Afrique: Semaine gastronomique de l'Afrique centrale - À la Place du Souvenir, le " ndolé " éveille les papilles

7 Novembre 2022

Du 04 au 06 novembre 2022, la semaine gastronomique de l'Afrique centrale a offert la possibilité de découvrir ou de redécouvrir les mets raffinés des pays de l'Afrique centrale comme le " ndolé ". Un plat qui met Camerounais et Sénégalais d'accord.

Aux fourneaux toutes et que ça saute. À la Place du Souvenir africain, en contrebas du Musée de la femme Henriette Bathily, les becs de gaz de cuisine sont allumés, un à un sous les bâches blanches tendues vers un soleil de 16 heures plutôt clément. Un nombre important de tables et de chaises sont disposées au milieu d'un ensemble de six stands représentant chacun un pays de l'Afrique centrale.

Devant celui du Cameroun, qui n'affiche pas encore ses couleurs comme le stand de la Rd Congo situé en face, Maï Bodian, une Sénégalaise de 34 ans, se présente comme une experte du " ndolé " pour l'avoir préparé à plusieurs reprises avec sa patronne, responsable du stand, absente ce vendredi 04 novembre, jour d'ouverture de la Semaine gastronomique de l'Afrique centrale (Sgac).

" Le " ndolé " est un plat très simple à préparer ", explique Mlle Bodian. Par quoi on commence alors ? " L'ingrédient star, ce sont les feuilles de " ndolé " ", avance notre interlocutrice. De son nom scientifique Vernonia amygdalina, le " ndolé " est une plante des régions humides du sud-ouest du Cameroun. Il est utilisé dans la cuisine africaine, frais. " Pour réussir sa préparation, il faut bien s'occuper des feuilles. Elles sont très amères à l'état naturel ", détaille Maï Bodian.

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D'où son nom anglais " bitter leaves " (feuilles amères). " Avec Francine, ma patronne, poursuit-elle, nous avons l'habitude de les tremper trois fois de suite dans de l'eau tiède pour atténuer l'amertume ". Après un long bain, les feuilles sont finement hachées puis réservées. La cuisine se poursuit avec des arachides écrasées dans un mortier ou dans un mixeur. " Nous utilisons la même quantité d'arachide que le " ndolé ". C'est plus équilibré ", estime M. Bodian. De l'eau est par la suite versée sur les arachides pour les rendre compactes.

" Ensuite, de la viande de bœuf est bouillie avec de l'oignon blanc, du persil, de l'ail, du piment vert, du sel et des épices ". Sur un petit meuble en bois vertical, Maï Bodian indique des sachets en carton contenant les épices les plus utilisées pour le " ndolé ". " Il y a par exemple le poivre blanc de Penja. Il remplace très bien le cube ". Trente minutes de cuisson sont assez suffisantes, selon Maï, pour ramollir la viande. Assez suffisant aussi pour passer à la prochaine étape. Elle consiste à faire bouillir dans une casserole de l'eau, les arachides écrasées, le " ndolé " haché, la viande bouillie, des crevettes roses, du gingembre, de la mixture (" nokos " en wolof), des épices pour le goût et un filet d'huile.

" On peut accompagner cette bonne sauce aux feuilles avec des bananes plantains bouillies et pilées ou des bâtons de manioc ". Les bâtons de manioc sont obtenus en laissant tremper le manioc épluché quelques jours dans de l'eau et en l'écrasant, débarrassé de son eau dans un mortier.

Si loin si proche

La semaine africaine de l'art culinaire concentre tout ce que l'Afrique centrale a de beau et de bon dans l'assiette. La pluralité des plats stimule la gourmandise. " Si vous me demandez de citer un seul plat originaire du Congo, j'aurais du mal à vous répondre. Nous avons du tout. Nous mangeons de tout ce qui est bon et naturel comme les chenilles " Mbinzo " bouillies et assaisonnées avec du sel et de l'oignon ". La Congolaise Nadine Harczi Kabuya, responsable du stand de la Rdc, dévoile avec le sourire un plateau argenté garni de ces insectes aussi goûteux que de la viande.

La richesse de la cuisine de l'Afrique centrale est un plaisir pour les yeux et les papilles. Cependant, dans les yeux du journaliste gabonais Régis Moukila, panéliste à la cérémonie d'ouverture de la Sgac, il y a danger. L'éventail de choix peut s'avérer handicapant dans la promotion de la cuisine du centre de l'Afrique : " Aujourd'hui quand vous partez à l'extérieur du continent, beaucoup de personnes sont incapables de vous citer un seul plat de l'Afrique centrale.

Parce que les Africains ne veulent pas se mettre d'accord sur deux ou trois plats qui pourraient voyager au-delà de leurs frontières et promouvoir leur gastronomie. Et pourtant, les Gabonais et les Centrafricains, je ne parle même pas des Congolais, ont dans l'assiette tellement de choses en commun ". S'il y a un pays en Afrique centrale où tout le monde tombe d'accord autour d'un plat, c'est bien au Cameroun. Comme le Sénégal avec le " thiebou dieune ". Au pays des " Lions indomptables ", le " ndolé " est élevé, sans polémique, au rang de plat national.

C'est le plat convivial par excellence. Celui que l'on sert aux invités qui débarquent pour la première fois dans ce pays aux ethnies multiples. Quand elle mange le " ndolé ", Maï Bodian a l'impression de retrouver un peu de sa Casamance natale à chaque cuillerée de cette sauce verte. " Le " ndolé " est très similaire à l'" étodié ". La seule différence réside dans les feuilles utilisées et l'huile ", explique-t-elle. L'" étodié " est préparé avec des feuilles de manioc et de l'huile de palme. C'est le plat populaire de l'ethnie diola, habitants de la Casamance.

Les bienfaits du " ndolé "

Au Cameroun, les tubercules et les feuilles sont très appréciés. Cuisiner avec des ingrédients naturels est une évidence dans ce pays où les étrangers viennent de loin pour se procurer le poivre le plus parfumé au monde : le poivre de Penja. Le " ndolé " représente sans conteste le naturel de la cuisine camerounaise. Maï Bodian, en tablier, découpe ses poivrons et ses tomates.

Elle va préparer des brochettes pour les visiteurs du soir. Dans sa cuisine ouverte, la musique flotte dans l'air comme la fumée du barbecue des voisins de la Centrafrique : " Le "ndolé" est très vitaminé. Quand je le mange, je prends des forces ". Normal ! La Vernonia ou " ndolé " est l'une des plantes médicinales les plus connues et les plus utilisées dans la médecine africaine. Elle agit contre les troubles gastriques comme les diarrhées et soigne contre le paludisme. " Les feuilles sont très riches ", soutient Fabiola Djoum, restauratrice camerounaise. Elle travaille dans le même stand que Maï.

Pour elle, le " ndolé ", c'est le meilleur plat du monde. Dans la cuisine africaine, les ingrédients voyagent, les recettes s'échangent, se modifient, s'adaptent, se réadaptent. Mais les saveurs restent africaines parce que les produits sortent du ventre de la terre-mère Afrique. Par la cuisine, les pays africains se rapprochent plus qu'ils ne le croient. Ce qui fait dire d'ailleurs à Ismaël Cabral Kambel, organisateur de la première édition du Sgac, à la conférence d'ouverture : " La cuisine est la meilleure chose que nous avons en partage ".

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