Afrique: Un musée de Washington restitue 29 oeuvres d'art au Nigeria

Les photographies des objets retirés dans le musée d'art africain, lors d'un entretien avec la directrice, au musée d'art africain, le 6 avril 2022.

Depuis plusieurs mois, des photographies recouvrent un pan de mur du Musée d'art africain à Washington. A côté, d'autres photographies montrent les mêmes objets d'art : des statues de bronze originaires du royaume du Benin, l'actuel État de Edo, au Nigeria.

La Sud-Africaine Ngaire Blankenberg, la nouvelle directrice du musée, s'est dite "mal à l'aise" à l'idée d'exposer des objets issus de pillages. Dès son arrivée, elle demande à son équipe de retirer les pièces et de les remplace par des panneaux explicatifs le temps de trouver autre chose à exposer. Nous sommes en avril.

Après de longs mois de discussions, c'est maintenant fait. Ce mardi 11 octobre, ce musée qui fait partie du Smithsonian, un massif complexe éducatif et culturel situé dans la capitale américaine, a annoncé avoir remis 29 objets d'art en bronze aux autorités nigérianes. La restitution a été officialisée lors d'une cérémonie à laquelle ont pris part Lai Mohammed, ministre de l'Information et de la Culture du Nigeria, le prince Aghatise Erediauwa, représentant l'oba, ou souverain, du royaume du Benin, Mme Blankenberg, ainsi que des représentants de la Galerie nationale d'art.

"Non seulement rendre la propriété de ces magnifiques artefacts à leur domicile légitime était la bonne chose à faire, mais cela montre aussi comment nous bénéficions tous quand les institutions culturelles font des choix éthiques", a déclaré dans un communiqué Lonnie Bunch, le patron du Smithsonian.

Du côté des autorités nigérianes, on affiche un sentiment de satisfaction. "Le Nigeria est extrêmement satisfait de la décision louable du Smithsonian's National Museum of African Art, de la National Gallery of Art et de la Rhode Island School of Design de restituer ces objets qui ont quitté l'Afrique il y a plus d'un siècle", a déclaré Lai Mohammed.

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"En restituant les artefacts, ces institutions écrivent ensemble de nouvelles pages de l'histoire. Leur décision courageuse de restituer les œuvres d'art intemporelles mérite d'être imitée", a ajouté le ministre.

L'initiative d'une femme

"Je voulais retirer les oeuvres de Benin City car ça me blesse. Quand les gens de la diaspora vont dans les musées, ils voient des objets qui ne devraient pas être là", explique Mme Blankenberg, ajoutant que "c'est une sorte de violence, et ça fait du mal physiquement et mentalement".

Pour commencer la longue procédure de restitution, Ngaire Blankenberg a contacté Abba Isa Tijani, le président du conseil des musées et des bâtiments du Nigeria (National Commission for Museums and Monuments) pour faire avancer la procédure de restitution. Le musée du Smithonians étant une institution fédérale, la nouvelle directrice une nouvelle politique a été mis en place pour autoriser le retour des bronzes de Bénin City.

Le réseau Smithonians n'avait encore jamais restitué au Continent. En 1996, le musée des Indiens américain a publié un décret pour mettre en place des retours de restes humains appartement à des tribus indiennes. Ngaire Blankenberg fait bouger les choses dans cette institution vieille de 176 ans.

"Si je veux créé un espace pour les Africains et leurs descendants, et pas seulement les Européens, c'est important que les objets qui ne devraient pas être là, ne le soit pas", souligne-t-elle. Pour la directrice, il était normal de commencer par les bronzes du Bénin: "on sait qu'ils ont été volés ces objets d'art pour détruire le pouvoir du royaume, ils ne doivent pas être ici car c'était violent et pas éthique".

Que pensent-elle des musées européens contre la restitution? "Il y a beaucoup d'excuses pour ne pas retourner des objets, et une des excuses est que les musées africains ne sont pas prêts pour les recevoir, mais ce n'est pas à nous de juger", estime-t-elle. "La grande question, c'est qui décide? Des conditions? Pour nous, c'est très commun dans les musées de l'Ouest de décider de la manière dont on devrait exposer les objets. Ce n'est pas à nous de décider des conditions".

Au delà de la question de la restitution, c'est le soft power des musées est en jeu selon elle : "on voit le soft power dans deux instances: l'un au sein des gouvernements, il y a une sorte de diplomatie qui arrive, et le soft power du 21e siècle pour construire une communauté en commun avec les gens racialisés peuvent avoir une place dans les musées, pour qu'entre nous, on installe une conversation d'égale à égale".

"C'est très important pour notre stratégie, donc il faut abandonner les contraintes coloniales pour arriver à une relation d'égale à égale, mais nous ne pouvons pas faire cela tant qu'on a des objets qui ne sont pas à nous", insiste-t-elle.

Elle rappelle que "les musées sont très eurocentriques avec des objets volés ou pas vraiment collaborative, avec une balance inégale du pouvoir".

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