Afrique: Au Somaliland, la presse toujours plus dans le viseur des autorités

 

Lundi 22 août, le ministère de l'information de la région séparatiste du Somaliland a imposé une amende de 10 000 dollars à MMSomaliTV, une télévision indépendante à Hargeisa. La chaîne et ses journalistes sont accusés de travail illégal. Si ce n'est pas la première fois qu'ils sont pris pour cible par le gouvernement de la région, la situation inquiète, à l'approche des élections présidentielles.

La lourde contravention imposée par le ministère de l'information du Somaliland à MMSomaliTV, pour ce que le gouvernement qualifie de travail illégal, aurait pour but de faire taire les journalistes du média indépendant de la région séparatiste. Pour Omar Faruk Osman, les autorités du territoire situé dans le nord-ouest de la Somalie veulent " qu'on cesse de couvrir ce qui se passe au Somaliland " et souhaitent " forcer MMSomaliTV à se soumettre ".

" Cette amende est exorbitante, injustifiée et c'est du jamais-vu. On ne sait même pas comment elle a été calculée. Elle a été imposée pour faire suffoquer MMSomaliTV financièrement, pour les bloquer ou pour les pousser à compromettre leur indépendance ", affirme Omar Faruk Osman, le secrétaire général de l'Union nationale des journalistes somaliens à RFI.

Une télévision prise pour cible

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Ce n'est pas la première fois que MMSomaliTV et ses journalistes sont pris pour cible. En mai dernier, son directeur, Mohamed Abdi Ilig, avait été condamné à 16 mois de prison avec sursis par le tribunal régional d'Hargeisa pour " subversion et propagation de fausses nouvelles ".

Mahamed Adil Ilig a comparu devant le tribunal avec deux autres journalistes. L'un a été acquitté et l'autre a écopé de la même peine. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a jugé l'audience " hâtive " : elle s'est tenue en l'absence des avocats et des familles des journalistes.

Ces derniers faisaient partie des 14 journalistes arrêtés le 13 avril pour avoir couvert une émeute entre des détenus et des gardiens de la prison centrale d'Hargeisa. Une vague d'" arrestations arbitraires ", selon Reporters sans frontières (RSF). Dans la même soirée, la police s'était également rendue au siège de la chaîne Horn Cable TV, afin d'empêcher toute diffusion d'informations relatives à ces événements. Selon RSF, " plusieurs caméras ont été saisies et sept journalistes ont passé la nuit au centre de détention des services secrets de la police centrale d'Hargeisa ".

Le secrétaire général de l'Union nationale des journalistes somaliens estime qu'il s'agit de la plus grosse vague d'arrestations de journalistes de ces dernières années, et pointe du doigt une police qui a failli à son devoir de protection des journalistes.

Répression à grande échelle

À seulement quelques mois des élections présidentielles de novembre 2022, le CPJ met en garde contre la fréquence alarmante avec laquelle les autorités s'en prennent journalistes. La dernière arrestation date du 11 août dernier : Ahmed Zaki et Abdinair Abdi Nour, deux journalistes du média privé Horyaal 24 TV, sont interpelés alors qu'ils couvrent des manifestations. À ce jour, ils se trouvent toujours en détention sans avoir été inculpés.

La semaine précédant cet évènement, c'était au tour de la BBC d'être inquiétée, accusée par les autorités du Somaliland de répandre des " fausses informations ". La chaîne publique britannique est désormais interdite de diffusion dans le territoire autoproclamé indépendant.

En 2020, les autorités somaliennes, à la demande de RSF, s'étaient engagées à décréter un moratoire sur les arrestations et détentions de journalistes, une initiative soutenue par le Parlement européen. En 2021, l'UE a adopté une résolution demandant au Premier ministre somalien sa mise en application au plus vite mais, mais pour l'heure, le moratoire n'a pas été appliqué et les arrestations de journalistes se sont multipliées.

La Somalie figure à la 140ᵉ place sur 180 pays dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022. Le pays reste donc l'un des États les plus répressifs envers les journalistes. Selon RSF, il s'agit même du territoire le plus dangereux en Afrique : l'ONG explique que " les journalistes évoluent dans un climat de corruption et de grande insécurité. " Depuis 2010, plus de 50 journalistes y ont été tués.

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