Madagascar: Jean Laborde introduit des produits industriels à Tana

Pendant une vingtaine d'années, Ranavalona Ire fait beaucoup pour Antananarivo, en particulier de 1831 à 1857. C'est en novembre 1832, en effet, que le Français Jean Laborde arrive dans la capitale du royaume merina, muni d'une lettre de recommandation adressée à la reine par Napoléon de Lastelle (lire précédentes Notes). Jean Laborde, forgeron de métier, décide de courir le monde quand, parti à la recherche d'un fabuleux trésor, une tempête le jette sur la côte Est de Madagascar. Comme Cameron, il arrive jeune à Antananarivo et comme lui, il y meurt chargé d'années et d'expériences. Il doit également fuir son pays d'adoption à un moment de sa vie, chassé par l'implacable souveraine. Mais plus heureux que le missionnaire anglais, il peut y revenir quelques années plus tard. Sa longue carrière s'accomplit presque entièrement à Antananarivo. Esprit inventif, ouvrier habile, organisateur inventif, il sait vite se rendre indispensable à la reine. Généralement doué, " il a tout tenté et presque tout réussi ".

Il fabrique d'abord des fusils à Ilafy, en prenant la suite d'un autre Français appelé Droit. Mais c'est en 1837 qu'il s'introduit véritablement dans le pays, en fondant à 60 km d'Antananarivo, près de sources abondantes, les établissements de Mantasoa au prix d'innombrables difficultés et avec vingt mille manœuvres. Il emploie aussi des militaires de l'armée de la reine. Des apprentis viennent également de la capitale pour apprendre un métier et ils se recrutent parfois parmi les hautes castes. Au complexe de Mantasoa appelé " Soatsimanampiovana " où s'élève un haut-fourneau en 1843, les usines opèrent la fonte du minerai extrait du sol, entre 1831 et 1857, la fabrication du fer, de l'acier, des fusils, des canons, de la poudre, des paratonnerres, des peaux tannés, de la verrerie, de la faïence, des briques et des tuiles, de la chaux, du savon, des bougies, des pagnes, de l'encre, de l'acide sulfurique, des étoffes, des cordages, de la soie, du sucre... D'Antananarivo, la reine et les Grands de la Cour viennent à Mantasoa où ils se font bâtir des résidences, pour satisfaire leur curiosité devant tant d'attractions...

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En 1839, Jean Laborde se fait charpentier pour construire en bois le Palais de Manjakamiadana dédié à Ranavalona Ire, que James Cameron revêt ensuite d'une façade de pierres. Il se fait architecte et maçon pour réaliser le tombeau du Premier ministre à Isoraka-Isotry. Il forme des forgerons, des charpentiers, des maçons, des tourneurs de bois et de métal et, pour la première fois, des tailleurs de pierre. Tout cela, sans aide autre que les indications techniques qu'il puise dans des manuels de vulgarisation, utilisés en France à la même époque. Il lit la nuit les manuels Roret et enseigne le lendemain à ses ouvriers ce qu'il en tire.

" Sous son impulsion, quarante corporations d'artisans se créent dans la capitale. " Antananarivo doit aussi à Jean Laborde d'avoir introduit des bœufs de trait, des antilopes, des moutons mérinos, la vanille, l'arrow-root, les pommiers et la vigne, les cyprins dorés qui ont pullulé et des carpes. Pour la reine, il fabrique du vin, des sirops, du rhum, des jambons et du fromage. Mais aussi des bijoux, des meubles, des instruments de musique et des fleurs artificielles.

" On ne sait ce qu'il faut admirer le plus de son habileté ou de sa prodigieuse activité ". Mais comme Jean Laborde est la seule âme de la cité ouvrière, la ruine de l'œuvre de Mantasoa est plus rapide encore que sa croissance. Ses cinq années d'exil suffisent pour y faire de terribles ravages. " Le travail manquant, les habitants ont émigré pour ne pas mourir de faim. De la filature, il reste à peine quelques débris... ", remarque le capitaine Dupré en 1862. Cependant, quelque chose en reste.

" Ce ne fut pas absolument en vain qu'un Européen, aussi distingué par ses aptitudes et ses capacités de travail, avait inculqué pendant une vingtaine d'années des principes et des méthodes nouvelles à des milliers d'ouvriers. " Bon nombre d'entre eux continuent à se livrer, pour leur propre compte, à l'activité que Jean Laborde leur a enseignée. Exilé en 1857, à la suite de l'échec de la conspiration contre la reine, Jean Laborde se retire à La Réunion. Il revient dans la capitale merina en janvier 1862, comme consul de France auprès de son filleul qu'il a assisté pour la circoncision, le prince Rakoto devenu Radama II en 1861.

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