur son potentiel. Nos efforts commencent à donner des résultats concrets.

%

Par exemple, il y a le projet de communication Nest Cop qui a créé un million d'emplois en une dizaine d'années. Une autre caractéristique, c'est l'élargissement des investissements (ventures) aux jeunes entreprises depuis la Ticad 7. L'année 2021 était charnière pour les investissements ventures. Comparé à 2020, le montant total s'élevait à 100 fois plus et à deux fois plus de projets. Nous sommes en train de recueillir les données.

Par ailleurs, des Japonais ont créé des entreprises d'investissement qui se focalisent sur l'investissement des startups. L'investissement dit " impact investment " vise à résoudre les enjeux sociaux. De tels développements contribueront à promouvoir l'investissement par les entreprises japonaises en Afrique.

À l'occasion de la Ticad 7, le Premier ministre d'alors, le défunt Shinzo Abe, avait invité le secteur privé japonais à investir et à s'implanter en Afrique. Quel a été l'impact de son appel ?

Le Premier ministre Shinzo Abe annonçait, à la Ticad 7, que le Gouvernement japonais fera tout pour que cet élan d'investissement privé de 20 millions de dollars pour les trois ans qui ont suivi soit maintenu. Maintenant, il va de soi que le jugement des entreprises japonaises sur l'investissement dépend de chaque entreprise privée. Depuis 2019, l'investissement a atteint le montant brut équivalant à celui d'avant-Ticad 7.

Quel est le montant de ces investissements?

Nous sommes en train de ramasser les données, mais l'objectif est largement atteint. Il faut tenir compte de l'impact négatif de la Covid-19. Nous comptons faire plus pour renforcer nos relations avec l'Afrique, même si nous avons atteint largement notre objectif.

Quelles sont les difficultés auxquelles ont été confrontées les entreprises japonaises?

Parmi les difficultés que les entreprises japonaises ont rencontrées, il y a l'augmentation des coûts liée aux perturbations de la chaîne logistique mondiale, le prix bas des ressources naturelles qui explique le retrait des investissements suite à la baisse des profits. Cependant, il y a le problème de la volonté des Japonais, mais nous continuerons à renforcer notre détermination à travailler avec l'Afrique pour son développement.

Quels seront les axes majeurs de la Ticad 8 ?

Nous sommes en train de travailler sur nos objectifs lors de la Ticad 8. Mais, avant d'entrer dans le fond, permettez-moi de rappeler le contexte actuel marqué sur la scène internationale par la Covid-19 qui ralentit la croissance économique et la perte d'opportunités pour l'emploi et l'éducation.

Ce qui élargit les inégalités. Comment réaliser une meilleure société après la Covid-19 sera l'un des thèmes importants du développement africain. Le deuxième point, c'est le défi d'un ordre international libre et ouvert, basé sur un État de droit. Depuis la fin de la Guerre froide, le monde est à un tournant. Il y a la récente agression de la Russie sur l'Ukraine qui perturbe la fourniture de l'énergie et des denrées alimentaires et a causé un impact significatif aux économies africaines. Un autre volet, c'est le financement du développement.

zEZZESi le financement du développement est injuste et opaque, cela posera problème et causera un poids de la dette énorme sur certains pays, mais aussi hypothèquera leur développement. Les discussions à la Ticad 8 se résument, comme à la Ticad 7, à trois piliers : l'économie ; la société et la paix ; la stabilité. Nous voulons nous concentrer sur la promotion du commerce, de l'investissement et des affaires, sur l'aide aux startups et aux entreprises à caractère social, le soutien aux initiatives vertes ; l'économie verte étant un objectif important.

Nous discuterons aussi du renforcement d'un système économique international libre et ouvert, y compris les mesures à prendre face au financement opaque du développement. Dans les domaines sociaux, nous voulons poursuivre nos efforts d'investissement au bénéfice des ressources humaines pour réaliser le développement durable. Nous n'avons pas de ressources naturelles, mais nous avons investi beaucoup sur les ressources humaines pour atteindre le développement. Il faut également anticiper la croissance démographique en Afrique.

Cela souligne l'importance des investissements sur les ressources humaines dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'environnement. Concernant le volet paix et stabilité, nous allons y consacrer nos efforts pour réaliser le développement durable en renforçant la démocratie et l'État de droit.

Quelles sont les perspectives des relations entre le Japon et l'Afrique, continent très courtisé par les autres puissances ? Et quel rôle le Sénégal peut y jouer ?

Le processus de la Ticad a commencé en 1993. Et l'année prochaine marquera son 30ème anniversaire. Notre engagement envers l'Afrique date de longtemps. Il y a des pays, dont le Japon, qui organisent des réunions avec l'Afrique pour des solutions à ses problèmes. Nous avons notre philosophie qui se résume en deux mots-clés : l'appropriation (ownership) et le partenariat. L'appropriation, c'est le respect des initiatives de l'Afrique.

Nous allons continuer à mettre en avant des aspects très importants de notre philosophie, tels que la qualité de la croissance, l'investissement sur les ressources humaines... Nous continuerons à œuvrer pour notre développement ensemble. Et pour cela, le Sénégal est un partenaire très important. J'ai commencé comme diplomate au Sénégal. Votre pays est connu comme une démocratie très solide. Le Sénégal est un partenaire très important pour le Japon.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.