Mali: Bavardez ! Bavardez seulement !

Le Conseil de sécurité de l’ONU (archives). Photo ONU/Eskinder Debebe

Août 2020-août 2022. Le constat est implacable. Deux ans après le renversement du président Ibrahim Boubacar Kéita par un groupe de jeunes officiers de l'armée, le Mali n'est encore pas sorti de l'auberge. Le coup d'Etat censé donner au pays, les moyens de faire face au péril djihadiste n'a pas changé la donne. Pis, le Mali s'embourbe dans les profondeurs abyssales du désespoir et dans le gouffre d'une tyrannie qui s'installe progressivement.

A la crise sociale chaotique a succédé une dictature sur fond d'une stratégie d'endoctrinement amplifiée par une pseudo-lutte pour la souveraineté. Pendant ce temps, le climat sécuritaire se désagrège et le péril djihadiste se fait de plus en plus menaçant.

Le Mali est aujourd'hui un pays méconnaissable, aux mains d'une junte qui parle plus qu'elle ne pose d'actes véritablement concrets pour faire avancer le pays et, plus grave, elle est totalement impuissante face aux troupes djihadistes qui multiplient les attaques, endeuillent des familles et plongent, de jour en jour, le Mali dans le chaos. Une véritable tragédie.

Quand elle renversait le président IBK - pourtant élu démocratiquement- à la faveur d'un mouvement de contestation sociale initié par le M5-RFP (Mouvement du 5 juin et Rassemblement des forces patriotiques) et porté par l'imam Mahmoud Dicko, la junte, dirigée par Assimi Goïta, avait pris l'engagement de bouter hors du Mali les djihadistes. Mais, une fois aux commandes, ont-ils fait mieux, eux les militaires, que le civil ? Assurément ... non ! Car, comme le démontrent leurs agissements, ces putschistes, au lieu d'adresser fondamentalement la question de la lutte contre le terrorisme, ont choisi d'ouvrir d'autres fronts. A commencer par couper les amarres avec la Force Barkhane et la Force Takuba, qui ont joué un rôle indéniable dans la guerre contre les djihadistes, même si les fruits n'ont pas atteint la promesse des fleurs.

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Ensuite, c'est à la France qu'ils s'attaquent ouvertement sous le fallacieux prétexte de préserver la souveraineté du Mali ; en l'accusant de tous les péchés d'Israël. En plus de la France, c'est avec son voisin, la Côte d'Ivoire, que le pays se brouille maintenant en incarcérant, injustement 49 de ses soldats.

En qualifiant ces soldats de " mercenaires " - alors qu'ils ne le sont pas- la junte s'adonne à son jeu favori : celui de la galéjade et de l'intoxication. Apparemment, ce qu'elle sait faire, c'est bavarder, bavarder et bavarder encore. En tout cas, elle gonfle ses muscles là où l'on l'attend le moins. Le Mali, disons-le tout net, n'a actuellement pas besoin de l'escalade verbale que lui servent Assimi Goïta et ses hommes, en comptant sur leurs nouveaux alliés russes qui, avouons-le, n'ont pas encore réussi à faire reculer les djihadistes, à défaut de les vaincre.

Justement, au Mali, les populations dans leur ensemble redoutent l'avancée progressive de ces terroristes qui contrôlent une bonne partie du pays et, plus grave, sèment la désolation partout où ils passent.

Manifestement, la junte malienne - en dépit du soutien de ses nouveaux alliés - n'est, pour l'instant, pas en mesure de juguler la menace djihadiste, à défaut de neutraliser ces terroristes. Et ce qu'elle a trouvé de mieux à faire, sans doute pour cacher ses limites notamment militaires, c'est de distraire l'opinion nationale et internationale en créant des clashs avec la communauté internationale. Le tout, entretenu par une rhétorique souverainiste qui, en réalité, ne relève ni plus ni moins que de la démagogie. En d'autres termes, Assimi Goïta et ses amis ne savent que discourir...

Entre temps, que se passe-t-il ? Le pays recule et les quelques avancées démocratiques s'effondrent. Avec elles, les acquis sociaux et l'économie. Le sucre, le pain, le carburant deviennent des produits hors de portée à Bamako. Même le prix de la viande dans ce pays pourtant exportateur a atteint 3500 F le kilogramme. Gérer un pays, même en crise sécuritaire comme l'est le Mali, ce n'est pas seulement renforcer les capacités de l'armée. Tout y est priorité. Le front social qui a accordé un délai de carence et sa confiance à la junte pourra-t-il, longtemps encore, repousser les démons de la vie chère ? Rien n'est moins sûr. Surtout que le peuple malien qui, en majorité, refuse de tomber dans le jeu des manipulateurs, observe et voit que certains pays voisins, surtout la Côte d'Ivoire, malgré les chocs extérieurs comme le Covid-19 et la guerre en Ukraine, poursuivent allègrement les efforts de redressement.

La junte malienne a beau susciter des émissions télé contre les autorités ivoiriennes, elle ne pourra pas cacher de la main le soleil des progrès de la Côte d'Ivoire qui avance sous le leadership éclairé de son Président Alassane Ouattara. Un jour ou l'autre, le peuple voudra que le disque change, parce que les militaires ne réussiront pas à tromper tout le peuple malien tout le temps.

Et, pour sûr, ce ne sont pas avec des mots - qui nourrissent la propagande - qui sortiront le "Maliba " (entendez le grand Mali) de la menace djihadiste et des difficultés économiques et sociales.

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