Sénégal: [Focus] Hcct - Une chambre en quête de réformes !

31 Août 2022

Beaucoup de voix, notamment dans l'opposition, se sont élevées pour réclamer la dissolution du Haut conseil pour les collectivités territoriales (Hcct). Les contempteurs de cette institution la trouvent " inutile et budgétivore ". Pour autant, le Hcct semble joué un rôle majeur en ce qui concerne la démocratie locale en remettant des rapports, des avis, des études et des recommandations au chef de l'Etat. Ces hauts conseillers prouvent ainsi toute la pertinence de leur mission même s'ils souhaitent que le statut de cette institution soit revu.

Inutile et budgétivore. Ce sont les deux qualificatifs utilisés par ceux-là qui ne veulent plus du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) et souhaitent simplement qu'il soit dissout. Les partisans d'une telle posture, notamment les opposants de l'intercoalition Yewwi-wallu l'ont ouvertement dit dernièrement.

Allant même jusqu'à boycotter l'élection des hauts conseillers devant se tenir ce 4 septembre sur l'ensemble des départements du pays. Seulement, Me Ousmane Sèye, vice-présidente de ladite institution ne partage pas leur avis.

Selon lui, ces contempteurs du Hcct ne sont pas bien inspirés ou sont simplement des mal intentionnés. " Tout cela rentre dans le cadre d'une tentative de discrédit de certaines institutions de l'Etat par une certaine opposition.

De la même manière qu'on a essayé de discrédit la justice, l'action du président de la République, il y a une certaine opposition qui fonde sa politique et son programme sur le discrédit des institutions ", explique Me Sèye rappelant que le Hcct n'est pas la première institution créée par un régime donné.

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D'ailleurs, il signale qu'aucun régime ne peut être installé sans créer une institution qui encadre la décentralisation. Il explique que sous le régime socialiste de Abdou Diouf, le Conseil de la République avait été créé. Abdoulaye Wade va le maintenir avant de créer le Sénat. Mais Macky Sall a opté pour le Hcct.

Dans la même lancée, Pr Mouhamadou Mawloud Diakhaté, conseiller de la présidente du Hcct et responsable des pôles territoires estime que c'est peut-être par méconnaissance du rôle de cette institution que ces critiques sont formulées.

" Ceux qui ont pris la parole pour se prononcer sur l'utilité ou pas du Hcct auraient dû au préalable se renseigner, documenter leur avis pour être crédibles. Parce que ce qu'ils ont avancé est totalement faux. Il faut qu'ils sachent que la mission du Haut Conseil est fixée par la Constitution ", soutient M. Diakhaté.

Selon lui, il y a un nouveau paradigme en matière de décentralisation. Celui-ci est basé sur l'Acte 3 et le Pnadt avec la création de territoires compétitifs et porteurs de développement durable. " Cela passe obligatoirement par une institution, un organe qui est l'interface entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux.

Donc le Hcct joue le rôle d'une courroie de transmission. Parce que sa compétence c'est d'approfondir la décentralisation, mais aussi l'aménagement du territoire et le développement territorial ", explique le professeur Diakhaté.

Le haut conseiller n'a pas droit à la retraite

D'ailleurs, depuis sa création, cette institution a fait bouger les lignes sur bien des questions. Notamment en faisant le plaidoyer sur l'équité territoriale en permettant, entre autres, aux communes rurales de bénéficier du Pacasen (Programme d'appui aux communes et agglomérations du Sénégal).

De même, les hauts conseillers ont permis de revaloriser le statut chef de village qui est le premier maillon du pouvoir décentralisé. D'autres actions ont été menées par les hauts conseillers comme la création de la valise de l'élu sans compter le plaidoyer fait sur la Fonction publique locale.

Malgré toutes ces réalisations, le Hcct est vu comme une institution qui consomme trop de moyens. Aussi bien financiers que matériels. Une idée réfutée par le Pr Mouhamadou Mawloud Diakhaté. Selon lui, le Haut conseil vit avec des " conditions spartiates " et contrairement à ce que les gens disent, ce n'est pas un lieu où l'on se régale et se partage des cadeaux.

