Egypte: COP27 - La société civile crie dans le désert à Charm el-Cheikh

Comme chaque année le samedi entre les deux semaines de la Conférence sur le changement climatique (COP), la société civile organise une grande mobilisation. Celle-ci n'a été qu'un échantillon de manif, à l'intérieur de la COP. Les messages prononcés sont ceux du Sud depuis le début de la semaine : justice climatique, fin des nouveaux projets d'énergies fossiles et réparations pour les sinistres climatiques dans les pays pauvres.

Seule les personnes accréditées pour participer à la COP auront pu prendre part à la traditionnelle marche de la société civile. Dès le départ, les autorités égyptiennes avaient prévenu qu'aucune manifestation ne serait autorisée dans les rues de Charm el-Cheikh. De toute façon, la ville est difficilement accessible autrement qu'en avion, isolée du reste du pays, entre mer Rouge et vaste désert. Alors, peut-être pour la première dans l'histoire des COP, l'évènement s'est déroulé à l'intérieur de l'enceinte de la COP, un territoire obésissant aux règles par les Nations unies.

Dès le matin, un rassemblement d'une trentaine de représentants de l'Alliance panafricaine pour la jeunesse climatique - 1000 organisations climatiques de 46 pays du continent - s'est massé à l'entrée du site, comme pour chauffer la salle et les cordes vocales.

"Nous voulons un renforcement du plan d'adaptation en Afrique"

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Puis, entre les hangars des pavillons et les agents bleus de la sécurité, le défilé a commencé son étrange circuit : il remonte une longue rue bitumée exposée au soleil de midi, parvient à un rond-point planté d'un grand pilier bardé d'écrans lumineux et s'engage dans une étroite rampe d'accès. Si les militants regrettent de ne pas avoir pu mobiliser davantage, ils étaient quand même quelques centaines dans le cortège. Loin, très loin des milliers de personnes recensées à Glasgow l'an dernier. La mobilisation de la COP égyptienne ne restera pas dans les annales.

À sa tête, on retrouve des visages médiatiques comme Sanaa Seif, la sœur d'Alaa Abdel Fattah, une figure de la révolution égyptienne actuellement en grève de la faim, Asad Rehman, activiste britannique impliqué dans les mouvements de justice climatique et derrière, une foule d'anonymes venue d'Europe, d'Amérique du Sud, des petites îles du Pacifique mais surtout et très largement d'Afrique, pour alerter sur l'urgence, les impacts à grande échelle du changement climatique - tempêtes, sécheresses, les feux et les inondations à grande échelle, dont beaucoup ici peuvent témoigner. " Il y a tellement de dégâts, j'en ai assez d'avoir peur du prochain typhon ", déclarait une manifestante venue des Philippines. Cy Wagoner vient d'Arizona, il est membre du collectif NDN, du Forum international des peuples autochtones, qui visent à défendre les droits de ces minorités. " Nous avons des méga-feux dans l'ouest de l'Amérique. Ils font d'énormes dégâts : ils détruisent les ressources et les cendres s'infiltrent partout, dans les rivières, les champs et jusque dans nos poumons ", dit-il derrière son masque.

" Nous avons déjà eu tellement de dégâts... On doit aider les pays vulnérables, On doit réduire les émissions de gaz à effet de serre. On doit sortir des énergies fossiles... On a besoin de sauver notre monde ! Parce que j'en peux plus de vivre dans la peur du prochain typhon ", supplie cette manifestante allemande.

Alors, les mots d'ordre sont ceux du Sud à cette COP27 : justice climatique, droits de l'homme et réparations. Faire payer les pollueurs, l'idée est dans toutes les têtes de cette COP " africaine ". Fin également aux énergies fossiles, pour plus de renouvelable. En ligne de mire, les projets pétroliers et gaziers de TotalEnergie en Afrique, mais les règles onusiennes imposent de ne pas citer de nom d'entreprises.

" On a deux messages aujourd'hui. Les personnes qui souffrent du changement climatique ne l'ont pas causé. Ces gens sont majoritairement dans le Grand Sud [des pays émergents à ceux les moins développés, NDLR], où l'ont voit les effets: inondations au Pakistan, au Nigeria, sécheresse dans la Corne de l'Afrique... Et ces gens ne reçoivent pas de soutien financier pour s'en remettre, c'est ce que l'on appelle les pertes et dommages " pour lesquels " il faut des financements ", résume pour RFI la Sud-Africaine Tasneem Essop, directrice du Réseau Action climat international. " Ensuite, les gouvernements qui sont supposés apporter les financements disent qu'ils n'ont pas d'argent, à cause de la crise économique, à cause de la guerre en Ukraine. En réalité, ils ont de l'argent puisqu'ils subventionnent l'industrie des combustibles fossiles, et il s'agit de notre argent. " Elle appelle les sociétés civiles du Nord à faire pression sur les gouvernements pour réduire les émissions : " nous sommes entrés dans une période de pertes et dommages, parce que les pays riches n'ont pas réagi assez vite et loin. On ne peut plus le nier. Et maintenant, ils utilisent l'excuse d'une crise énergétique pour revenir aux énergies fossiles. Ca va nous tuer, dans le Sud. "

À quelques pas du défilé, des chants et des banderoles, derrière les portes des salles de réunion de la COP, les délégués de chaque pays ont-ils les oreilles qui sifflent ? En une semaine, " les choses n'ont pas avancé, peste Christian Hounkannou, représentant de 350.org en Afrique de l'Ouest. On a peur que si l'on se tait, elles n'avancent pas plus, c'est pour cela qu'on manifeste aujourd'hui. Il faut que sur les questions fondamentales, il y ait des décisions la deuxième semaine : il faut arrêter pétrole, gaz, charbon. Il faut promouvoir les énergies renouvelables qui sont compétitives, qui peuvent créer beaucoup plus d'emplois à la jeunesse. "

Ils continuent à huis clos leurs négociations et vont décider in fine des politiques et des actions à mener. À mi-chemin de la COP, la demande d'action globale reste insatisfaite.

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