Afrique: Des essais pour réduire la durée du traitement de l'ulcère de Buruli

10 Novembre 2022

Yaounde — Un nouveau protocole thérapeutique pourrait permettre de réduire prochainement la durée du traitement de l'ulcère de Buruli de 8 à 4 semaines.

C'est ce que révèlent des participants à la réunion du Réseau des laboratoires PCR (amplification en chaîne par polymérase) pour l'ulcère de Buruli dans la région africaine de l'OMS, tenue du 24 au 26 octobre 2022 à Yaoundé au Cameroun.

Ce nouveau protocole consiste en l'association de la bêta-lactamines (Amoxicilline/Acide clavulanique) à une bithérapie dénommée " RC4 ", révèle Maman Issaka, responsable du laboratoire de biologie moléculaire-virologie de Lomé au Togo.

Le traitement actuel qui consiste en une bi-antibiothérapie par Rifampicine et Clarithromycine par voie orale est difficilement bien suivi par les patients parce qu'il est jugé trop long, explique-t-il.

" On est amenés à garder les patients en milieu hospitalier le temps que les médicaments leur sont administrés, ce qui augmente substantiellement les coûts globaux de prise en charge ", précise Maman Issaka.

La nouvelle synergie d'action devrait permettre de ramener à quatre semaines la durée de traitement, toujours par voie orale et cette fois-ci en ambulatoire, déclare le chercheur.

Cependant, cette nouvelle combinaison thérapeutique n'est pas encore administrée. Des essais cliniques sur le terrain devraient débuter au mois de décembre prochain dans plusieurs pays endémiques comme le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d'ivoire.

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Classé parmi les maladies tropicales négligées, l'ulcère de Buruli est une maladie de la peau et des tissus mous, causée par une mycobactérie appelée mycobaterium ulcerans.

Lorsqu'on est contaminé par cette bactérie, il y a sécrétion d'une toxine dite mycolactone, explique Earnest Njih, secrétaire permanent du Comité national de lutte contre le Pian, la leishmaniose, la lèpre et l'ulcère de Buruli au Cameroun.

" C'est cette mycolactone qui est responsable de la destruction de la peau, des tissus mous et même des os, si elle n'est pas détectée précocement et traitée de manière adéquate ", soutient-il.

Au Cameroun, cette infection bactérienne touche les populations installées le long du fleuve Nyong notamment à Bertoua (Est), Ayos, Akonolinga, Mbalmayo (Centre), autour du barrage de retenue d'eau de la Mapé, dans la région de l'Adamaoua, et dans les zones de Mbonge et Ekondo Titi dans le Sud-Ouest.

Baisse des appuis

La pandémie de la COVID-19 et l'arrêt des appuis octroyés par des partenaires ont considérablement affecté la lutte contre l'ulcère de Buruli dans plusieurs pays africains.

" Avant 2019, le taux de positivité de cette maladie était au-delà de 70%, avec en moyenne 50 à 80 patients qui étaient des cas suspects. Mais avec la COVID, ces chiffres ont baissé, pas parce qu'il n'y a plus la maladie, mais parce qu'on n'investigue plus ", confie Maman Issaka.

Selon ses explications, l'ulcère de Buruli sévit principalement dans la région maritime précisément au sud du pays. La maladie est endémique dans les villes de Tsiévié et de Yoto.

D'après cet expert, la gestion de cette pathologie repose sur plusieurs approches. Notamment les patients déjà infectés qui arrivent spontanément à l'hôpital, les agents de santé communautaire qui font des recherches actives de cas et les réfèrent aux centres de santé les plus proches pour qu'ils soient diagnostiqués et les campagnes effectuées par les équipes de chaque district dans les écoles, les marchés et les villages afin d'identifier les cas." C'est ce qui fait qu'on trouve beaucoup de cas. Mais, avec la survenue de la COVID-19 et ses restrictions sanitaires, on n'a pas pu continuer la recherche des cas ", déplore Maman Issaka.

L'arrêt des appuis accordés par des partenaires techniques et financiers a porté un sérieux coup à la lutte contre la maladie, révèle Earnest Njih.

Le nombre de cas est passé de plus de 500 nouveaux cas détectés par an dans les années 2010 à moins de 150 nouveaux cas par an ces deux à trois dernières années. Mais cette baisse de cas est à prendre avec beaucoup de réserves, souligne le médecin.

" Dans les années 2010, il y avait plusieurs activités de recherche active des cas dans les communautés endémiques. Mais aujourd'hui, ces activités ont beaucoup baissé parce que les appuis que nous recevions des partenaires tels que Médecins sans frontières ont baissé ou cessé ", explique-t-il.

Par conséquent, les activités communautaires ont aussi diminué et les recherches actives de cas ne se font plus dans les communautés comme avant, ajoute-t-il

Visibilité

Pour Phanuel Habimana, représentant de l'OMS au Cameroun, les travaux du Réseau des laboratoires PCR pour l'ulcère de Buruli devraient permettre non seulement d'attirer l'attention sur cette maladie mais aussi sur toutes les maladies tropicales négligées-MTN (pian, leishmaniose, mycétome et lèpre).

" Ce sont des maladies qui existent dans nos communautés et dont la visibilité n'est pas très importante. Elles frappent les communautés pauvres, reculées qui n'ont pas toujours accès aux services de santé ", soutient-il.

Ce Réseau qui se réunit, " c'est pour mieux diagnostiquer ces maladies et également attirer l'attention des ministères de la Santé sur la nécessité de faire des efforts pour rechercher ces maladies et les traiter ", indique Phanuel Habimana.

En termes de diagnostic, des avancées significatives ont été enregistrées en Afrique par le Réseau, précise Sarah Eyangoh, du Centre Pasteur du Cameroun et coordinatrice du Réseau des laboratoires pour l'ulcère de Buruli.

" Le Centre Pasteur a été choisi par l'OMS comme le centre coordonnateur pour le diagnostic de l'ulcère de Buruli et cela a été mis en place en 2019 avec des objectifs très précis ", soutient-elle.

A l'en croire, ce choix a permis d'harmoniser l'ensemble des procédures utilisées au niveau des laboratoires, de faciliter la réduction des coûts des analyses, d'avoir un bailleur capable de donner les réactifs, de mettre en place un contrôle de qualité externe et de soutenir l'ensemble des laboratoires pour la formation et la supervision.

Détection précoce

Pour le Réseau, l'un des objectifs aujourd'hui est de mieux contrôler la maladie en s'appuyant sur une détection précoce des cas.

Avec l'accompagnement du ministère de la Santé (Cameroun), un travail a été fait afin d'améliorer la détection précoce des cas sur le terrain, souligne Sarah Eyangoh.

Il s'agit de " déstigmatiser la maladie pour que les gens viennent spontanément vers les formations sanitaires pour se faire dépister très tôt, et lorsqu'on est dépisté très tôt, l'antibiothérapie qu'on met en place marche très bien et évite toutes les difficultés qu'on peut rencontrer après ", précise-t-elle.

Earnest Njih insiste également sur un dépistage précoce des cas. Selon lui, lorsque la lésion est détectée au début, le traitement " est plus simple et rapide, et il est possible d'être traité sans complications au bout de 8 semaines ".

Un dépistage tardif par contre pourrait engendrer des complications et alourdir le coût du traitement. " Ça peut même aller à plus de 500 000 voire 1 million de FCFA (plus de 750 à 1500 US dollar), s'il faut faire une amputation... ", dit-il.

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