Afrique: COP27 - "Ce dont les populations vulnérables ont besoin, ce n'est pas un agenda, ce sont des finances"

interview

Eva Peace Mukyiranga est négociatrice junior de la Convention-Cadre, cette Rwandaise travaille au sein de la délégation africaine depuis, comme spécialiste finance. Elle a par ailleurs cofondé la Coalition de la jeunesse pour les " pertes et dommages " (LDYC), ces dégâts causés par le réchauffement. Nous l'avons rencontrée à Charm el-Cheikh où elle participe à la COP27 au sein de sa délégation.

De notre envoyé spécial à Charm el-Cheikh

RFI : Les " pertes et dommages " ont été inscrits à l'agenda des négociations, pour la première fois. C'est une victoire pour vous ?

Eva Peace Mukyiranga: C'est un premier petit pas dans la bonne direction dès le premier jour de la COP. Cela fait depuis 1991 que les pays vulnérables réclament les " pertes et dommages ", donc ça fait plaisir. Mais c'est juste un agenda, il reste un long chemin. Il faut maintenant réussir à obtenir un accord sur un mécanisme financier sur les pertes et dommages. Ce qui est nécessaire, pour les populations vulnérables, ce n'est pas un agenda, ce sont des finances. Elles existent pour l'atténuation, pour l'adaptation, mais pas pour les pertes et dommages. Les gens perdent leur maison, leur école, leur vie à cause des inondations. C'est toute une vie qui change du jour au lendemain, et pour l'instant, il n'existe pas de moyen pour les aider à reconstruire et faire face à ces désastres, comme au Nigeria. C'est à ce moment que les gens ont besoin d'argent et c'est là qu'interviennent les pertes et dommages. Nous espérons donc un mécanisme pour les " pertes et dommages " à cette COP.

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Est-ce que le Rwanda vit des évènements extrêmes comme ceux-là ?

Au Rwanda, c'est plutôt la sécheresse. Cela affecte le changement des saisons. La durée des saisons des pluies, qui n'est plus aussi régulière, ne donne pas les récoltes qu'on espérait. Cela provoque une perte de revenus. Ça affecte les agriculteurs, qui est le moyen de survie de la majorité de la population. Ma sœur et mes parents sont agriculteurs maraîchers. Je m'inquiétais justement avant de venir s'ils allaient pouvoir planter.

Quelle est votre parcours et quel est votre rôle au sein de la délégation ?

Je suis née à Kigali, j'ai étudié l'administration d'entreprise. Je n'étais pas très au courant du changement climatique. Depuis 2018, je suis impliquée dans une ONG locale, les Green Protector, où j'aide à faire la comptabilité. Mais elle m'a permis d'aller à la COP24. C'était une vraie jungle pour moi ! Je comptais poursuivre mes études dans la finance et j'ai découvert qu'il y avait des liens entre le développement économique et le changement climatique. Si on ne le prend pas en compte, il n'y aura pas de développement durable.

Je fais partie de la Coalition des jeunes pour les pertes et dommages, qui rassemblent des jeunes de partout dans le monde, beaucoup d'Afrique. Elle a pour objectif de promouvoir la jeunesse sur cette question, de faire du plaidoyer, etc.

Je suis membre de la délégation rwandaise à cette COP, avec plus d'une dizaine de jeunes autres négociateurs, sur environ 70 personnes. Je suis en cours de formation, mais je peux aussi prendre la parole.

L'utilité des COP est souvent remise en cause. Qu'en penses-tu ?

Elles sont utiles. S'il n'y avait eu cette pression sur les pays développés pour prendre positions sur la question des pertes et dommages, nous n'aurions jamais eu d'agenda. Et je crois que les jeunes ont joué un grand rôle pour que cela arrive. Ils ont été très mobilisés à la COP26 qui ont fait en sorte que cette question soit portée au premier plan des discussions. Je crois qu'on peut transformer le blablabla en action, que ce soit en tant que négociateur ou militant.

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