Afrique: Le sport français face au défi de la sobriété énergétique

Renoncer aux matches de nuit

Ne plus jouer en nocturne et économiser en éclairage dans un souci de sobriété énergétique: le gouvernement français envisage cette possibilité "dès cet hiver", une annonce au fondement écologique contesté mais à l'impact économique incontestable pour le secteur.

Environ 200 projecteurs, chacun chargé par 2000 watts d'électricité rien que pour le terrain, à quoi il faut ajouter les lumières de sécurité, celles des coursives, du parking, de la boutique... Les grosses infrastructures sportives sont énergivores.

Pour les plus imposantes, occupées par des clubs professionnels, "on est quasiment sur une petite ville en matière d'éclairage", affirme le directeur du bureau d'études Sarese Maxime Van der Ham, qui s'occupe notamment de chantiers de stades.

"Mais le gros de la consommation (nationale) n'est pas là du tout (...). Les grands stades ne sont pas très nombreux" et fonctionnent à plein régime seulement les jours de match ou lors d'événements exceptionnels, comme un concert, ajoute-t-il.

D'autant que le secteur a déjà réalisé de "25% à un tiers d'économies" en passant à l'éclairage LED au milieu des années 2010. La quasi totalité des enceintes des championnats de Ligue 1 et 2 de foot en sont ainsi équipées.

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Le gouvernement pourrait malgré tout demander un effort supplémentaire à l'écosystème du sport français en interdisant les rencontres de nuit, dans le cadre d'un "plan d'adaptation de la pratique sportive au changement climatique". La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a ouvert cette porte lors d'un entretien le 26 juillet.

"Le fondement énergétique est quasiment inexistant", dans la mesure où la consommation ne se limite pas au seul horaire d'une rencontre, indique Maxime Van der Ham. "La diffusion des matches nécessite beaucoup de réglages et donc un allumage (des projecteurs) bien en amont" pour offrir aux caméras une luminosité uniforme et fixe impossible à obtenir sans lumière artificielle, dit-il.

Les projecteurs fonctionnent ainsi au maximum de leurs capacités dès l'après-midi et l'interdiction des matches en nocturne ne permettrait pas de faire l'économie de l'éclairage des terrains.

Il s'agirait plutôt de "déplacer" le pic de consommation en milieu de journée quand les risques de carences, notamment en hiver, sont moins élevés.

Parallèlement, des solutions existent pour réduire la facture, comme la gradation de l'intensité lumineuse. Ne pas éclairer en journée, peu le soir, à fond la nuit... C'est réalisable grâce aux LEDs, mais des concessions sur la qualité des images télévisées seraient nécessaires.

Les producteurs des rencontres (les ligues) et les diffuseurs (les chaînes) devraient revoir leur cahier des charges et s'adapter au bouleversement des calendriers. Avec des affiches du soir à organiser plus tôt en journée ou un autre jour de la semaine, la question de l'exposition médiatique se pose.

La Ligue nationale de rugby a réagi en appelant les ministères des Sports et de la Transition écologique à respecter les "équilibres économiques et d'organisation des compétitions, dont les matches en soirée sont un élément très important".

En Ligue 1, "les trois créneaux qui seraient affectés (vendredi et samedi 21H, dimanche 20H45) sont les meilleurs" avec le samedi 17H00 en terme d'audiences, souligne Richard Bouigue, de l'Observatoire du sport.

"La valeur contractuelle des droits TV en prendrait un coup", prolonge le spécialiste de l'économie du sport Pierre Rondeau. Mais "on pourrait supposer que les rencontres l'après-midi deviennent du +prime time+ pour le public asiatique et permettent d'augmenter les droits TV internationaux...".

"Pas suffisant" pour combler une éventuelle perte des matches nocturnes, rétorque M. Bouigue, alors même que le président de la Ligue de football professionnel (LFP), Vincent Labrune, espère voir la valeur des droits télévisés annuels de la L1 grimper de 550 millions d'euros en 2021/22 à "1,8 milliard d'ici 2028".

Sollicitée, la LFP s'est refusée à tout commentaire.

Attention à "ne surtout pas limiter (cette possibilité) au sport professionnel", avertit Christophe Lepetit, du Centre de droit et d'économie du sport (CDES).

"Tous les week-ends se déroulent partout en France énormément de matches en nocturne, des plus petites compétitions départementales aux plus hauts échelons", poursuit-il.

De plus, les amateurs, qui ont souvent un travail la journée, doivent aussi s'entraîner le soir, contrairement aux professionnels qui s'exercent plutôt à la lumière du jour.

"Les stades (amateurs) consomment beaucoup moins mais sont extrêmement plus nombreux, plus tous les autres sports", rappelle Maxime Van der Ham. Et les enceintes municipales de divisions inférieures sont moins équipées en LEDs.

En interdisant les matches en nocturne, "on condamnerait tout un écosystème où s'entremêle le sport pro et amateur", prévient toutefois Pierre Rondeau, qui appelle à ne pas recourir à "un diktat".

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