Cote d'Ivoire: Aka Henri Augustin (secrétaire général de la HABG) - "Les médias doivent mettre à nu les pratiques de corruption cachées !"

16 Septembre 2022
interview

Le 28 juillet dernier, s'est tenu au siège de la Haute autorité pour la bonne gouvernance (HABG), à Abidjan, la cérémonie de lancement du " Prix spécial N'golo Coulibaly pour la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées ".

Ce prix qui sera remis, le 28 septembre prochain, lors de la 4ème édition du " Prix CAIDP du Réseau des journalistes pour l'accès à l'information ", au Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire, récompense les meilleures productions journalistiques sur la sensibilisation, la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Dans cette interview, M. Aka Henri Augustin (secrétaire général de la HABG) situe les enjeux de ce prix et indique les thématiques cruciales vers lesquelles les femmes et les hommes de médias doivent s'orienter pour des productions pertinentes.

La HABG (Haute autorité pour la bonne gouvernance) et son partenaire la CAIDP, en collaboration avec le REJAIP-CI, lance cette année le " Prix spécial N'golo Coulibaly pour la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées ". Pouvez-vous rappeler l'intérêt d'un tel prix ?

Depuis 2019, un rapprochement entre la Commission d'accès à l'information d'intérêt public et à la documentation publique (CAIDP) et la Haute autorité pour la bonne gouvernance (HABG) est effectif. Ces deux autorités administratives se rejoignent dans leurs missions de promotion, de vulgarisation et de sensibilisation sur les textes juridiques, en matière de prévention de la corruption. La CAIDP a pour mission de veiller à l'accès à l'information et aux documents publics quand la HABG assure une mission de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées conformément aux dispositions de l'article 4 de l'ordonnance 2013-661 du 20 septembre 2013 fixant les attributions, la composition, l'organisation et le fonctionnement de la Haute autorité pour la bonne gouvernance.

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Le " Prix spécial N'golo Coulibaly " vient motiver les hommes et les femmes des médias dans leur grand ensemble, presse écrite, presse en ligne, télé, radio, blogueurs, à la transparence dans les relations avec le public.

" Le Prix N'golo Coulibaly pour la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées " scelle le rapprochement de nos deux institutions, pour promouvoir, de concert, la transparence dans la gestion de l'information publique, afin d'endiguer la corruption. En effet, l'accès libre à l'information d'intérêt public et aux documents publics reste une forte attente des populations, de la société civile et des médias, dans le processus de délivrance des services publics. Toute chose qui leur permettra d'exercer leur contrôle citoyen sur les services publics qui leur sont rendus.

Le " Prix spécial N'golo Coulibaly pour la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées " est le moyen, par excellence, de susciter une saine émulation dans l'engagement des hommes et des femmes de médias aux côtés des institutions, dans la prévention et dans la lutte contre la corruption et les infractions assimilées.

De façon concrète, quelles sont les thématiques en termes de prévention et de lutte contre la corruption, que les hommes de médias, dans leurs productions, doivent prendre en compte ?

Toutes les thématiques concernant la prévention et la lutte contre la corruption sont cruciales. Nous ne serons donc pas exhaustifs ni limitatifs.

La lutte contre la corruption cependant, traverse une chaine de cinq (05) maillons qui partent de la prévention au recouvrement des avoirs illicites, en passant par la détection, la répression et la coopération.

Ce sont les thématiques sur lesquels, les hommes et les femmes de média devront s'appesantir tout au long de leur travail d'information du public. Ils seront amenés à s'informer et à se former sur les thématiques, en faisant beaucoup de recherches.

Les ordonnances 2013-660 du 20 septembre 2013 et 2013-661, du 20 septembre 2013, en tant qu'instruments juridiques légaux de base, constituent une source d'information à privilégier, afin de mieux comprendre les textes prévus par le législateur en Côte d'Ivoire, dans le cadre de la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Les deux (02) ordonnances sont téléchargeables sur le site de la HABG : www.habg.ci

Quelle place pour les journalistes dans la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées ?

Les médias sont un maillon essentiel de la lutte contre la corruption, car ils sont chargés d'informer le public, de faire des investigations pour mettre à nu les pratiques de corruption qui sont cachées. Elles constituent les moyens utilisés dans le pacte de corruption.

L'objectif que nous recherchons à travers ce prix, c'est d'encourager les hommes et les femmes de média à orienter leurs analyses pour permettre aux entités de contrôle de lutter contre les cas de malversations, de comportements déviants et d'infractions à la probité.

Quel est l'état des lieux de la lutte contre la corruption en Côte d'Ivoire ?

La Côte d'Ivoire a fait des avancées notables. Il faut rappeler qu'elle a une tradition de lutte contre la corruption. A la suite d'un certain nombre de scandales, une loi anti-corruption a été prise en 1977 et s'est soldée par l'emprisonnement de certaines autorités de l'époque.

Aujourd'hui, avec les nombreuses crises traversées, certains comportements empreints de corruption apparaissent çà et là et résistent au temps et aux efforts pour endiguer la corruption qui se nourrit des dysfonctionnements et de l'opacité des procédures. L'environnement se prête à plus de corruption, à telle enseigne que la perception des populations est que la corruption est entrée dans les mœurs et les usages des Ivoiriens.

La perception de la corruption encrée profondément dans les us et coutumes n'est donc pas reluisante. Avec un rang de 104 et un score de 36 points/100 à l'indice de perception 2021 de Transparency, la Côte d'Ivoire doit redoubler d'efforts. Selon les chiffres de la corruption avancés par certaines structures officielles, en 2019, la corruption est estimée autour de 1400 milliards.

Cependant il faut noter que la volonté affirmée de l'Etat de Côte d'Ivoire de lutter contre la corruption et les infractions assimilées, le blanchiment de capitaux et le terrorisme s'est traduite par des avancées notables au niveau juridique, institutionnel et répressif. On citera entre autres, la ratification des différentes conventions de l'ONU, de l'Union africaine et de la CEDEAO. On citera également le renforcement des textes juridiques pris sur le régime de la protection des témoins, les conflits d'intérêts et la création d'un ministère dédié à la promotion de la bonne gouvernance. C'est donc un signal fort qui témoigne de l'engagement avéré du gouvernement, à traiter la question de la lutte contre la corruption comme priorité nationale.

Le renforcement du dispositif de répression est entré dans sa phase active comme nous avons pu tous le constater, avec la création, la mise en place et l'opérationnalisation du Pôle pénal économique et financier (PPEF) et récemment, la mise en place d'un bureau de recouvrement des avoirs illicites.

La Haute autorité pour la bonne gouvernance invite tous les acteurs à se mobiliser et à se coaliser autour de la question, surtout, à fédérer leurs énergies pour tacler la corruption. C'est donc à juste titre que le rapprochement avec la CAIDP est apparu comme une évidence, en vue de prévenir et combattre l'opacité, dans la gestion des services rendus au public. La disponibilité des informations publiques aide réellement à l'exercice effectif du contrôle citoyen, que doivent exercer les populations. Il est important que cet accès à l'information à caractère public et aux documents publics des populations et des médias leur permette de traiter et de déceler les manquements à signaler.

Le prix spécial a vocation à s'ouvrir aux journalistes du monde francophone et ouest-africain. Quel est le format pour la récompense des lauréats ?

Le format s'inscrit dans un mode opératoire rigoureux ayant déjà fait ses preuves, au vu de l'engouement que suscite chaque année, le prix de la CAIDP, à travers la participation des hommes et des femmes de médias. Pour la HABG, le critère de rigueur demeure la transparence pour une bonne gouvernance dans le choix des lauréats des différents prix.

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