" Si le budget du Sénégal est l'équivalent de 10 000 Fcfa, le Hcct a consommé 30 Fcfa sur ces 10 000 Fcfa. En consommant 30 Fcfa, le Hcct créé plus de 250 emplois dont les chauffeurs qui sont pris en charge par les Hauts conseillers ", explique Pr Diakhaté.

Il s'y ajoute, selon lui, qu'un haut conseiller n'a pas de salaire, mais dispose d'indemnités mensuelles de session. " Ensuite, il faut rappeler que le haut conseiller n'a pas droit à la retraite. Même s'il effectue plusieurs mandats, ce n'est pas comme à l'Assemblée nationale.

Il s'y ajoute que le haut conseiller ne dispose pas de prise en charge médicale. Il se soigne à ses frais lui et sa famille et plus de la moitié des hauts conseillers qui proviennent des régions louent un appartement et à ses frais. Le Hctt ne dispose pas d'hôtel ", soutient Pr Mouhamadou Mawloud Diakhaté.

Maguette NDONG

INSTITUTION CONSULTATIVE SANS POUVOIR DE DECISION

Des voix militent pour l'évolution de son statut

Le Hcct doit-il demeurer une institution consultative sans pouvoir de décision ou faut-il qu'il change de statut ? La question est loin d'être tabou chez les hauts conseillers qui souhaitent une évolution de ce statut. " Je suis pour l'évolution de l'institution.

Parce que le Hcct ne fait que porter des plaidoyers et étudier certains dossiers et donner des solutions ", explique le Professeur Mouhamadou Mawloud Diakhaté, ajoutant qu'ils puissent jouer " plus positif et plus appréciable " par les populations, il leur faut avoir un pouvoir de délibération. D'ailleurs, M. Diakhaté explique que le Hcct travaille avec les communes dirigées par l'opposition et celle se réclamant de la majorité.

Me Ousmane Sèye adhère à l'idée, mais il souhaite que le Hcct et le Conseil économique social et environnemental (Cese) soient fondus et transformés en Sénat. " Une telle institution aurait un pouvoir décisionnel et serait chargée de revoir en seconde lecture les lois votées à l'Assemblée nationale. La création de cette seconde chambre va permettre de renforcer les institutions ", explique le vice-président du Hcct.

NDONG

HCCT

Historique d'une institution décriée par l'opposition

Le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct) a été créé en 2016 par le Chef de l'Etat pour la modernisation de l'action publique territoriale.

2 novembre 2019 ! Aminata Mbengue Ndiaye est nommée à la tête du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct). Elle remplace à ce poste le défunt président de l'Institution, Ousmane Tanor Dieng, décédé le 15 juillet de la même année à Bordeaux des suites d'une maladie.

Cette institution a été créée en 2016 par le Président de la République par la loi constitutionnelle n°2016-10 du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution et adoptée par référendum du 20 mars 2016. C'est-à-dire trois ans après la tenue en janvier 2013, à Addis-Abeba, de la 22e session ordinaire du Conseil exécutif de l'Union africaine (Ua). Une occasion à laquelle le Président Macky Sall avait proposé aux Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union africaine, la création d'un Conseil des Collectivités locales au sein de l'Union.

Ainsi, au Sénégal, la création procède de la volonté du Chef de l'Etat d'approfondir la décentralisation. Mieux, sa vocation est de contribuer à la modernisation de l'action publique territoriale, à l'aménagement équilibré du territoire, à la mobilisation des territoires pour la croissance et l'emploi ainsi qu'au développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

L'institution comprend 150 membres, investis pour un mandat de cinq ans dont les 80 sont élus au suffrage indirect. Les 70 autres sont nommés par le Président de la République, Macky Sall. Celui-ci, lors de la cérémonie d'installation des Hauts conseillers, le 31 octobre 2016, indiquait que cette institution consolide l'édifice républicain et enrichit l'architecture institutionnelle.

