Mali: Le bambara ou bamanankan, langue officielle au pays?

Bamako capitale du Mali
27 Octobre 2022

La question fait débat. Doit-on aller vers l'officialisation des langues nationales et notamment faire du bamanankan, ou bambara, une langue officielle ? Depuis la publication début octobre, de l'avant-projet de la nouvelle Constitution, la loi qui évoque les langues nationales et officielles, suscite un débat dans tout le pays. Le climat sécuritaire et le choix fait par le Mali de se tourner vers un partenariat avec la Russie pour remplacer la France n'y est pas étranger.

En plus de la langue bamanankan, une dizaine d'autres langues nationales comme le senoufo-minianka, le peul, le soninké, le bozo, le tamasheq, l'arabe ou encore le songhaï sont couramment parlées sur l'ensemble du territoire.

A côté de ces langues, le français demeure la langue officielle du pays. C'est celle utilisée par l'Etat, mais aussi dans les services publics et dans l'enseignement.

Mais, l'avant-projet de la nouvelle Constitution qui n'écarte pas l'hypothèse de la revalorisation des langues nationales est mal accueilli par Ibrahim Maiga, un jeune ressortissant du nord du Mali. Selon lui, cette décision pourrait avoir de lourdes conséquences :

"Essayer d'adopter la langue bamanankan comme longue officielle, ce serait vraiment exclure les populations du nord du Mali. Pour l'instant, là où nous sommes, nous n'en avons pas besoin. Parce qu'il n'y a pas que langue bamanan, il y a plusieurs autres langues. Chez nous au nord, on parle le Songhaï par exemple. Si c'est adopté, ce serait une situation très grave qui pourrait mettre en danger l'unité et la cohésion sociale entre les populations."

Grincements de dents

L'idée fait également grincer des dents. Amadou Sangha est enseignant. Il met l'accent sur la compréhension et la performance des élèves, ainsi que sur l'intégration régionale du Mali.

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"Vous allez trouver que les localités diffèrent. Il sera quand même dangereux de changer de programme scolaire. Deuxième aspect, vous savez, il y'a la question de la compétitivité sur le plan régional et international. Partant de là, vous n'êtes pas savoir que nous voulons aller vers une uniformisation des examens au niveau de la sous-région dans le cadre de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et de l'UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine). Imaginez que nos enfants ne puissent s'exprimer qu'en bamanankan, en fulfulde ou bien en dogon, vous verrez qu'ils seront moins compétitifs par rapport aux autres élèves de la sous-région voire au-delà", explique l'enseignant.

Manque de courage

Dans l'article 31 de l'avant-projet de la nouvelle Constitution, il est écrit que les langues nationales constituent un patrimoine et qu'elles ont vocation à devenir des langues officielles.

Pour le professeur Abou Diarra, linguiste, cette disposition n'est pas, je cite "courageuse". Avant d'ajouter que l'utilisation de la langue bamanankan comme langue officielle à côté du français, ne poserait toutefois aucun problème.

"Parce que ça ne permet pas d'avancer dans la promotion de nos langues nationales. Je crois qu'à côté du français, nous devons affirmer clairement que les langues nationales sont des langues officielles et que leur opérationnalisation se fera de façon progressive. S'agissant du bamanakan qui est la grande langue de communication au Mali, elle est parlée par 70 à 80% de la population. Tous ceux qui parlent le bamanakan ne sont pas forcément des bambaras natifs, c'est-à-dire que le bamanakan n'est pas leur langue maternelle. Mais c'est à cause de la dynamique et de la vehicularité du bamanakan que beaucoup de personnes parlent cette langue. Je voudrais ajouter que dans aucun pays au monde, la langue officielle n'est parlée par 100% de la population" estime donc le professeur Abou Diarra.

En raison des relations bilatérales très dégradées entre le Mali et la France actuellement, beaucoup de Maliens semblent estimer que le fait de continuer à parler français est un non-sens. En mars 2023, un referendum sera organisé pour valider ou pas l'avant-projet de la nouvelle Constitution.

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