Sénégal: Studio Thioffy du photographe Oumar Ly - L'histoire de Podor en clichés

25 Août 2022

Podor — Disparu en 2016, l'illustre photographe, Oumar Ly, a laissé, derrière lui, le Studio Thioffy, devenu le symbole de sa carrière remarquable. L'endroit qui accumule encore les films et clichés de l'artiste ouvre une fenêtre sur l'histoire de la ville et celle de la vallée du Fleuve de façon générale.

- En juillet, le ciel peinait encore à ouvrir ses vannes. La chaleur étouffante de l'atmosphère annonce la proximité avec le désert du Sahara. Podor, cette ville chargée d'histoire, a vu évoluer le grand photographe Oumar Ly dont le Studio Thioffy, situé à l'angle du marché, concentre toute une histoire en noir et blanc. Un patrimoine en image avec des symboles et du symbolique. Sous le poids du temps qui passe, certains négatifs se sont détériorés au contact de l'humidité. Restes de sachets de poudre kodak, caisses remplies de films, trépied en bois, palier d'agrandisseur, vieux magnétophone, appareil 6×6 d'une autre époque... décorent encore un coin de cette pièce où l'odeur de la poussière pénètre les narines et titille la curiosité du visiteur. À côté de ce grand bazar où pénètre difficilement la lumière du jour, des clichés originaux accrochés ou posés mettent en scène des visages d'anonymes et de célébrités. Sur place, l'on observe aussi des photos de grands marabouts de la contrée, celles de champions de lutte, des clichés de jeunes couples, de portraits de femmes, mais aussi ceux de citoyens lambdas apparaissant avec les tendances vestimentaires de l'époque à Podor ainsi que sur toute cette partie du Fouta.

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Dans la beauté et la simplicité de leurs parures, ils restituent, chacun, en ce qui le concerne, le quotidien révolu d'une époque unique, d'une zone historique du nord du Sénégal.

Conçue avec l'énergie de la passion et la rigueur du professionnel, la photographie d'Oumar Ly est à la fois fascinante et symbolique. Elle célèbre l'amour, l'amitié, la famille, la religion... la vie tout court. Entre les instantanés et les reportages, c'est une partie importante de l'histoire de la vallée du fleuve depuis les premières années de l'indépendance du Sénégal que l'artiste autodidacte a réussi à immortaliser. Cela, grâce à la beauté intemporelle de la photographie en noir et blanc avec tout ce qu'elle recèle comme émotion.

Oumar Ly créait ses propres décors dans une originalité si saisissante. Il avait l'art de choisir ses arrière-plans constitués, quelquefois, d'une plage entourée de cocotiers, d'un grand cœur conçu à l'aide d'une planche en bois, d'un Boeing 747. Au-delà de mettre en valeur la beauté du sujet principal, ses techniques faisaient aussi la magie de sa photographie. L'artiste réussit ainsi à faire prospérer ses affaires presque jusqu'au mitan des années 1980.

Plus de 5.000 photos

Fort de ses plus de quatre décennies de création, Oumar Ly est à l'origine de plus 5.000 photographies. Un travail de fourmi fait avec une rare ingéniosité. Aujourd'hui, c'est un tas d'informations sur l'histoire qui se cache derrière son œuvre picturale.

Né vers 1943 à Podor, le défunt photographe, rappelle son fils Mamadou Moussa Ly, a très tôt choisi sa passion : la photo. Jeune marchand de légumes, il se fait photographier un jour par un blanc alors qu'il vendait tranquillement de la salade à travers les rues de Saint-Louis du Sénégal. Tout bascula ce jour. Fasciné par la magie de l'image, l'adolescent de 18 ans prit aussitôt la ferme résolution de faire le métier de photographe. En 1966, Oumar Ly finit par trouver son propre appareil de photo grâce à ses économies. Le prix d'achat de cette machine à l'époque était de 1.500 FCfa. À ses débuts, il ne savait même pas cadrer. Mais, après un apprentissage sur le tas, il réussit à devenir un véritable professionnel dont la gloire dépasse, aujourd'hui, les frontières de sa région natale, son pays et l'Afrique. Il a réalisé plusieurs expositions au Sénégal et à l'étranger. " Il faisait le tour de tous les villages pour prendre les gens en photo. Lors des grands évènements, les populations faisaient le pied de grue devant le studio pour se faire photographier. Pendant les grandes affiches de lutte, les gens venaient aussi avec leur accoutrement pour se faire photographier ", explique Moussa Ly. Ce dernier a, aujourd'hui, la lourde tâche de marcher sur les pas de son père et d'assurer son héritage. Photographe, Mamadou s'occupe de l'entretien du studio ainsi que de tous les anciens matériaux qui s'y trouvent. Son objectif : devenir un jour un grand professionnel à l'image de son défunt papa. Ce qui lui permettra de tenir des expositions sur les plans national et international.

Si à l'époque du pater, la photographie faisait beaucoup courir et rêver, ce n'est pas le cas de nos jours. Il est même devenu difficile de vivre de ce métier. " Peu de personnes font recours à la photographie de studio. Elles préfèrent utiliser leur téléphone portable pour immortaliser certains moments qu'elles jugent importants ", soutient M. Ly. C'est pourquoi d'ailleurs, informe-t-il, pour arrondir ses fins du mois, il a ouvert un multiservice au sein du mythique studio.

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