" Par sa vocation, ses missions et sa composition, le Haut conseil des collectivités territoriales renforce la participation active des acteurs territoriaux à la définition, à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques publiques territoriales ", avait déclaré le Chef de l'Etat. " Le Haut Conseil des Collectivités territoriales constitue un laboratoire où sera expérimentée la démocratie locale au niveau d'une assemblée où tous les ordres de collectivités locales sont représentés ", avait ajouté, à l'époque, Ousmane Tanor Dieng.

Cependant, cette institution fait aujourd'hui l'objet de contestation. Les membres de l'opposition, réunis autour de l'inter-coalition Yaw-Wallu plaident pour sa dissolution parce qu'ils la considèrent comme " budgétivore ". Ils ont d'ailleurs décidé de boycotter les élections prévues pour le 4 septembre prochain. Car, selon eux, c'est une institution qui ne sert qu'à " caser du personnel politique ". Ce, même si certains de leurs camarades en étaient membres.

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Bilan des réalisations des hauts conseillers en 5 ans

Les hauts conseillers ont dressé le bilan du travail qu'ils ont abattu durant passées au sein de cette institution.

La date de l'élection des Hauts Conseillers des collectivités territoriales est fixée au 4 septembre prochain. La décision est prise par le Président de la République. En prélude à cette échéance, les hauts conseils sortant ont présenté un bilan qu'ils jugent satisfaisant. Ils ont, entre 2016 et 2021, conformément à leurs missions et attributions adossées à un plan stratégique conçu, élaboré de nombreux avis et recommandations, des contributions et des études.

Ce, sur des thématiques aussi variées et en cohérence avec les trois axes du Plan Sénégal Emergent (Pse) et, disent-ils, aux préoccupations des populations. Ainsi, révèle Pape Maël Thiam, premier vice-président du Hcct : " 5 rapports dont 4 annuels et un quinquennal, 4 contributions, 6 études et 26 avis répartis en 548 recommandations motivées ont été élaborés et mis à la disposition du Président de la République et du Gouvernement à partir de l'audition de 145 structures et personnalités ".

A en croire M. Thiam, ces avis, contributions, recommandations et études formulés par le Hcct n'ont pas été sans utilité. Ils ont été d'un grand apport pour le pouvoir en place. Ils ont permis au Président de la République et à son Gouvernement de lancer des réformes.

En guise d'exemple, Pape Maël Thiam mentionne la mise en place de la fonction publique locale. A cela s'ajoute le Programme d'Appui aux Communes et Agglomérations du Sénégal (Pacasen) rural. Lequel a bénéficié à plus de 450 collectivités territoriales, l'amélioration du statut du chef de village.

Autres profits tirés des rapports des hauts conseillers : ils ont permis de faire des propositions de réactualisation de certains textes législatifs et réglementaires dans certains secteurs et d'apaiser le climat social. " En plus, l'élection des maires au suffrage universel direct a bénéficié d'un fort plaidoyer du Hcct qui a aussi fortement contribué à l'élaboration du plan national d'aménagement du territoire ", a expliqué Pape Maël Thiam.

Il annonce, dans le même sillage, que le Hcct a élaboré " la valise de l'élu " pour encadrer et accompagner les collectivités territoriales et les élus dans la gouvernance administrative, budgétaire, foncière et financière. En sus, Les travaux du Hcct ont permis de mettre en place les bureaux d'orientation et de suivi des migrants.

Le Hcct a également, dans le cadre de la promotion des bonnes pratiques, reboisé une superficie de 50 ha dans la commune de Léona (Louga). Ce, pour aider les collectivités territoriales à créer des bois communaux afin de participer à l'atténuation des effets des changements climatiques. Aussi, il a décaissé plus de 120 millions de FCfa pour contribuer dans la lutte contre la pandémie à coronavirus.

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